Entretien avec Michael Key, créateur de l’IMATS et éditeur en chef de Make-Up Artist Magazine + 1er reportage vidéo d'ESI - Première partie
Article 100% SFX du Dimanche 10 Juin 2012

Propos recueillis et traduits par Jean-Philippe Lomas. Photos par Jean-Philippe Lomas (exceptée la photo 3). Reportage filmé, réalisé, monté et commenté par Gilles Paillet.

C’est à l'occasion de l'édition 2012 du salon IMATS (International Make-up Artist Trade Show) de Londres que nous avons pu interviewer Michael Key, le créateur de cet événement. Il est aussi un maquilleur primé, ainsi que l'éditeur en chef du Make-Up Artist Magazine.

Dans cet article, nous sommes très heureux de vous présenter le premier reportage vidéo d’ESI, signé par notre correspondant à Londres Gilles Paillet.



Entretien avec Michael Key

Les habitués de l'IMATS vous connaissent par ce biais. Pouvez-vous nous expliquer comment vous avez débuté dans les effets spéciaux de maquillage ?


J'ai débuté en tant que maquilleur au milieu des années 80, travaillant dans des ateliers d'effets spéciaux de la région de Los Angeles. Après quelques années, j'ai eu la chance d'être embauché par les studios de la NBC à Burbank pour diriger l'équipe spécialisée dans les prothèses. C'est là que j'ai été formé au maquillage beauté et au maquillage pour la télévision. C'est ainsi que je suis devenu un maquilleur à part entière. Après avoir quitté la NBC j'ai travaillé pour Rick Baker sur GREMLINS II, en faisant du moulage, en fabricant et peignant des griffes, etc. Ce fut un tournant de ma carrière. Ces gens étaient les artistes les plus talentueux avec qui j'avais jamais travaillé. Nous étions soixante quinze dans cet environnement qui ressemblait à une usine. Chaque personne était spécialisée dans un domaine. Je me suis rendu compte que je ne parviendrai jamais à sculpter aussi bien que Matt Rose, ou peindre comme Steve Wang ou Aaron Sims. Cela m'a obligé à décider ce que je voulais vraiment faire. Ce qui me passionnait était de transformer quelqu'un en personnage d'une histoire. J'ai donc mobilisé toute mon énergie afin de devenir un maquilleur de plateau. C'est à cette époque que j'ai suivi la formation de Dick Smith et ai commencé à travailler avec d'autres artistes sur les plateaux de cinéma et de télévision.

Vous avez été primé deux fois aux Emmy Awards pour votre travail sur STAR TREK : DEEP SPACE NINE. Comment en êtes-vous arrive là ?

J'ai commencé par obtenir quelques jours de travail sur ALIEN NATION et STAR TREK : THE NEXT GENERATION. Je faisais également des effets spéciaux de maquillage avec ma propre compagnie. J'ai finalement pu devenir membre du syndicat et travailler ainsi sur les productions que je convoitais. J'ai toujours occupé des rôles variés, du maquillage beauté jusqu'aux prothèses. C'était une lutte constante pour ne pas être catalogué dans une fonction particulière, comme les postiches ou les effets spéciaux. J'ai travaillé aussi bien sur des films, des publicités, des programmes de télévision et occasionnellement pour le théâtre, mais Star Trek a toujours été un refuge. J'adore la diversité. Ma fiche IMDB donne la liste de mes principaux films. Notamment j'ai travaillé sur BATMAN RETURNS et LA PLANETE DES SINGES avec Tim Burton. Mes contributions allaient de faire les raccords de maquillage sur le plateau, jusqu'à chef maquilleur. Une fois que j'ai débuté le Make-Up Artist Magazine j'ai du réduire mon implication mais durant des années je suis parvenu à jongler avec les deux activités. Ce fut dur de refuser des offres, mais je suis heureux d'avoir choisi cette voie. Quand j'ai déplacé ma compagnie plus au nord à Vancouver en 2004 cela a encore compliqué les choses. J'ai pris l'avion pour venir travailler durant une semaine ou deux sur des films comme SANTA CLAUS 3 et INDIANA JONES ET LE ROYAUME DU CRANE DE CRISTAL.

Comment avez-vous créé le Make-Up Artist Magazine et qu'est ce qui vous a poussé à le lancer ?

J'ai publié le Make-Up Artist Magazine en 1996 ; il découle d'un bulletin que je faisais pour le syndicat des artistes maquilleurs à Hollywood, dont j'étais membre. Quand j'ai repris la présidence du secteur du syndicat dédié aux techniques et aux produits, j'ai créé un petit bulletin qui permettait de diffuser des informations à propos de cela. Sa popularité a grandi si vite que je me suis rapidement rendu compte qu'il pourrait être bénéfique à un public plus large que celui des membres du syndicat, et j'ai donc décidé de le transformer en un véritable magazine. D'où la sortie du tout premier numéro du magazine en 1996. Bien sûr si vous vous souvenez du milieu des années 90 le monde était très différent. L'Internet en était à ses balbutiements. L'email n'existait pratiquement pas. Comme il n'y avait ni FaceBook ni moteurs de recherches, vous deviez connaître une adresse exacte pour accéder à un site web. Un magazine était donc un moyen essentiel d’informer et de relier les membres de la communauté des maquilleurs.

Vous êtes vous reposé sur les personnes que vous connaissiez de l'industrie pour vous aider à lancer le magazine ?

Non, pas du point de vue du magazine. Au niveau de l'édition j'étais très ignorant ; je n'avais absolument aucune formation et très peu d'information dans ce domaine. Mais j'étais un maquilleur primé et comme j'étais connu ainsi dans l'industrie, ce fut facile de convaincre mes collègues à Hollywood de contribuer au magazine. Quand nous l'avons lancé en 1996 nous souhaitions qu'il ait une couverture globale. Ce fut chose aisée grâce aux personnes que je connaissais et côtoyais tous les jours à Hollywood.

Et qu’en est-il de l'IMATS ? Après le magazine qu'est ce qui vous en a donné l'idée ?

Et bien en fait, c'est une très bonne question. Comme je vous l'ai dit, je n'avais aucune expérience dans le domaine de l'édition, ce qui n'était probablement pas plus mal car j'ignorais que la plupart des magazines échouaient. Je ne le savais pas quand j'ai commencé à faire le magazine dans ma salle à manger. Il fallait que je trouve un moyen pour le faire connaître auprès des maquilleurs, pour qu'ils sachent son existence. La raison pour laquelle j'ai lancé le magazine était la volonté d'unir les gens, mais le seul moyen d'atteindre les maquilleurs était justement mon magazine, qui venait de débuter et n’était donc pas encore connu. C'était un peu comme essayer de construire une route tout en voulant rouler dessus en même temps. Cela a pris du temps.

Comment avez-vous distribué le magazine à ses débuts ?

Comme j'étais dans la région de Los Angeles, j'ai contacté quelques-uns des principaux vendeurs de journaux qui avaient des publications du monde entier. Je leur ai demandé : «  Si je lançais un magazine, accepteriez-vous de le vendre ? » Et ils ont accepté. Je ne sais pas pourquoi ils ont dit oui ! Et il y avait aussi d'autres endroits ; il y avait une boutique qui était très importante pour la communauté des effets spéciaux de maquillage nommée Creature Features. C'est là que tout le monde allait. Ils avaient des modèles réduits et beaucoup de produits dérivés liés aux films de genre. Taylor White qui tenait la boutique a immédiatement accepté de vendre le magazine. Un nombre suffisamment important de personnes a dit oui pour que je sache que je pouvais compter sur eux, et puis il y avait toujours mes amis maquilleurs à Hollywood vers lesquels je pouvais me tourner. Donc je savais qu'il y avait au moins ce publique du milieu du maquillage que je pouvais atteindre. Heureusement le premier numéro du magazine a touché un nombre important de gens ; il a vraiment bien été distribué. Ensuite j'ai eu un appel de Tower Records qui avait des boutiques dans le monde entier. Cette personne m'a dit "J'ai dans les mains une copie de ce truc, le magazine Make-Up Artist ; nous souhaiterions le vendre." Quel coup de téléphone formidable ! Nous étions tout nouveau donc j'ai dit oui et ça nous a vraiment aidé internationalement. Et puis j'ai aussi cherché à obtenir un accord avec des distributeurs conventionnels. Donc le second numéro a finalement eu une distribution beaucoup plus large. Nous étions en vente chez les libraires en Amérique, et puis nous avions l'empreinte internationale de Tower Records, ainsi que quelques autres endroits comme ScreenFace à Londres. Notre développement fut lent au départ mais tout compte fait nous avons quand même eu de la chance.

Revenons à l'IMATS…

Désolé, j'ai digressé. Donc en démarrant le magazine, j'ai commencé à parler à des éditeurs en leur demandant quelle serait la meilleure façon de promouvoir un magazine de ce type. Leur réponse était que les salons professionnels étaient de loin la meilleure solution. Donc j'ai appelé mes annonceurs ; s'ils avaient du succès lors d'un salon professionnel, c'était un endroit que je pouvais viser pour le magazine. Je leur ai demandé à quels salons ils se rendaient. Ils m'ont répondu "Et bien nous avons essayé ce salon, et puis aussi celui-là, initialement nous pensions qu'il concernait le maquillage beauté, mais en fait c'est plus pour la coiffure et pas vraiment le maquillage du tout, donc en fait nous ne participerons pas à beaucoup de salons." Après avoir entendu des propos similaires au bout de dix conversations téléphoniques, je me suis rendu compte qu'il serait utile de créer un salon dédié aux artistes du maquillage, et que personne ne s'en occupait jusque là. Je me suis aussi rendu compte que nous étions les personnes les mieux placées pour se charger de cela. Car si c'étaient un fabricant de cosmétiques ou une école de maquillage qui en prenaient l’initiative, alors leurs concurrents ne voudraient pas être impliqués. Ce serait perçu comme une aide apportée à la concurrence et ça ne passerait pas. En revanche nous étions mutuellement bénéfiques à tout le monde. Un peu comme la Suisse, nous étions neutres. Donc j'ai réalisé que c'est ce que nous devions faire. J'avais un peu d'expérience dans l'organisation d'évènements. J'organisais des réunions pour le syndicat des maquilleurs, comme je vous l'ai dit, à propos des techniques et des produits. Mais c'étaient des réunions de taille modeste, prévues pour 100 à 150 personnes. Et avant d'être maquilleur j'étais musicien. Lors de nos concerts nous étions habitués à régler les lumières et la mise en scène, et à gérer un grand nombre de personnes. En plus d'être maquilleur dans l'industrie du cinéma, j'étais familier de cet aspect technique des choses, et cela a été utile quant nous avons organisé notre tout premier salon le 3 août 1997. J'étais très inquiet ; le public allait-il venir ? Aux réunions que je tenais pour le syndicat, les gens pouvaient clairement venir gratuitement s'ils faisaient partie du syndicat. Et 150 visiteurs, c’était déjà considéré comme une énorme affluence. Mais ces visiteurs accepteraient-ils de payer pour entrer ? C'était un peu comme Woodstock, le premier grand concert festival. Comment savoir à l'avance si ça allait avoir du succès ou si ce serait un échec ? Mais heureusement pour nous le 3 août nous avons battu le record de fréquentation de l'endroit où l'évènement se tenait. Cela ne durait qu'une journée. Les gens faisaient la queue pour entrer, comme si c'était un concert des Beatles. Bien sûr c'était très petit, nous n'avions que 30 stands. Le salon se tenait dans la salle de bal d'un hôtel. Nous avons utilisé tout l'espace disponible. Et entre le moment où nous avons réservé l'hôtel et celui où s'est déroulé l'événement, ça n'a pas arrêté de croître. On pouvait à peine circuler dans les allées.

Combien d'IMATS y a-t-il dans le monde à présent ? Projetez-vous d'en ouvrir d'autres ?

Il y a six salons. Je crois que c'est suffisant pour moi, car au final s'il y en a six ça veut dire que j'en organise un tous les deux mois. Donc ça signifie que je suis loin de chez moi six semaines par an juste avec l'IMATS, sans compter les Oscars ou toute autre raison pour laquelle je devrais me déplacer. C'est beaucoup. Bon, je suppose que pour un représentant de commerce ce n'est rien, mais c'est largement assez pour moi. Dans les débuts je le faisais en même temps que diriger le magazine et travailler comme maquilleur dans l'industrie du cinéma. Ma femme s'en occupait pendant la journée alors que je partais travailler sur une émission de télévision ou un film. Finalement j'ai du réduire mon activité de maquilleur, mais je l'ai fait progressivement. Lors de la sortie du 3ème numéro du magazine j'ai du démissionner de l'émission de télévision que je faisais, pour prendre des responsabilités plus restreintes. Par exemple sur LE GRINCH je n'ai travaillé qu'un seul mois. Le matin je maquillais une ou deux personnes pour le tournage et après la pause déjeuner je faisais les raccords. Après j'allais au bureau, qui heureusement n'était pas très loin, et essayais de m'occuper de cela.

Les secondes parties de cet entretien et de ce reportage paraîtront bientôt sur ESI !

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