Visite exclusive des coulisses de LA COLERE DES TITANS - Seconde partie
Article Cinéma du Mercredi 14 Mars 2012

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Seconde partie de notre entretien avec Paul Jennings, superviseur des cascades

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Vous arrive t’il souvent de devoir modérer l’ardeur des acteurs, parce qu’ils voudraient faire eux-mêmes des cascades un peu trop risquées ?

Oui, de temps en temps. Mais ils me consultent toujours avant, car aucun d’entre eux n’a envie de faire quelque chose de stupide et de prendre le risque de retarder le tournage. Ils sont conscients de leurs responsabilités. L’autre jour, Sam est venu me voir parce qu’il a envie de tourner lui-même la cascade pendant laquelle il est projeté sur une colonne de pierre qui explose sous le choc. Pour un plan comme celui-là, qui sera filmé de près et où l’on verra bien son visage, alors oui, cela vaut vraiment la peine de préparer Sam pour qu’il le tourne lui-même. C’est la raison pour laquelle je suis en train de me creuser la tête pour trouver différentes solutions techniques pour que Sam puisse faire cela sans prendre le risque de se blesser. Cela étant dit, je suis très impressionné par sa résistance physique. Il est très courageux, et sait très bien jusqu’où il peut aller en toute sécurité. Il est toujours partant pour tourner une cascade, mais il comprend aussi dans quels cas il est préférable de laisser agir sa doublure. Si on ne peut pas se rendre compte que c’est lui qui est à l’image, c’est inutile qu’il fasse la cascade.

Liam Neeson a t’il eu aussi l’occasion de faire des cascades, puisque son personnage, Zeus, se retrouve dans une mauvaise posture ?

Liam est un grand professionnel. J’ai eu l’occasion de travailler avec lui sur BATMAN BEGINS et sur le premier CHOC DES TITANS. Dans ce film, il joue plusieurs scènes dans des positions très inconfortables. Quand Zeus est emprisonné, il est couvert de chaînes et traîné sur le sol par des makhais. Ces chaînes sont très lourdes et mesurent plus de 5 mètres de long. Elles ne sont bien sûr pas faites de métal, mais de résine et de fibres de verre. Cependant, en raison de la grosseur des maillons, et malgré nos efforts pour les alléger autant que possible, elles sont lourdes. Nous avons fabriqué un harnais pour protéger Liam et rendre cela un peu plus confortable, mais le pauvre doit souvent porter ces chaînes tout au long de la journée, en studio, ou même dans des décors extérieurs, comme cette carrière du pays de Galles dans laquelle nous avons tourné récemment. Se déplacer harnaché ainsi pendant des heures est vraiment dur à supporter, mais il ne se plaint jamais. Il nous demande simplement de faire des pauses de temps en temps.

Comment les journées d’entraînement des acteurs étaient-elles organisées, avant le tournage ?

Nous avons commencé six semaines avant le début du tournage. Ils s’entraînaient en moyenne quatre heures par jour. Deux heures le matin, puis ils faisaient une pause déjeuner, et continuaient l’après-midi, deux heures de plus. Au début de l’entraînement, on leur apprend à faire des mouvements d’échauffement, puis à prendre des postures de lutte à mains nues. Dans un second temps, on leur apprend à manier un glaive, puis à se battre contre un adversaire. Une fois qu’ils ont bien assimilé tout cela, on passe à la répétition de la chorégraphie des combats, dont il faut apprendre les séquences de mouvements par cœur. Ce qui rend les choses un peu plus complexes, c’est que leurs ennemis sont souvent des macaïs dotés de six bras. Lutter contre eux avec une seule épée et une seule paire de bras n’est pas facile, et ça l’est encore moins lorsque l’on est attaqué par deux macaïs ! (rires) Sam, Edgar, Rosamund et Toby se sont très bien débrouillés et je dois dire qu’ils m’épatent chaque jour. Ils continuent d’ailleurs à s’entraîner et à s’échauffer chaque jour, pour rester en forme.

Les acteurs vous font-ils des suggestions de mouvements de combats ?

Oui, car les combats dépendent de la manière dont il vont jouer la scène. Certaines phases de l’affrontement peuvent se passer plus dans le registre des émotions que de l’attaque physique.

Quels sont les équipements que vous employez pendant ces combats ? Des câbles ? Des rampes pneumatiques pour permettre aux acteurs de bondir plus haut ?

Oui. Nous utilisons de nouveaux systèmes de câbles attachés à des harnais et reliés à des poulies motorisées qui permettent de tirer en arrière un cascadeur pour donner l’impression qu’il vient de recevoir un coup d’une puissance terrible. On peut programmer ce système pour faire voler quelqu’un en le faisant bouger à droite, à gauche, en haut et en bas comme on le désire. On peut programmer précisément ces évolutions, et les répéter à l’identique, autant de fois que c’est nécessaire. Il y a une grande séquence qui se passe dans les enfers, où Arès décoche un coup à Andromède, qui est projetée en arrière, vers le bord d’un précipice, et Persée arrive à la rattraper juste avant qu’elle ne tombe dans le vide. Nous avons construit et suspendu une structure spéciale pour porter les poulies motorisées qui ont servi à tourner cet effet avec Rosamund Pike. Grâce à la programmation, Rosamund aboutissait toujours exactement au même endroit, et Sam pouvait caler parfaitement ses gestes au moment où il la rattrape. Le système est pourvu d’un bouton d’arrêt d’urgence, au cas où il y aurait le moindre problème. Il est assez coûteux à employer, et c’est pour cela qu’il n’est utilisé que sur des superproductions comme LA COLERE DES TITANS.

Il y a tant de films d’action qui sortent chaque année que vous devez être obligé de surenchérir constamment et de trouver de nouveaux effets…

C’est vrai. Mais cela ne passe pas que par l’amélioration technique des cascades. Nous essayons aussi de trouver de nouvelles approches artistiques pour surprendre le public. Si une cascade n’est pas enracinée dans les émotions d’un personnage, elle semble vaine et inutile. C’est la raison pour laquelle nous travaillons en étroite collaboration avec les acteurs et le réalisateur, pour trouver des idées qui permettront de faire avancer l’histoire.

Vous parliez tout à l’heure de l’apparition finale de Kronos, sous la forme d’un être colossal, ressemblant à un volcan en éruption, mesurant plus de 250 mètres de haut. Quand un tel titan évolue dans un décor , y a t’il quelqu’un sur le plateau qui est chargé de le représenter et de montrer aux acteurs la direction vers laquelle ils doivent regarder pour donner l’impression de le voir ?

Une créature aussi grande est forcément représentée en images de synthèse. Nous nous contentons de placer un repère au bout d’une longue perche, qui correspond à peu près à l’angle de vue des acteurs, par rapport à la distance et à la hauteur supposée de la tête du monstre. En revanche, quand il s’agit des cyclopes, qui ne mesurent « que 9 mètres », et qui interagissent beaucoup avec les acteurs en essayant de les attraper, nous intervenons sur les éléments du décor afin de simuler leur présence. Nous courbons des arbres sur leur passage, comme s’ils les repoussaient pour avancer dans la forêt. Les cyclopes seront eux aussi réalisés en 3D, mais leurs mouvements ont été captés sur des acteurs filmés à l’avance. Comme nous disposons de ces images des mouvements des cyclopes avant le tournage des prises de vues réelles, nous savons exactement à quel endroit la créature va donner un coup de pied dans un tronc d’arbre qui lui barre le passage et le projeter à côté, et nous déplaçons alors un vrai tronc d’arbre pour reproduire cet effet en vrai. De même, si le cyclope marche sur un tronc pour passer de l’autre côté, nous allons faire basculer le tronc, comme s’il supportait un poids énorme. Nous envoyons de puissants jets d’air sur le sol pour simuler l’impact des pas du cyclope quand il se déplace. Il y a aussi un moment où Sam se dissimule sous un arbre, mais le cyclope casse la branche et le voit, et Sam doit s’enfuir. Il nous faut donc casser la branche à un moment précis, et nous tenir prêts à la remettre en place et à la casser à nouveau pour filmer une nouvelle prise. Il faut que tous ces éléments des décors réels contribuent à faire croire à la présence physique des cyclopes. Bien sûr, pour préparer tout cela, nous nous appuyons sur des storyboards et sur les images de prévisualisation schématiques des créatures, qui sont supervisées par le département des effets numériques. Après avoir tourné une scène avec les acteurs, nous pouvons combiner prévisualisation et images réelles pour vérifier que tout correspond bien à ce qui avait été prévu et répété.

Y a t’il une cascade bien plus complexe que toutes les autres dans ce film ?

Il y a une séquence dont Sam va faire lui-même les cascades, au cours de laquelle il court au travers d’un village de pêcheurs en poursuivant une chimère. La chimère est une créature volante à deux têtes, celle d’un lion et celle d’un bélier, dont la taille dépasse les 6 mètres. Sam va sauter de toit en toit sur trois maisons pour bondir sur le dos de la chimère et la frapper avec son glaive. Elle réussit à le faire tomber et le poursuit dans le village en écrasant les maisons et en crachant du feu. Vers la fin du combat, il se retrouve au bord d’une falaise, saute dans le vide vers le monstre en le frappant avec une pierre qu’il a ramassée, et tente de maîtriser la chimère comme on saisirait les cornes d’un taureau pour le renverser à terre. Et finalement, il va saisir une chaîne, en entourer la gorge de la chimère et lui briser le cou.

Vous devez être mort d’inquiétude quand vous regardez l’acteur principal du film faire ce genre de cascade devant vous…

Oui, effectivement, je me ronge les sangs. Mais je sais que Sam s’est bien entraîné, et que c’est un garçon précis, efficace et prudent. Dans le labyrinthe, Persée est confronté au minotaure, qui est comme vous le savez un être mi-homme, mi-taureau à la tête doté de larges cornes. Et comme le ferait un taureau, il essaie de tuer Sam en faisant bouger rapidement sa tête pour le transpercer. Il le pousse contre des murs et des colonnes, et se bat très violemment contre lui. Et Sam y va à fond pendant que je me ronge les ongles en le regardant faire ! (rires) Je me fais beaucoup de soucis. Je n’aime pas suspendre les acteurs à des câbles et a des poulies motorisées quand ce n’est pas nécessaire, car du matériel technique est toujours susceptible de tomber en panne, en dépit de toutes les vérifications que vous faites avant, pendant et après les cascades. C’est déjà très pénible de voir un incident se produire avec un cascadeur professionnel très bien entraîné, mais un incident avec un acteur, ce serait terrible. J’aurais du mal à supporter cela. Un superviseur de cascades est par définition tout le temps en train de se faire du souci pour quelqu’un de son équipe ou de la distribution du film. Je leur dis toujours que la première chose que je veux les voir faire dès que l’on crie « coupez ! », c’est de tendre le poing, pouce levé vers le haut, pour me montrer que tout va bien. Là seulement, je peux pousser un soupir de soulagement. Heureusement, et je touche du bois, je n’ai jamais connu d’incident grave sur un de mes tournages.

Avez-vous été blessé vous-même quand vous étiez cascadeur ?

Oui, mais ce n’était pas bien grave : je me suis cassé le bras 5 fois. (rires) Ce n’est rien par rapport à une fracture du crâne ou de la colonne vertébrale. La malchance, c’est qu’un accident peut survenir là où il n’y a apparemment pas le moindre danger, tandis qu’une cascade extrêmement complexe se déroulera parfaitement. C’est la raison pour laquelle il faut essayer de penser à absolument toutes les sources de risques, y compris les plus bénignes.

Allez-vous utiliser des effets numériques pour remplacer le visage d’un cascadeur par celui d’un acteur ?

D’habitude, j’évite d’avoir recours à ce type d’effets, car ils sont extrêmement coûteux d’après ce que me disent les équipes des effets 3D. Mais pour une fois, il se trouve que j’ai une idée de cascade très audacieuse pendant laquelle j’aimerais bien utiliser cette technique. Mais je ne vous en parlerai pas, pour ne pas gâcher l’impact de la scène, quand vous la verrez dans le film !

La suite de notre reportage sur le tournage de LA COLERE DES TITANS sera publiée prochainement sur ESI !

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