Exclusif : Visite du tournage de CAPTAIN AMERICA, THE FIRST AVENGER - Entretien avec Stephen Broussard, co-producteur
Article Cinéma du Dimanche 31 Juillet 2011

[Retrouvez la précédente partie de ce reportage]


Par Pascal Pinteau

Nous avons ensuite quitté Shepperton et traversé des étendues boisées pour nous rendre dans les studios de Longcross, dont les premiers bâtiments furent construits en 1942 pour un tout autre usage que le tournage de films, puisque l’on y fabriquait des tanks ! La piste de ciment sur laquelle on testait le fonctionnement de ces lourdes machines de guerre existe toujours, et elle a servi depuis à tester de nombreuses voitures prototypes en toute confidentialité. C’est à partir de 2004 que le site a été racheté par une société privée pour être transformé en studio de cinéma, équipé de vastes plateaux. Petit clin d’œil du destin, c’est un véhicule blindé de l’Hydra, surmonté d’un énorme canon, que nous découvrons sur le parking à notre arrivée ! Certaines vieilles structures de l’usine des années 40 sont restées en place, et Rick Henrichs a su en tirer habilement parti. Il y a aménagé le décor de l’atelier de Howard Stark - dans lequel sont mis au point les équipements de Captain America – à partir des vrais ateliers d’époque, aux splendides arches de briques rouges. Profitant d’une pause dans le tournage d’une scène, nous avons pu pénétrer sur le plateau, où Joe Johnston était occupé à donner ses instructions aux opérateurs et aux éclairagistes, tandis que les responsables des accessoires spéciaux et des armes s’affairaient à disposer éléments et gadgets variés sur les tables. Non loin de là, Johnston observait différents modèles du fameux bouclier de Captain America, puisque dans cette scène, Steve Rogers troque définitivement son bouclier de spectacle (en forme d’écusson) contre un vrai bouclier pare-balles rond, fabriqué avec un alliage révolutionnaire. En jetant un coup d’œil plus attentif sur les lieux, nous avons remarqué que les colonnes et les voûtes de briques intérieures étaient fausses, même si elles raccordaient parfaitement avec le vrai plafond de l’atelier. Derrière nous se trouvait une sorte d’énorme caisson blindé doté d’une épaisse baie vitrée, et de pinces articulées de télémanipulation. On imaginait bien qu’Howard Stark s’en servait pour utiliser un matériau extrêmement instable et dangereux. Le cube cosmique ? Nous allions obtenir la réponse un peu plus tard…On nous expliqua alors que dans la scène qui se tournait, Howard Stark provoquait une violente explosion en manipulant « quelque chose », et que la doublure cascade de l’acteur, tirée en arrière par un câble au moment de la détonation, avait traversé toute la longueur de la pièce pour atterrir contre un (faux) mur. En furetant dans le décor, nous étions tombés sous le charme des multiples détails et accessoires disposés partout : une circulaire officielle épinglée au mur, avec le papier en-tête de Stark Industries, des conseils de sécurité extrêmement détaillés sur l’utilisation des équipements, des installations électriques plus vraies que nature, des badges d’entrée sur le site, etc. Nous restions admiratifs devant cette multitude de détails que les spectateurs de cinéma ne pourraient probablement pas voir, mais qui étaient pourtant là, « au cas où », pour donner une authenticité irréprochable au décor. L’armurier Nick Jeffries était occupé à diposer sur une table de véritables pistolets, revolvers et fusils de toutes origines – Russie, Japon, Belgique, Allemagne -, datant des années 30/40, dont les mécanismes avaient été convertis pour ne plus pouvoir tirer que des balles à blanc. Certaines de ces pièces, dénichées auprès de collectionneurs, étaient extrêmement rares , comme cet authentique fusil FJ42 des parachutistes de l’armée allemande, à la forme extrêmement étrange, dont la valeur était estimée à 47 000 euros ! Certaines armes avaient également été modifiées en fonction des instructions de Joe Johnston, et munies de nouvelles pièces pour avoir un aspect encore plus menaçant. Nick Jeffries nous expliqua que chaque acteur qui devait se servir d’une arme avait suivi une formation pour apprendre à l’utiliser en toute sécurité. En effet, même si aucun projectile ne sortait de ces armes, la détonation d’une balle à blanc produisait une force suffisante pour causer des dégâts si le canon était trop proche de quelqu’un. Un résidu de poudre pouvait également voler très loin. Il fallait que les comédiens apprennent aussi à gérer le mouvement de recul causé par la détonation, tout en vérifiant que personne de se trouvait dans la trajectoire des cartouches vides éjectées latéralement lors du tir. Le tournage avait repris au bout d’une vingtaine de minutes, et nous aviosn pu assister à une nouvelle prise de la cascade, en voyant le résultat, effectivement spectaculaire, sur un moniteur, dans une pièce attenante. Nous avons profité d’une nouvelle remise en place pour parler avec le sympathique Stephen Broussard, des Studios Marvel, visiblement très heureux d’assurer les fonctions de co-producteur sur un projet tel que CAPTAIN AMERICA.

Entretien avec Stephen Broussard, co-producteur

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Qu’est-ce qui vous a poussé à lancer le projet CAPTAIN AMERICA maintenant, après que tant d’adaptations infructueuses du personnage aient été tentées par le passé ?

Je crois que c’était le moment idéal, s’inscrivant parfaitement dans tout ce que fait Marvel actuellement. Nous essayons de présenter ces personnages en respectant l’esprit des bandes dessinées originales, et le public a si bien réagi à IRON MAN, à L’INCROYABLE HULK et à IRON MAN 2, qu’il nous semble maintenant prêt à découvrir Captain America dans le contexte historique où le personnage est né, celui de la seconde guerre mondiale. C’est pour nous l’occasion de raconter enfin cette histoire telle que les fans avaient envie de la voir, sans faire de compromis sur la personnalité et la singularité de Captain America. Le personnage a été créé il y a 70 ans et je crois que s’il est encore connu et apprécié aujourd’hui, c’est parce qu’il incarne des valeurs d’héroïsme et d’idéalisme qui résonnent toujours en nous.

Avez-vous été contraint d’atténuer un peu le côté patriotique du récit ?

Le patriotisme est l’un des éléments constitutifs du personnage, et nous n’avions ni l’intention de faire l’impasse sur ce thème, ni la tentation opposée de jeter un regard cynique sur cela, en « battant notre coulpe » d’une manière qui pourrait offenser beaucoup de spectateurs américains. Cela état dit, rappelez-vous que Iron Man débutait par une scène en Afghanistan, au cours de laquelle Tony Stark, un marchand d’armes millionnaire, présentait ses derniers missiles aux militaires américains, ce qui, très franchement, le plaçait déjà dans une posture bien plus patriotique et pro-américaine ! Captain America est intimement lié à l’époque de la seconde guerre mondiale, ce qui est un avantage pour nous, car personne n’ira contester que la lutte contre les nazis était une juste cause et un combat incontournable. Dans ce contexte, et en connaissant aujourd’hui toute l’ampleur dramatique de ces évènements, on comprend tout à fait qu’un jeune homme comme Steve Rogers ait envie de s’engager dans l’armée pour défendre son pays et les démocraties européennes en péril.

Est-ce que le traitement du personnage est adapté à cette époque, ou a t’il été modernisé dans sa façon d’agir ou de s’exprimer ?

Il est adapté à l’époque des années 30-40, cependant les dialogues sont écrits sans utiliser des expressions trop datées, car notre objectif est de plaire au public actuel. Mais vous remarquerez que même si Captain America a évolué au fil des ans dans les BDs, notamment à partir du moment où il réapparaît au sein de l’équipe des Vengeurs, dans les années 60, il est toujours resté fidèle à lui-même. Les auteurs qui ont imaginé ses aventures depuis soixante-dix ans ont respecté son image, et le symbole guerrier qu’il représente. Ils lui ont simplement imaginé de nouvelles occasions de s’engager et de combattre pour défendre ses idéaux. Je crois que ce thème est tout autant d’actualité aujourd’hui que par le passé. Les spectateurs comprendront bien la frustration de Steve au début quand on lui dit : « Tu ne peux pas t’engager, tu es réformé parce que tu ne vaux rien physiquement, tu es inutile ! », parce que c’est un rejet violent et évidemment très dur à supporter. L’une des forces des BDs Marvel, c’est qu’au-delà des scènes d’action spectaculaires et des exploits fantastiques qu’elles présentent, nos histoires sont toujours basées sur des thèmes réels, qui concernent chacun de nous. Il s’agit de sujets profondément humains, que l’on traite de pauvreté, de rédemption, de discrimination, d’injustice sociale, de lutte pour la liberté ou de dilemmes moraux. Tout cela aide le public à s’attacher aux personnages et lui donne envie de les suivre, quel que soit l’univers dans lequel se déroulent ces aventures. Au cinéma aussi, il faut établir une certaine réalité, que l’action se déroule à Manhattan de nos jours, ou au 17ème siècle sur un bateau pirate, ou dans un vaisseau spatial du futur. Dès que le film débute, il faut que le spectateur soit convaincu que ce qu’il voit arrive vraiment aux personnages, devant ses yeux.

En terme d’échelle, et d’ampleur de production, Captain America place la barre très haut…

Oui, le film est plutôt ambitieux. Aujourd’hui, nous en sommes au 73ème jour de tournage sur les 90 prévus, ce qui vous donne déjà une idée des moyens mis en œuvre. (La plupart des films d’action de série A sont tournés en 60 à 70 jours environ, NDLR.) Et je dois dire que chaque jour, nous tournons des choses compliquées et spectaculaires. Je n’ai encore pas compté une seule journée « simple » jusqu’à présent ! Nous passons de scènes sophistiquées filmées dans des grands décors, à des cascades compliquées, puis à des tournages en extérieurs et décors naturels avec de nombreux figurants, des explosions, des tanks énormes, des véhicules déments. Et cela n’arrête jamais ! Je crois que l’ampleur de CAPTAIN AMERICA dépasse largement tout ce que Marvel a produit jusqu’à présent.

Joe Johnston a dessiné le storyboard de plusieurs scènes d’action des AVENTURIERS DE L’ARCHE PERDUE pour Steven Spielberg. Pourrait-on dire qu’il y a une sorte de connexion, d’esprit commun, entre ce film et CAPTAIN AMERICA ?

Absolument ! LES AVENTURIERS DE L’ARCHE PERDUE est mon film préféré. C’est déjà une première petite connexion, si l’on veut, en marge de la principale connexion, qui est la contribution de Joe à ce chef d’œuvre. Ensuite, nous avons l’intention de traiter l’action comme dans LES AVENTURIERS, c’est à dire sans la truffer de références trop précises à de véritables évènements de la seconde guerre mondiale. Lorsqu’il est sorti en salles en 1981, LES AVENTURIERS DE L’ARCHE PERDUE a surpris tout le monde parce que c’était un film de facture résolument moderne, au rythme formidable, même si l’action se déroulait quarante ans plus tôt ! Dans CAPTAIN AMERICA, il y aura tout cela, et en plus, ce style fantastique inimitable, typique de Marvel, qui consiste à mélanger habilement le réel avec la Science-Fiction et le Fantastique le plus extravagant.

Vous allez donner également un ton un peu humoristique aux scènes d’action et de combats ?

Oui, bien sûr. Ce ne sera pas une comédie, mais un film d’action dans lequel l’humour jouera un rôle important. C’est essentiel pour que l’on s’attache aux personnages. Traiter les choses au premier degré n’a jamais été une caractéristique de Marvel. Même dans nos récits les plus dramatiques, il y a toujours une petite pointe d’ironie ou d’humour.

Avez-vous eu du mal à choisir l’acteur capable d’exprimer à la fois l’humour et l’idéalisme pur et sincère de Captain America ?

Oh oui ! Steve Rogers/Captain America est de loin le rôle qui a été le plus difficile à attribuer depuis que je fais partie des Studios Marvel. C’est un personnage extrêmement difficile à jouer, d’abord parce qu’il se métamorphose de manière spectaculaire au début du film. Il fallait donc trouver quelqu’un qui puisse jouer de manière convaincante un garçon chétif, pendant le premier acte du film, et qui soit également capable de jouer un athlète puissant et sûr de lui par la suite. De plus, il fallait que l’acteur puisse rendre son côté patriotique attachant et sincère, et non pas irritant et pesant. Trouver un comédien apte à jouer tout cela parfaitement a été un processus long et complexe dont la presse a maintes fois parlé. C’était presque comme si le casting avait lieu en direct, devant tout le monde ! (rires) Nous avons rencontré pratiquement tous les acteurs auxquels vous pouvez penser. Pendant un long moment, le nom de Chris Evans est resté un peu au bas de notre liste, parce qu’il faisait partie des acteurs qui étaient déjà apparus dans d’autres films de superhéros Marvel (Les 4 fantastiques & sa malencontreuse suite, NDLR.) En revenant peu à peu sur les noms de notre liste, nous avons constaté que la seule chose qui jouait en sa défaveur, c’était cela. Nous étions en train de nous tirer une balle dans le pied sans nous en rendre compte, à cause de cet aveuglement ! Après en avoir pris conscience, toute l’équipe des Studios Marvel a convenu que nous serions stupides de renoncer à lui pour cette seule raison alors que Chris avait amplement démontré avoir toutes les qualités nécessaires par ailleurs. D’ailleurs, l’attitude même de Chris, qui est très intègre, et qui hésitait beaucoup à accepter le rôle, a contribué à nous convaincre qu’il était bel et bien le choix idéal !

Qu’est-ce qui l’a fait hésiter ?

Au début, Chris n’était pas sûr de vouloir entrer dans la peau de ce symbole, de devenir un autre superhéros, un super-soldat. Il se posait des questions sur la manière dont son choix pourrait être accueilli. Il craignait aussi qu’on lui reproche de jouer à nouveau un personnage tiré d’une BD, alors qu’il venait de tourner dans THE LOSERS et dans SCOTT PILGRIM… Il se trouvait dans une phase confortable de sa carrière, travaillant régulièrement sans avoir pour autant des paparazzi collés constamment à ses trousses. Bref, il fallait qu’il prenne le temps de réfléchir à toutes ces choses… Heureusement, il a dit oui ! Et je peux vous dire qu’à chaque fois que nous voyons les rushes d’une nouvelle scène, nous sommes extrêmement heureux de sa performance.

Chris Evans est-il le seul acteur qui ait incarné deux personnages Marvel différents ?

Non : Rebecca Romijn, qui incarnait Mystique dans la trilogie X-MEN, jouait également dans THE PUNISHER. 

Les illustrations de production que Rick Henrichs nous a montré font penser à plusieurs classiques des films de guerre comme OPERATION CROSSBOW ou QUAND LES AIGLES ATTAQUENT…

Oui, nous avons voulu rendre hommage à ce genre cinématographique très riche, aux films que vous citez, ainsi qu’aux CANONS DE NAVARONE, ou aux DOUZE SALOPARDS. Nous avons joué aussi avec les clichés du genre, et nous sommes amusés à leur appliquer le « traitement Marvel » en injectant une bonne dose de fantastique.

Pensez-vous que cette première aventure de Captain America puisse être le début d’une nouvelle saga cinématographique pour les studios Marvel ?

Tout à fait. Tant que les histoires que nous présenterons seront fraîches et intéressantes, nous pourrons imaginer d’autres films, en dehors même de l’univers lié de nos productions actuelles, qui convergent toutes vers la réunion de Captain America, Iron Man, Thor, Hulk, Ant-Man et la guêpe au sein du film LES VENGEURS. Les liens que nous pouvons tisser entre CAPTAIN AMERICA et les autres film aideront les spectateurs à entrer plus facilement dans l’univers des VENGEURS. Par exemple, il y a une séquence au début de CAPTAIN AMERICA qui se déroule dans village norvégien, attaqué par les troupe de l’HYDRA et nous incluons certains liens avec la mythologie nordique, avec le royaume céleste d’Asgaard, et avec Thor, par le biais du Cube Cosmique, un objet magique au pouvoir fabuleux. Mais notre but en ce moment, c’est bien sûr que le public apprécie CAPTAIN AMERICA pour lui-même, indépendamment de ce que nous préparons activement pour 2012. Et d’ailleurs, chacun des films que nous produisons en ce moment a un ton bien particulier et présente des histoires très différentes : IRON MAN 2 ne ressemble pas à CAPTAIN AMERICA, qui ne ressemble pas non plus à THOR, ni à L’INCROYABLE HULK. Bien sûr, les spectateurs qui auront vu les films racontant l’origine de chacun des membres de l’équipe des Vengeurs n’en apprécieront que plus le spectacle de leur réunion, car ils auront suivi l’évolution de cet univers multiple, et le cheminement de chacun de ces justiciers. Dans le cas de Captain America, nous allons suivre le personnage sur une période qui s’étend sur plus de 70 ans, ce qui est très long.

L’une des choses frappantes à propos de Captain America, c’est que les gens qui ne savent strictement rien à propos de l’histoire du personnage sont malgré tout capables de l’identifier en voyant son costume…

Oui, cela va nous aider à faire parler du film et à attiser la curiosité des spectateurs. Nous espérons qu’ils auront envie d’en savoir plus.

Aviez-vous prévu d’emblée de venir en Angleterre ?

Oui, au moins pendant une partie du tournage, car on trouve plus de sites qui permettent d’évoquer la seconde guerre mondiale en Europe que du côté de Long Beach, en Californie ! (rires) Au début, nous pensions tourner seulement de 6 à 8 semaines ici, et au fur et à mesure que nous préparions ce travail, il nous a semblé évident que la bonne décision à prendre consistait à baser toute l’équipe en Angleterre, afin de tout tourner ici. En tant que cinéphile, je dois dire que j’éprouve un plaisir particulier à travailler dans les studios anglais où tant de mes films favoris ont été filmés : SUPERMAN, STAR WARS, LES AVENTURIERS DE L’ARCHE PERDUE, sans même parler des franchises comme les James Bond et les Harry Potter ! C’est grisant de se retrouver dans ces lieux mythiques, ou comme l’autre jour, sur le plateau où a été tournée la scène des singes et du monolithe de 2001, L’ODYSSEE DE L’ESPACE !

La manière dont l’histoire de Captain America est racontée dans ce premier film laisse penser que toutes ses aventures ultérieures auront lieu de nos jours, et non plus pendant la période de la seconde guerre mondiale…

Pas nécessairement. Le futur n’est pas encore écrit. Il y aura peut-être des opportunités de revenir à cette première étape de la carrière de Captain America, pendant la seconde guerre mondiale. L’univers que nous avons mis en place dans ce film est tellement attrayant, tellement unique que personnellement, je trouve que ce serait bien dommage de ne jamais y revenir. Le tout est que ce soit pour une raison indiscutable, et parfaitement logique. Il ne faudrait pas que nous soyons contraints de placer Captain America dans une machine à voyager dans le temps ! (rires)

L’adaptation du costume traditionnel du personnage a du être un défi particulièrement ardu à relever…

C’était à la fois un défi et un compromis délicat, car nous devions respecter certains éléments caractéristiques du personnage afin qu’on le reconnaisse, tout en le rendant crédible dans un film en prises de vues réelles se déroulant pendant la seconde guerre mondiale. Mais la partie amusante de ce travail, c’est la démarche qui consiste à partir de la page, et à trouver des justifications qui permettent d’expliquer pourquoi un super-soldat pourrait porter un costume taillé dans la bannière étoilée comme le sien. Notre but, c’était que le public suive pas à pas toute l’évolution du personnage et la genèse des différentes versions de son costume, pour qu’il puisse l’accepter sans aucune réticence sous sa forme finale. Je crois que le design auquel nous sommes parvenus est à la fois très spectaculaire et crédible à la fois par son côté pratique, par le choix des éléments qui le constituent, et l’utilisation de matériaux que l’on aurait très bien pu façonner ainsi en 1939-45.

Au travers des films que Les studios Marvel produisent indépendamment, il semble que vous saisissiez toutes les opportunités de prouver qu’il existe de nombreux sous-genres au sein du genre que représentent les aventures de superhéros… et que vous pouvez éviter ainsi de vous répéter et de lasser le public. CAPTAIN AMERICA se déroule pendant la seconde guerre mondiale, THOR évoque les dieux et la mythologie nordique, IRON MAN 1 & 2 sont des films d’action et d’espionnage, L’INCROYABLE HULK est une variation fantastique sur le thème du double, et ainsi de suite…

Oui, c’est bien notre stratégie : montrer au public que l’univers Marvel est incroyablement riche et vaste, et que jusqu’à présent, nous n’avons fait qu’en effleurer la surface. Et il nous reste encore beaucoup de genres à aborder : la magie avec le DOCTEUR STRANGE, par exemple, le fantastique et les arts martiaux avec IRON FIST, la comédie avec ANT-MAN, qui sera réalisé par Edgar Wright... Et je pourrais multiplier les exemples, comme les fans de Marvel le savent ! Nous comptons bien démontrer que nous avons potentiellement de quoi proposer des milliers d’histoires originales aux spectateurs, avec ce ton Marvel qui est si particulier.

Selon vous, qu’est-ce qui va surprendre le plus les spectateurs lorsqu’ils découvriront CAPTAIN AMERICA ?

C’est une question difficile…Je dirais qu’ils seront impressionnés et surpris par la manière dont Joe Johnston réalise les scènes d’action. Il suffit de se rappeler ce que vous mentionniez précédemment, la fameuse séquence de la poursuite en camion des AVENTURIERS DE L’ARCHE PERDUE qu’il avait conçue et storyboardée, pour se souvenir de ce qu’il peut faire dans un tel contexte ! Depuis cette époque, il n’a fait qu’affiner son talent de metteur en scène et je crois que le public le constatera en découvrant CAPTAIN AMERICA. Dès le début du projet, Joe nous a dit « Nous allons utiliser des véhicules des années 40, mais je veux qu’ils soient gonflés à bloc, hyper-rapides et puissants, pour que le public actuel soit époustouflé. » Mais CAPTAIN AMERICA ne repose pas que sur l’action, c’est aussi une histoire émouvante à cause du parcours du personnage principal, dont on suit l’évolution. Au début, on a pitié de Steve Rogers, parce qu’il est chétif et brutalisé par des voyous. Puis après avoir été transformé en surhomme et en mascotte costumée des spectacles de l’armée, il devient un peu frimeur, et se prend pour un héros alors qu’il n’est qu’un acteur. C’est en se rendant en Europe pour amuser les troupes qui y combattent que Steve Rogers comprend brutalement qu’il n’est qu’un pantin costumé, et qu’il a oublié son idéal en chemin... Il décide alors de devenir vraiment Captain America, et part combattre sur le front, contre les forces du mal. Je crois que les spectateurs seront touchés par tout cela.

Crâne rouge a t’il toujours été votre premier choix pour être l’adversaire de Captain America dans ce premier film ?

Oui, parce que c’est sans aucun doute le principal ennemi de Captain America dans les BDs, que son aspect est saisissant, et qu’il convenait parfaitement à l’époque où se déroule l’action de notre histoire. Hugo Weaving est fantastique dans ce rôle. Il a tellement de charisme que grâce à lui, on se prend à aimer un peu ce personnage de méchant absolument épouvantable ! (rires) C’est le génie particulier d’Hugo. Dès que nous avons choisi de situer cette première aventure pendant la période 1939-45, il nous est apparu évident que la présence de Crâne Rouge était indispensable.

En voyant le superbe « coupé de Schmidt », on se demande pourquoi vous n’ouvrez pas un Musée Marvel dans lequel on pourrait voir tous les objets et costumes réalisés pour les adaptations cinématographiques de vos BDs…

C’est une bonne idée. Il faudrait en parler à Disney ! (rires) Je dois dire qu’un des grands plaisirs de ce film a été de travailler avec Rick Henrichs et avec le designer Daniel Simon, qui a conçu le coupé de Schmidt. Grâce à eux, nous avons pu revisiter l’esthétique des années 30 et 40, et y mêler du futurisme, de la SF, comme si nous révélions des faits historiques secrets. Nous disons « Et si, à cette époque, une organisation terroriste secrète, l’HYDRA, avait fabriqué des prototypes d’engins et des armements alimentés par une énergie inconnue, et avait combattu les forces alliées et les services secrets de la « Strategic Scientific Reserve » ? » C’est très excitant d’imaginer tout cela comme une réalité alternative et de le mettre en images, surtout quand un réalisateur comme Joe Johnston se trouve derrière la caméra ! Nous puisons aussi dans la réalité et dans les prototypes de guerre les plus étonnants. Nous avons notamment utilisé un design qui a vraiment été conçu par les savants allemands pendant la seconde guerre mondiale : trois ailes disposées en hélices, au bout desquelles étaient placés trois réacteurs ! Ce mélange incroyable d’avion et d’hélicoptère s’appelle le « Dreifluegel », c’est à dire le « triplane », puisqu’il a trois ailes ! Nous avons tourné une scène d’action dans laquelle Johann Schmidt l’utilise pour s’enfuir.

Vous faites apparaître Hitler aussi dans le film…

Oui, mais pas de la manière dont les gens pourraient l’imaginer. Il apparaît ses les traits d’un acteur auquel Captain America donne un coup de poing à la fin de son numéro, pendant les spectacles. Cela fait directement écho à la célèbre couverture du premier numéro du magazine CAPTAIN AMERICA, qui avait été publiée en mars 1941, avant l’attaque de Pearl Harbour et avant l’entrée en guerre des Etats-Unis. C’était assez audacieux de la part de deux jeunes auteurs de BD comme Joe Simon et Jack Kirby de prendre ainsi parti pour l’entrée en guerre des USA contre l’Allemagne nazie, car à l’époque, la population américaine était aussi divisée sur le sujet de la guerre qu’elle l’est aujourd’hui à propos du conflit en Irak. Nous avons interviewé Joe Simon, qui est toujours avec nous, et qui a maintenant 94 ans. Il nous a raconté qu’on lui avait craché dessus à la suite de la parution de cette couverture, pour avoir pris ainsi parti pour une intervention des USA en Europe. Après que le pays ait combattu pendant la première guerre mondiale, puis ait subi les affres de la grande dépression à la fin des années 20 et pendant les années 30, beaucoup de gens disaient «Cette guerre en Europe ne nous concerne pas. » La moitié des américains pensaient cela. Cela permet de se rendre compte que Captain America a toujours été un personnage qui faisait naître des controverses, et ce , dès son apparition. Je suis sûr que le film sera lui aussi la source de débats politiques en sortant dans le contexte de 2011. Mais cela ne nous gêne pas. Bien au contraire, un personnage comme Captain America peut être l’occasion d’entreprendre des débats sains et utiles.

Ce serait formidable si Joe Simon pouvait assister au tournage, peu avant la célébration du 70ème anniversaire de la création du personnage…

Oui ! Il vit à New York. Nous l’avions invité à venir sur le tournage, ce qui lui aurait énormément plu, mais en raison de son grand âge, il ne peut plus voyager. C’est beaucoup trop fatigant. Nous sommes en train d’organiser la venue de ses petits-enfants, ce qui sera un moment très particulier. Ils ont une vingtaine d’années, et ce sera l’occasion de leur dire : « C’est votre grand père qui a créé tout cela ».

Avez-vous décidé d’utiliser beaucoup d’effets spéciaux de plateau et de construire beaucoup d’accessoires et de décors parce que le film se déroule pendant la seconde guerre mondiale ?

Oui. Il fallait ancrer le film dans la réalité. Cependant, beaucoup d’effets sont hybrides, comme l’apparence de Crâne Rouge. Hugo Weaving porte un maquillage, mais son nez est effacé numériquement, et la forme de son visage est également altérée en post-production. Quel que soit notre sensibilité artistique, notre point de vue est « si vous remarquez un effet, c’est qu’il ne fonctionne pas. » Comme vous le savez sans doute, Joe a reçu un Oscar lorsqu’il faisait partie de l’équipe des effets visuels d’ILM. Il a participé de près à l’évolution des trucages au cours des 30 dernières années. Même si nous avons construit beaucoup de choses, nous avons tenté de trouver objectivement la meilleure solution technique et artistique, au cas par cas, pour réaliser au mieux chacun des effets du film. Notre objectif est de ne jamais rompre le sentiment d’immersion dans le récit par un effet qui se remarquerait.

Où allez-vous tourner les scènes du début et de la fin du film, qui sont sensées se dérouler dans l’arctique ?

Ici, en Angleterre !

Avec le froid qui règne aujourd’hui dans les studios de Longcross, on n’a pas trop de mal à vous croire !

Oui ! (rires) Nous allons utiliser une partie des studios de Longcross qui s’appelle « the skid », et qui est une ancienne piste de course qui a souvent servi à tester des véhicules. Comme le sol de ciment est bien plat, nous n’aurons plus qu’à tendre un grand écran blanc, puis à disposer des faux blocs de glace et de la neige, et le tour sera joué. D’ailleurs, c’est assez étrange de constater que même s’il ne fait pas vraiment froid, le simple fait de vous retrouver dans un décor enneigé suffit à vous donner l’impression que vous gelez ! C’est fou de constater l’impact psychologique d’un tel décor !

Combien de scènes avez-vous tourné en utilisant des fonds verts ?

Une bonne partie des scènes, car nous employons aussi des fonds verts en compléments des superbes décors que Rick Henricks a construit, afin d’insérer dans l’images les éléments qui sont beaucoup trop grands pour être fabriqués à taille réelle. L’un des décors qui utilise le plus de fond vert est paradoxalement aussi l’un des plus grands que nous allons construire. On le voit au début du film, quand Steve est encore un garçon chétif, inapte à être engagé dans l’armée. Son camarade Bucky, lui, a été accepté, et va partir combattre en Europe. La veille de son départ, Steve et lui vont visiter la grande foire-exposition de New York consacrée au « Monde de demain ». C’est un décor qui s’inspire de la véritable foire exposition de New York de 1939, qui fut un événement considérable. Curieusement, alors que l’on sentait déjà planer les menaces de guerre, la vision du monde que présentaient les pavillons de cette énorme foire était celle d’un futur joyeux, où la science apporterait le bonheur à toute l’humanité. Dans le film, Steve et Bucky visitent le pavillon de Stark Industries, la compagnie dirigée par Howard Stark (le père de Tony Stark / Iron Man, NDLR.) Il y expose ses nouvelles inventions et prototypes, et notamment des bottes « antigravité » qui permettent de voler au-dessus du sol. Et Steve a l’occasion de tester ces bottes. C’est notre petite touche de Science-fiction Marvel dans cette scène… Nous construisons surtout une partie du pavillon de Stark Industries et les façades des structures qui le jouxtent, mais le reste sera réalisé en 3D. Le repaire secret de Johann Schmidt, qui est une base ultramoderne creusée dans une montagne des Alpes, est aussi un décor dont la plus grande partie sera complétée virtuellement. Ce complexe abrite un laboratoire et un énorme hangar dans lequel Hydra construit ses engins de guerre top secret, dont le bombardier colossal dont vous avez pu visiter le cockpit. Cependant, ces deux décors, celui de la foire exposition et celui de la base secrète de l’HYDRA restent des exceptions, car la grande majorité des plans sont tournés sans fonds verts, soit dans des décors complets en studio, soit en extérieurs.

La suite de cet article sera publiée prochainement par ESI ! Mais vous pouvez retrouver nos précédents articles consacrés à Captain America et aux films de super-héros sur cette page.

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