La critique ESI : THE THING 2011 - Une excellente préquelle, qui tient ses promesses !
Article Cinéma du Mardi 04 Octobre 2011
Par Pascal Pinteau
Le film de John Carpenter THE THING a obtenu au fil des ans le statut d’œuvre culte, après avoir reçu un accueil injustement mitigé en salles en 1982. Parmi les raisons de ce semi-échec, on peut citer une campagne publicitaire ratée qui n’a pas su intriguer le public, la concurrence du phénoménal E.T. de Spielberg qui dominait alors le box office, et les critiques reprochant l’intensité des scènes de métamorphoses et l’ambiance trop sombre du film. Pourtant, cette seconde adaptation de la nouvelle de John W. Campbell Jr WHO GOES THERE ? (Qui va là ?), après LA CHOSE D’UN AUTRE MONDE, l’excellent thriller en noir et blanc réalisé (officieusement) par Howard Hawks et (officiellement) par Christian Nyby en 1951, joue habilement sur les sentiments de paranoïa et de claustrophobie grandissante des protagonistes de l’histoire, un groupe de savants et de techniciens reclus dans une base américaine isolée au milieu des glaces (de l’Arctique en 1951 et de l’Antarctique en 1982).
Ne pouvant compter que sur eux-mêmes, ils doivent affronter une forme de vie extraterrestre capable d’éliminer puis de prendre l’aspect de n’importe quel animal ou être humain. Comme dans la première transposition, le sentiment de sécurité procuré par l’environnement confortable de la base était parasité par une double menace : le monde extérieur glacé, terriblement hostile, voire mortel, et la présence malfaisante d’un ennemi aussi mystérieux qu’apparemment invincible. Dans les deux films, les personnages sont incarnés par d’excellents acteurs de second rôles, auxquels on ne tarde pas à s’identifier, tout en sachant qu’aucun d’entre eux – puisqu’il n’y a aucune tête d’affiche – n’est à l’abri d’une mort brutale ! Si en 1951, « la chose » d’origine végétale et assoiffée de sang est représentée simplement par un acteur de grande taille, James Arness (qui devint plus tard la vedette de la série de western GUNSMOKE ) revêtu d’une combinaison sombre et affublé d’un grand front et de mains hérissées de griffes, elle change complètement de nature dans la version de Carpenter. Elle devient un organisme protéïforme, diaboliquement intelligent, capable de se métamorphoser en imitant à la fois le physique et le comportement des êtres vivants qu’elle élimine. C’est Rob Bottin qui conçoit et réalise les incroyables effets spéciaux de maquillage décrivant les attaques de la chose, et les apparitions des créatures hybrides issues du processus de copie des victimes. Les délires cauchemardesques mis en scène par Carpenter et Bottin surpassnt tout ce qui avait été vu jusque là en matière de métamorphoses, et restent stupéfiants quant on les découvre aujourd’hui, même si les techniques et les matériaux de maquillage ont évolué depuis. L’opacité de la mousse de latex employée par Bottin se remarque notamment sur les copies de têtes de certains acteurs, car on s’est habitué à voir des maquillages et des personnages réalisés avec du silicone translucide d’aspect plus réaliste, mais le déroulement hallucinant des séquences de transformation n’a pas pris une ride. Grâce à la qualité de sa mise en scène, de son casting, de ses trouvailles scénaristiques et de ses effets de maquillage, THE THING demeure un chef d’œuvre, et l’un des meilleurs mélanges de Science-Fiction et d’Horreur, avec ALIEN et ALIENS.
Pour toutes ces raisons, l’annonce d’un projet de préquelle de THE THING avait d’abord suscité la méfiance des cinéphiles. Comment se rapprocher du niveau de l’original de Carpenter ? Comment éviter de ne produire qu’une plate copie ? Comment recréer le sentiment de «cauchemar éveillé » produit par les effets de Rob Bottin ? Autant de défis que le réalisateur Matthijs Van Heijningen, le scénariste Eric Heisserer et les superviseurs des effets de maquillage Tom Woodruff et Alec Gillis (avec la collaboration très active des équipes chargées des trucages numériques) ont vaillamment tenté de relever. Et leurs efforts, contre toute attente, ont portés leur fruits.
Un retour dans l’univers du film de Carpenter, jalonné de nouvelles découvertes
Pour les fans de la version de 1982 (dont nous sommes), la découverte de cette préquelle est une très bonne surprise. On se retrouve bel et bien projeté à nouveau en 1982, dans un environnement très proche du film original, à la différence près que l’action se déroule cette fois-ci dans la fameuse base norvégienne dont les survivants apparaissaient brièvement au début de l’œuvre de Carpenter. On apprend donc enfin ce qui s’est passé avant la contamination de la base américaine, et la continuité fonctionne à la perfection. On ne peut que saluer le travail méticuleux du scénariste qui a replacé dans le déroulement de l’action tous les éléments qui permettent de raccorder cette préquelle avec le film de 82. Tous les détails y sont ! Les fans prendront un grand plaisir à les identifier, tandis que le spectateur lambda ne sera gêné en rien par ces hommages habilement intégrés aux évènements. Comme par le passé, l’intrigue repose sur les épaules d’un casting irréprochable, emmené par l’actrice principale Mary Elizabeth Winstead (La fille de Bruce Willis dans DIE HARD 4, et la fiancée inaccessible de SCOTT PILGRIM) qui campe une scientifique crédible, réagissant de manière intelligente et déterminée aux évènements terrifiants qui se produisent. Comme en 1982, le spectateur se demande constamment qui a été contaminé au sein du groupe, et le doute se renouvelle après chaque attaque. On sent que l’équipe du film, tout en rendant un bel hommage au travail de Carpenter et de Bottin, s’est donné beaucoup de mal pour surprendre le public. Et elle y parvient, de manière astucieuse. Si cette préquelle est par moments - comme la créature ! - une parfaite copie de l’original, elle l’assume pleinement pour satisfaire les fans. En revanche, elle sait aussi tracer son propre chemin et nous présenter des aspects nouveaux de cette situation. Bien entendu, nous ne révèlerons rien ici de ces péripéties, et nous vous incitons à ne pas chercher à découvrir des spoilers avant de voir THE THING 2011 en salles pour ne pas gâcher bêtement votre plaisir. Les designers des effets spéciaux de cette nouvelle version ont fait un bon travail en tirant parti de trucages hybrides où maquillages, effets mécaniques et images de synthèse sont habilement mêlés. S’il est entendu que le travail de Rob Bottin est par définition insurpassable, car il a ouvert de nouveaux horizons, les effets de cette préquelle, destinés à impressionner le public actuel habitué à la 3D, sont dans l’ensemble très réussis, à l’exception de quelques plans où la 3D est trop voyante. Mais ne pinaillons pas : THE THING 2011 est une réussite inespérée, et un rendez-vous incontournable et jouissif pour les amateurs du film de John Carpenter. Dans le sillage de ce succès, on pourrait même rêver et imaginer une suite, un troisième volet réunissant les éléments de la préquelle et ceux du film de 1982… Ce serait l’occasion de permettre à Kurt Russell et à Keith David, toujours vaillants, de reprendre leurs rôles (avec des rides en plus, mais qu’importe !), et de savoir enfin lequel des survivants du chef d’œuvre de Carpenter était encore humain à l’issue du film !
The Thing 2011 sortira au cinéma le 12 octobre !
