VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE 2 : L’ILE MYSTERIEUSE - Entretien exclusif avec le réalisateur Brad Peyton - Seconde partie
Article Cinéma du Mardi 27 Mars 2012

Suite de notre reportage sur le tournage et de notre conversation avec Brad Peyton, qui signe ici son premier film d’aventure, après avoir débuté avec le film pour les enfants COMME CHIEN ET CHATS, LA REVANCHE DE KITTY GALORE.

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

En dépit des contraintes techniques de ce tournage, avec la préparation des effets visuels et le réglage de la 3-D, laissez-vous quand même les comédiens improviser un peu ?

Bien sûr ! Nous assurons déjà les choses en tournant la scène telle qu’elle a été prévue, avec les dialogues du script, et nous prévoyons toujours une ou deux prises de plus pour que les acteurs puissent tenter de nouvelles choses. Avec de tels talents, je sais que de très bonnes surprises peuvent arriver. Souvent, un des comédiens vient me voir et me chuchote à l’oreille « Ne dis rien à mon partenaire, mais je vais faire cela pour le surprendre pendant cette prise. » et je lui dis toujours « OK, vas-y, j’ai envie de voir ce que cela va donner ». Ce serait dommage de se priver de cette spontanéité. Vous savez, ces acteurs sont tellement bons qu’ils me donnent exactement ce que je leur ai demandé dès la première prise. Nous peaufinons ensuite, et pour les remercier du temps qu’ils nous font gagner en étant tous si performants, je leur laisse ces moments de liberté où nous pouvons tenter des choses.

Verra t’on ces scènes en tant que « prises coupées », dans le générique de fin ou dans les suppléments des futurs DVDs & Blu-Rays ?

Non, pas forcément, parce que je dis toujours aux comédiens : « Si vous improvisez, faites toujours en sorte que ce soit rapide, fidèle à votre personnage, et bien dans le tempo et dans l’esprit du reste de la scène. De cette manière-là, il y aura plus de chance que nous puissions intégrer ce que vous ferez dans le montage du film. » Ils le comprennent très bien, car s’ils font cela, c’est parce qu’ils ont vraiment envie de me montrer quelque chose d’intéressant, qui mérite de figurer dans le film. Mais c’est important de bien mettre les choses au point, car sinon, des improvisations peuvent s’éterniser et devenir juste des plaisanteries un peu longuettes, comme on s’en rend bien compte en voyant les scènes coupées de certains films. Luis Guzman, par exemple a eu l’idée que son personnage, après le naufrage, se retrouve à demi-enterré dans le sable de la plage sur laquelle il se réveille, et croie alors qu’il a été coupé en deux ! Comme son personnage est un fan de films d’horreur, il panique en voyant bouger les orteils de ce qu’il croit être un pied coupé et se met à croire que ce pied ensorcelé le poursuit ! Luis est parti dans une improvisation vraiment hilarante.

Comment tient-on compte du relief au moment de l’écriture du film ? Crée t’on des scènes exprès pour jouer sur les effets de profondeur ?

Je ne pense pas que l’on écrive un film d’aventure différemment s’il est destiné à être tourné en 3-D. Par contre, l’approche visuelle est vraiment préparée en fonction du relief. Par exemple, il y a une scène pendant laquelle nos héros font descendre Vanessa, qui est accrochée à une corde, dans la tombe du capitaine Nemo. Ils doivent retrouver le journal de bord de Nemo pour découvrir comment quitter l’île. Bien sûr, en storyboardant cette scène, je me suis demandé comment la rendre la plus amusante possible. J’ai joué sur l’effet de profondeur, bien sûr, mais j’ai ajouté aussi un mille-pattes géant qui vient se promener sur le livre et qui effraie Vanessa au moment où elle tente de le saisir. C’est au moment de la conception visuelle que ce genre d’idée vous vient, et c’est normal de concevoir une mise en scène très active avec des choses qui viennent vers la caméra. Vous savez, j’ai grandi en voyant les films de Steven Spielberg, qui a l’habitude de faire bouger la caméra montée sur une dolly (support à roues) vers le personnage principal, et ce genre d’effet marche formidablement bien. Quand vous préparez un film en relief, vous voulez vraiment saisir chaque occasion de dynamiser un plan en inventant des déplacements de caméra ou des mouvements d’acteurs ou d’éléments de décor qui rendent l’image intéressante. Je crois que c’est comme cela que l’on doit concevoir la mise en scène d’un film d’action pour qu’elle fonctionne bien.

Vous intéressiez-vous à Jules Verne avant de réaliser ce film ?

Oui. Pendant mon adolescence, j’ai tourné des courts-métrages en animation image par image, et je connaissais bien les films de Ray Harryhausen, comme LE 7EME VOYAGE DE SINBAD, JASON ET LES ARGONAUTES et bien sûr L’ILE MYSTERIEUSE. J’ai eu l’occasion de le rencontrer, et j’étais un grand fan de la version de 1963 de L’ILE MYSTERIEUSE. J’avais lu par ailleurs plusieurs des romans de Jules Verne. J’étais passionné par le Fantastique et la Science-Fiction, car ma mère avait une bibliothèque remplie de romans appartenant à ces deux genres. A partir de l’âge de 7 ans, je me suis mis à lire Stephen King, Jules Verne, H.G. Wells, Edgar Rice Burroughs, et tous les classiques. J’avais donc déjà de bonnes bases qui dataient de mon enfance, mais quand j’ai commencé à préparer ce film, j’ai étudié à nouveau le roman original. Je voulais que les éléments fantastiques du film soient bien ancrés dans la réalité. H.G. Wells considérait que le Fantastique devait venir d’un autre monde, tandis que Jules Verne disait que le Fantastique et le merveilleux pouvaient être trouvés dans le monde réel. J’ai donc tenu à établir dès le départ que VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE 2 ne serait pas un récit fantasmagorique comme l’est le ALICE AU PAYS DES MERVEILLES de Tim Burton, mais une aventure basée sur des concepts scientifiques crédibles, amplifiés pour présenter des péripéties très spectaculaires. En travaillant sur le film, j’ai fait des recherches sur internet pour trouver des choses vraies qui sont étonnantes, et il y en a énormément. J’ai vu ainsi la plus grosse toile d’araignée du monde, et je peux vous dire qu’elle est sacrément effrayante ! J’ai donc retenu cette idée pour le film, ainsi que les champignons phosphorescents dont j’ai vu les images. Après avoir trouvé beaucoup de ces choses vraies et étonnantes, je savais que j’aurais de quoi fasciner le public sans trop m’éloigner de la réalité.

Il y avait une pieuvre géante dans le film de Ray Harryhausen. Y en a t’il également une dans le vôtre ?

Non, mais nous avons une anguille électrique colossale ! (rires) Nous avons failli ajouter une pieuvre géante, mais nous y avons renoncé.

Quels autres végétaux ou animaux réels avez-vous transposés dans le film ?

Des formes de vie si lumineuses qu’elles sont incandescentes. Quand on les voit en vrai, elles dégagent tant de lumière qu’elles semblent fausses. Nous avons dû diminuer cette intensité pour les rendre plus crédibles à l’image ! J’ai trouvé aussi les lézards que vous verrez dans le film, et je me suis rendu compte que les oiseaux qui devaient manger les bourdons ne les mangeaient pas dans la réalité. J’ai fait des recherches pour choisir parmi les oiseaux qui mangeaient vraiment des bourdons ceux qui conviendraient le mieux au film, puis je leur ai donné l’envergure d’un Boeing 747 !

Votre approche est finalement assez similaire à celle de Jules Verne, quant il préparait ses romans en accumulant de la documentation…

Jules Verne était étonnant. Je ne sais pas si vous le savez, mais il avait établi une cartographie si précise des côtes de France que l’on s’en sert encore aujourd’hui dans certaines encyclopédies ! Voilà ce que Jules Verne faisait à ses moments perdus : il s’investissant dans les faits du monde réel. J’estime qu’il était normal de suivre la même démarche, ne serait-ce que pour être cohérent, et mener cette franchise qui rend hommage à Verne sur la bonne voie. Quand j’avais vu VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE 3-D, je l’avais bien aimé, mais j’ai trouvé qu’on sentait un peu qu’il avait été tourné. essentiellement en studio et sur fond bleu. Pour le bien de notre film, il était important que nous tournions à Hawaï, et que nos acteurs se retrouvent vraiment avec les pieds dans la boue, éclairés par le vrai soleil, au milieu d’une vraie jungle. Nous avons même chamboulé un peu ce qui été prévu pour tenir compte des vraies intempéries.

Quand vous disiez que Vanessa explore la tombe du capitaine Nemo, faisiez-vous référence au Nautilus ?

Non, la tombe de Nemo n’est pas le Nautilus, mais le fameux sous-marin sera bien présent dans le film. C’est l’équipage de Nemo qui a creusé sa tombe, sur l’île mystérieuse. J’ai voulu être fidèle au personnage tel qu’il apparaît dans les romans de Verne, car son histoire est fascinante…

Nemo est un pseudonyme qui signifie « personne », car le capitaine est en réalité un prince, originaire de l’Inde…

Exactement, c’est le prince Dakkar. Et le décor de sa tombe que nous montrerons dans le film s’appelle « la grotte de Dakkar ». J’adore le fait que Nemo soit ce redoutable guerrier indien qui a construit un sous-marin pour terroriser les gens et pour couler les navires de guerres des nations dont il veut se venger. Il a conçu le Nautilus comme un monstre marin et il anéantit les bateaux ennemis avec. C’est génial ! C’est dommage que l’on ne connaisse pas cette image de Nemo habillé à l’indienne, avec un turban, des bracelets d’or, des vêtements de soie. Nous avons donc tenu à incorporer ce style indien dans le Nautilus pour être sûr qu’il ne ressemble à rien de ce que vous avez vu auparavant. Même sa tombe lui ressemble.

Avez-vous utilisé des formes animales pour établir le design du nouveau Nautilus ?

Oui, mais je ne veux pas en dire trop pour ne pas gâcher la surprise.

Harper Goff, le concepteur graphique qui avait dessiné le Nautilus pour les studios Disney, s’était inspiré de la forme de la tête d’un crocodile, dont les yeux et la gueule étaient à fleur d’eau…

Oui, et l’arrière du sous-marin ressemble à la queue d’un poisson. Pour notre version, nous avons essayé de trouver une créature marine que seuls les grands voyageurs pourraient connaître, et non pas un animal connu de tous, comme une pieuvre ou un crocodile. Cela permet de donner une allure plus mystérieuse au Nautilus. J’adore le Nautilus de Harper Goff, mais il faut bien reconnaître qu’il a un côté un peu « cartoon » avec sa queue de poisson. Disons que nous avons exploré d’autres options « bio-mécaniques » du règne animal.

Comme choisissez-vous de créer un effet en vrai sur le plateau ou par le biais de trucages numériques ?

Nous commençons toujours par nous demander si nous pouvons réaliser l’effet en vrai, sur le plateau. S’il apparaît évident que nous devons recourir à des effets numériques, alors nous passons à cette option-là. Il faut aussi tenir compte du temps que demande la mise en place d’un effet de plateau, et donc de son coût, puisque le temps c’est de l’argent. De la même manière, il faut aussi parler en détail de chaque scène d’action avec le coordinateur des cascades, parce qu’il a tendance à vouloir les faire toutes en prises de vues réelles. Il y a cependant un moment où je dois lui dire : « Non, celle-là, si tu tentes de la faire en vrai de la manière dont je la visualise, tu risques de te tuer ! » Mieux vaut tourner juste le fond d’image et utiliser un clone 3D de l’acteur.

Michael Caine semble enthousiasmé par votre approche de la scène des bourdons géants…

Oui, je crois qu’il se réjouit à l’idée que ses petits-enfants le voient chevaucher un bourdon dans une séquence d’action. Dans ma tête, ma référence pour cette scène, c’est la poursuite en speederbikes du RETOUR DU JEDI. Ce qui vous verrez dans le film n’y ressemble pas exactement, bien sûr, mais c’est l’esprit. Ce sera un moment sensationnel et amusant, au cours duquel Alexander, que joue Michael, chevauche un bourdon tout en étant poursuivi par un oiseau qui tente de croquer l’insecte ! Alexander est un homme courageux, qui a un caractère bien trempé, mais qui ne perd jamais son sens de l’humour. Ce n’est pas étonnant que Michael ait aimé ce personnage, car il lui ressemble. Et en plus, nous avons construit ces supports articulés assez drôles sur lesquels les acteurs prennent place pour donner l’impression de chevaucher les bourdons. Les supports montent, bougent et descendent pour reproduire les évolutions des insectes, et c’est très amusant de se retrouver là-dessus. J’ai expérimenté le système et ça m’a beaucoup plu!

Michael Caine avait joué dans un film catastrophe produit par Irwin Allen, qui s’intitulait THE SWARM (L’essaim, même si le titre français choisi fut…L’INEVITABLE CATASTROPHE ! NDLR.) , avec des myriades d’abeilles tueuses. C’est un peu un retour aux sources !

(rires) C’est plutôt une coïncidence ! (rires)

La suite de notre reportage paraîtra bientôt sur ESI !

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