VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE 2 : L’ILE MYSTERIEUSE - Entretien exclusif avec le réalisateur Brad Peyton - Troisième partie
Article Cinéma du Vendredi 30 Mars 2012

^Suite de notre reportage sur le tournage et de notre conversation avec Brad Peyton, qui signe ici son premier film d’aventure, après avoir débuté avec le film pour les enfants COMME CHIEN ET CHATS, LA REVANCHE DE KITTY GALORE.

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Allez-vous montrer les endroits de l’île où le capitaine Nemo a construit des installations ?

Nous montrerons la caverne et le lac souterrain dans lequel Nemo a abrité le Nautilus, tel que cela est décrit dans le roman. En revanche, l’idée de la tombe de Nemo est nouvelle, car nous avions envie d’approfondir un peu cette mythologie.

Comment faites-vous pour « bien servir » tous les acteurs du groupe que vous dirigez ?

Le rythme du film est trop soutenu pour que je fasse des gros plans de Dwayne, Michael, Josh, Vanessa et Luis dans chaque scène. Je les fais fonctionner comme une équipe et je fais en sorte que chaque personnage évolue au cours du récit, et que chacun ait l’occasion de briller de son côté à un moment du film. J’ai beaucoup de chance d’avoir une telle distribution, et je suis heureux de pouvoir compter sur leur soutien, tous les jours. Aucun d’entre eux n’a manifesté de l’impatience parce que les plans 3-D sont plus longs à préparer que des plans 2D. Ils attendent tranquillement que tout soit réglé, et se donnent à 120%. Ils suivent notre travail et voient bien que nous faisons le maximum pour avancer au plus vite, tout en faisant le meilleur travail possible. Comme j’ai beaucoup de choses en tête et que je suis parfois si excité que j’en oublie de finir mes phrases, je me débrouille pour leur montrer un nouvel animatique ou un storyboard qu’ils n’ont pas encore vu chaque matin, et je leur dis « Regardez : voilà ce que l’on va tourner aujourd’hui ! ». Du coup, ils savent parfaitement ce que nous allons faire, et comprennent la préparation nécessaire. Si la mise en place et l’évolution dans les décors doit être extrêmement précise, il m’arrive de faire des répétitions avec les doublures et même de tourner la scène en vidéo avant que les acteurs n’arrivent sur le plateau, afin de la leur montrer. Cela nous permet d’entrer directement dans le vif du sujet et de gagner un temps précieux, parce que tout a été calé et testé en amont. C’est de ma formation dans l’animation que je tiens ce besoin de tout prévisualiser pour tester ma vision des scènes.

Dessinez-vous personnellement les storyboards du film ?

Oui, mais seulement sous la forme d’esquisses rapides. Ensuite je remets ces dessins aux storyboardeurs professionnels qui transforment cela en un document que tout le monde comprendra en un coup d’œil. Nous avons également fait des prévisualisations poussées des scènes d’action les plus complexes, dans lesquelles il y a énormément d’effets visuels. Cela nous a permis d’établir les mouvements de caméra qui marchaient le mieux, et aussi de régler en amont les choix de profondeur Relief. Les acteurs ont pu voir tout cela pour mieux visualiser la scène pendant qu’ils jouent. J’ai fait aussi quelque chose d’atypique sur un tournage, mais qui me semble être une bonne idée : j’ai travaillé avec le compositeur Andrew Lockington, un de mes compatriotes canadiens, sur le thème musical principal du film, et quand j’ai rencontré Dwayne Johnson pour lui proposer de jouer le rôle principal, je lui ai fait écouter ce morceau. Dwayne a été très impressionné et m’a dit « C’est le thème de ce film ? Wow…Ça va être une grosse production ! ». Grâce aux storyboards, aux prévisualisations et aux thèmes musicaux, les acteurs ont pu découvrir assez précisément ce qu’était ma vision du film, et comme ils y ont adhéré, ils se donnent à fond pour que nous la fassions aboutir de la meilleure manière.

Avez-vous été inspiré par la fantastique bande originale composée par Bernard Herrmann pour l’adaptation de L’ILE MYSTERIEUSE de 1963 ?

A 100% ! Comment pourrions-nous oublier de lui rendre hommage ! Je me souviens avoir vu ce film pour la première fois à l’âge de 12 ans, et la qualité de cette musique m’avait sidéré. Elle était puissante, audacieuse, et on en mémorisait immédiatement tous les thèmes. Ce n’est que plus tard, vers 16-17 ans, que j’ai découvert que Bernard Herrmann avait été l’un des musiciens attitrés de Hitchcock… Bref, nous nous inspirons du style de Herrmann quand certains moments très intenses du film s’y prêtent bien. Dans d’autres séquences, nous allons davantage vers l’évocation lyrique de grands espaces, en nous inspirant de John Williams. Il y a plusieurs strates de styles musicaux qui ont influencé notre démarche. Je pense aussi à Carl Stalling, qui a composé la musique des LOONEY TUNES, les cartoons de la Warner, avec Bugs Bunny, Daffy et compagnie...

La musique de Stalling, qui était extrêmement créative, collait exactement à ce qui se passait à l’image, en accompagnant chaque action des toons. Est-ce que c’est ce que vous faites aussi ? Ou est-ce que vous essayez de caler certaines actions et effets à la musique qui a été préparée en amont ?

Nous avons préparé à l’avance des ambiances musicales que nous voulions caler avec l’action, en exprimant des sentiments très précis. Prenons l’exemple du film de Terrence Malick THE THIN RED LINE, qui se déroule pendant la guerre du Vietnam : si vous remplacez la bande originale du film, très onirique, par des compositions martiales de Hans Zimmer, vous obtiendrez un film totalement différent. Quand les héros de notre film découvrent le lac d’or en fusion, nous avons choisi une musique éthérée, qui fait basculer ce moment-là dans le Fantastique, comme si l’on entrait dans un autre univers.

Pensez-vous que les acteurs doivent être dirigés différemment pendant le tournage d’un film en relief ?

Non, pas vraiment. Je dirais que le réalisateur doit surtout veiller à la manière dont ses stars sont filmées, et s’assurer qu’elles sont bien mises en valeur. La moindre des choses, c’est de faire en sorte que leurs traits ne soient pas déformés par certains objectifs, et de prévoir les gros plans en début de journée, quant ils ne sont pas trop fatigués. En dehors de cela, il suffit de leur expliquer en détail ce que l’on fait et tout se passe bien.

En dépit de votre préparation, tenez-vous compte de ce que l’on pourrait appeler les « heureux accidents » qui se produisent toujours pendant un tournage ?

Oui, nous nous tenons prêts à filmer l’imprévu, qu’il s’agisse de brusques changement de météo, ou d’une mise en place qui fonctionne bien mieux avec une approche complètement différente. Le tout est de s’organiser pour filmer le meilleur plan possible. Je vais vous en donner un exemple : dans la scène où Josh est poursuivi par un lézard géant, il était prévu que Josh escalade un tronc en équilibre sur un autre, et que le lézard, en tentant de se jeter sur lui, appuie sur l’autre extrémité, et propulse ainsi Josh dans les airs. Josh devait atterrir sur un sol jonché de feuilles, juste devant la caméra, puis se relever face à nous et sortir du champ. Après avoir préparé le plan ainsi, j’ai fait des recherches sur la manière dont les lézards cherchent leurs proies en « goûtant» le sol avec leur langue. Je me suis rendu compte que la scène marcherait beaucoup mieux si nous nous trouvions dans l’autre axe, derrière Josh au moment de sa chute, et si le voyions rouler sur le sol puis se relever en gros plan alors qu’il se retourne. Et quand il recommence à fuir, et que nous le suivons de dos, je peux montrer la langue du lézard géant en avant-plan, qui se déploie pour essayer de le toucher vers le fond de l’image, et percute ainsi des buissons, et des feuilles d’arbres. La scène est bien plus dynamique ainsi.

Comment décririez-vous l’évolution du personnage de Sean, qui est le seul personnage récurrent des deux films de la saga  VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE 3-D ?

Je dirais que dans le premier épisode, on suivait surtout l’aventure de Brendan Fraser, à laquelle Sean/Josh participait. Dans ce nouveau volet, il est devenu un jeune homme qui a envie de s’affirmer et de faire les choses par lui-même. Sean a un peu de mal à s’entendre avec son beau-père Hank, qui a fait carrière dans la marine, puis est devenu patron d’une entreprise de construction de bateaux de plaisance. Hank, qui a l’habitude de régler tous les problèmes et de tout réparer aisément, est complètement dépassé quant il se retrouve confronté à un beau-fils de 17 ans qui lui fait bien comprendre qu’il ne l’aime pas. Ils vont faire des efforts chacun de leur côté pour que le cercle familial se reconstitue.

L’arrivée de Dwayne dans la franchise est un tournant important…

Oui, elle change beaucoup de choses. Quand vous avez la chance qu’un acteur comme Dwayne accepte de se joindre à cette aventure, il faut profiter au maximum de son charisme, de son aura de sympathie et de son incroyable physique. Dans la vie, il est charmant et si agréable que nous avons eu envie de construire un caractère autour de sa vraie nature. Dwayne a toujours le souci de participer aux meilleurs projets possibles, et quand il s’implique, il le fait à 120%. Et il a de bonnes idées aussi. Quant il a accepté de jouer dans le film, nous avons conçu des scènes d’action spécialement pour le mettre en valeur, puis nous les lui avons « pitchées » pour obtenir ses réactions et tenir compte de ses suggestions.

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