THE AMAZING SPIDER-MAN : Entretien exclusif avec Matt Tolmach, producteur
Article Cinéma du Mardi 19 Juin 2012

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau



Pourquoi Marc Webb a t’il été choisi par le studio pour réaliser ce reboot ?

Il se trouve que je travaillais encore au sein de la Columbia à cette époque. A présent, j’ai rejoint Avi au sein de sa société. Bref, j’avais rendez-vous avec Marc pour parler de ses envies de réalisation de manière générale, sans idée précise en tête. J’avais beaucoup aimé 500 JOURS ENSEMBLE, et ma patronne Amy Pascal et moi-même avions rencontré Marc afin d’essayer de lui trouver un film à réaliser chez nous. C’est à ce moment important de nos vies collectives, à Avi, Amy, la regrettée Laura Ziskin et moi-même, que nous essayions de déterminer ce que nous pourrions faire avec Spider-Man et dans quelle direction il faudrait aller. Nous avions déjà décidé de confier le film à un nouveau réalisateur, et en parlant librement avec Marc, je lui ai demandé ce qu’il pensait de Spider-Man. A ma grande surprise, il est s’est avéré être passionné par le personnage. Marc m’a décrit sa vision de la manière de réinventer Spider-Man au cinéma, c’était une approche nouvelle, très originale, qui correspondait à son style très personnel de réalisation. Il voulait exprimer la façon dont il voit le monde au travers de cette histoire. Nous nous sommes rapidement mis à évoquer une nouvelle version de Peter Parker qui lui semblait plus proche de lui. Ce qui était intéressant, c’est que toute cette discussion a abordé de nombreux thèmes, et notamment les raisons pour lesquelles Peter Parker est un personnage qui a si bien traversé 5 décennies successives, sans jamais rien perdre de sa popularité. Comme vous vous en être certainement rendu compte en visionnant les extraits du film que nous vous avons présentés ce matin, le Peter Parker que Marc met en scène est vraiment bien intégré à son époque. Cette discussion s’est si bien déroulée, et j’ai trouvé Marc si intéressant et si sympathique que j’ai appelé Avi pour qu’il le rencontre. Avi est arrivé et nous avons poursuivi cette conversation à trois dans mon bureau. Et par la suite, les choses sont allées très vite. Très peu de temps après ce rendez-vous, Marc nous a envoyé ce long email dans lequel il décrivait sa vision du film. Il nous disait « si je m’occupais du film, voilà comment je verrais la bande-annonce préliminaire. » Et il expliquait très efficacement sa nouvelle vision de Peter Parker. Ce jeune garçon bien dans sa peau, mais qui reste délibérément à l’écart des autres jeunes de sa classe qu’il juge trop superficiels. Son Peter Parker est d’emblée un héros populaire, motivé par une volonté de justice qui n’est jamais apaisée. Au début du film, il se sent mal compris, mais il n’est pas du tout le type bizarre qui reste au fond de la classe et dont personne ne veut être l’ami. Il est solitaire parce qu’il veut se protéger, et parce qu’il se consacre à ses propres travaux scientifiques. Tout cela est directement lié au fait que ses parents ont disparu quant il était tout jeune. Et son désir de justice et sa volonté de faire changer les choses évoluent, bien sûr, après qu’il ait été piqué par une araignée radioactive, et qu’il se retrouve doté de superpouvoirs.

Vous souvenez-vous de certaines parties de ce fameux mail de Marc Webb ?

Oui. Marc décrivait Peter se tenant debout au seuil du vide, au sommet d’un immeuble dominant tout New York, et regardant le bout de ses baskets dépassant le rebord. Plus qu’une description visuelle, c’étaient les sentiments du personnage que Marc détaillait. Cela avait un impact très puissant. Nous avons tous pensé que c’était une approche à la fois passionnante, originale et totalement fidèle à ce qui constitue l’essence de Peter Parker. Nous avions trouvé la manière de réactualiser cette icône de la BD dans notre film. Vous savez, nous avons appris beaucoup de choses en produisant trois SPIDER-MAN avec Sam Raimi et Tobey Maguire. Et je souhaite à tout le monde d’être impliqué dans une trilogie qui a plu à autant de gens et qui a remporté un tel succès.

A propos de la trilogie précédente qui vous a permis d’apprendre beaucoup de choses, pouvez-vous nous jurer que vous ne produirez plus jamais un SPIDER-MAN dans lequel il y a deux méchants ?!

(Matt Tolmach éclate de rire) C’est promis, juré ! (rires) Nous avons appris à nos dépens que ce n’était pas une bonne idée. Mais permettez-moi juste d’ajouter que je vénère Sam Raimi, à la fois en tant qu’homme et en tant que réalisateur. L’une des autres choses que nous avons apprises, et qui remonte d’ailleurs à la création de la BD par Stan Lee, c’est que la saga de Spider-Man est d’abord et avant tout l’histoire de la vie quotidienne d’un adolescent, qui se retrouve parallèlement mêlé à des aventures extraordinaires. Peter peut sauver New York pendant l’après-midi, mais le soir, quand il rentre à la maison, il doit aller vider les poubelles et faire ses devoirs pour préparer l’interrogation écrite du lendemain ! Et s’il n’y a plus grand’chose dans le réfrigérateur parce que l’argent manque, il sautera un repas pour que la tante May puisse manger à sa faim. C’est ce mélange de vie ordinaire et d’intrigues fantastiques qui fait le charme irrésistible de cette BD et qui lui a assuré un succès ininterrompu depuis 1962. Il y a des artistes et des techniciens géniaux à Hollywood qui peuvent vous permettre de transposer tout cela sur le grand écran. Mais si vous vous appuyez sur une histoire qui ne permet pas d’exprimer ce qui se passe dans le cœur de Peter, vous échouerez quels que soient les moyens financiers investis dans le film. C’est la raison pour laquelle nous avons engagé Marc Webb, parce que nous savions qu’il saurait faire passer tous ces sentiments dans sa mise en scène.

Son manque d’expérience dans le domaine des scènes d’action et des trucages ne vous a pas inquiété ?

Le fait que Marc n’ait pas l’expérience de la réalisation d’un film avec beaucoup d’effets visuels n’était pas important, car nous savions que nous pourrions l’entourer de gens très compétents qui pourraient l’aider. On peut penser que nous nous sommes lancés dans le vide sur l’unique base de notre conviction que Marc était le réalisateur qu’il nous fallait, mais dès que nous avons commencé à travailler avec lui, nos craintes ont été vite dissipées. A partir du moment où Marc a signé son contrat, Avi et moi avons passé l’essentiel de nos journées avec lui. Et notre partenariat a merveilleusement bien fonctionné. Nous sommes ravis du travail qu’il a accompli.

L’une des choses que nous avons trouvées très intéressantes dans le « teaser » du film, c’est ce plan en mode subjectif de Peter/Spider-Man évoluant en sautant d’un toit d’immeuble pour s’accrocher à un mur, et utilisant ensuite sa toile pour passer d’un gratte ciel à l’autre. Est-ce que cette vision subjective de l’action est l’un des moyens que vous allez employer dans le film pour lui donner encore plus de réalisme, pour intégrer les spectateurs au cœur de l’action ?

Oui, nous allons y avoir recours, non seulement dans la scène que vous avez vue, qui est l’une des seules à être montrée entièrement en vision subjective, mais aussi dans d’autres passages, notamment quand Peter se balance au bout de son fil entre les immeubles. Mais nous n’allons pas non plus abuser de cet effet de vue subjective, car trop c’est trop, même quant on emploie les meilleures choses! Ce n’est pas la seule nouveauté intéressante que nous avons employée pour montrer les évolutions de Spider-Man. Ce film sera présenté en 3-D Relief, et nous en avons tiré amplement partie. L’un des grands avantages dont nous avons bénéficié en tournant directement le film en 3-D, même si ce n’était pas la démarche la plus facile et si cela nous obligeait à apprendre beaucoup de choses nouvelles, c’est que nous avons dû concevoir spécifiquement le film pour le relief, et ce, à tous les niveaux. Nous y avons pensé pendant l’écriture du script, dans le rythme de la narration, dans la conception des séquences, dans la mise en scène, dans le montage. Je prends un exemple tout simple : quand on se met deux secondes à la place de Spider-Man, on se dit « Qu’est-ce que j’éprouverais si je me retrouvais à évoluer en haut des plus grands gratte-ciels de New York ? Est-ce que je n’éprouverais pas un vertige épouvantable qui me priverait de tous mes moyens ? » C’est intéressant que l’emploi de ces effets de profondeur de l’image vous amènent à considérer ainsi un personnage si connu, auquel tout le monde a pu s’identifier. Car Spider-Man, c’est nous ! Ce n’est pas un puissant millionnaire, c’est un garçon ordinaire, qui nous représente tous. Et à cause de cette forte identification, je crois que nous avons tous envie de savoir ce que l’on éprouve quant on est Spider-Man. En travaillant sur ce film, Marc, Avi et moi, nous nous sommes souvent dit que les films en reliefs semblaient avoir été créés exprès pour faire ressentir tous les moments sensationnels des aventures de Spider-Man ! Pour nous, le relief n’était pas une technologie, mais un personnage important du film.

Est-ce le fait de tourner directement en 3-D Relief qui vous a poussé à employer beaucoup plus de cascades filmées avec des acrobates, et beaucoup plus d’effets spéciaux réalisés en direct ?

En fait, dès le départ, cela faisait partie de l’approche de Marc pour donner plus de réalisme au film, et le différentier des précédents. Nous avons bénéficié de l’extraordinaire expérience du superviseur des cascades Andy Armstrong, qui est le frère de Vic Armstrong, une vraie légende dans ce métier. Ils ont travaillé tous les deux sur notre film. Andy a assemblé une équipe de quatre garçons extraordinaires. Le premier est un expert dans la technique de Parkour, le second est un champion des arts martiaux, le troisième est un acrobate, et le quatrième est un expert en Skateboard et un type extrêmement vif et souple. Cette équipe de cascadeurs a travaillé en étroite collaboration avec Andrew Garfield pour qu’ils adoptent tous la même gestuelle que lui. Je dois dire qu’Andrew a été fantastique pendant le tournage. Il ne quittait pratiquement jamais le plateau ! Contrairement à certains acteurs des films précédents (Matt Tolmach égratigne ici Tobey Maguire, qui préférait se faire remplacer par un cascadeur pendant le tournage des scènes d’action même simples de SPIDER-MAN ! NDLR) , quand un des cascadeurs faisait une acrobatie complexe et potentiellement dangereuse, Andrew était toujours là pour revoir les mouvements de Spider-Man avec lui, et le soutenir moralement. Donc, pour en revenir à votre question, nous nous sommes constamment demandés comment faire en sorte que les évènements du film paraissent vrais, et parfaitement intégrés au monde réel. Aujourd’hui, les effets visuels sont arrivés à un niveau de perfection incroyable. Ces techniques ont énormément évolué depuis les 15 dernières années, et nous en tirons également partie. Il y aura des trucages numériques absolument époustouflants dans THE AMAZING SPIDER-MAN, mais Marc voulait qu’il y ait toujours une bonne dose de réel, même au milieu d’un plan largement virtuel. Il voulait que chaque trucage soit ancré dans la réalité, parce que l’œil du spectateur identifie immédiatement ce qui est vrai. S’il y a au moins une partie de l’image qui est authentique, le reste de l’effet numérique sera beaucoup plus efficace, parce que ce mélange créera alors une illusion crédible.

Pourriez-vous nous donner un exemple concret de cette approche ?

Volontiers. Je me souviens d’un plan que nous tournions de nuit à New York, sous un pont très long qui a une très belle structure métallique. Nos équipes avaient construit ce que nous surnommons un « traveller » (un voyageur, NDLR) sous ce pont. Il s’agit d’un support suspendu à un système qui permet de déplacer un objet ou une personne sur une grande distance, à la vitesse souhaitée, avec des systèmes de sécurité pour veiller à ce que les arrêts soient toujours progressifs. Notre équipe a réussi ainsi à propulser un cascadeur habillé en Spider-Man sous le pont, exactement comme s’il projetait de la toile et se balançait de fil en fil. Le résultat était extraordinaire. Je me souviens que pendant que j’observais cela, je me disais « Nom de dieu ! Nous faisons exister Spider-Man pour de vrai sous un pont de New York !! » (rires) Il aurait été impossible d’obtenir un tel résultat en synthèse. C’était absolument sidérant, magique ! C’était fou de voir cela se dérouler réellement devant nos yeux ! Je peux vous dire que les passants qui se trouvaient là par hasard et qui assistaient au tournage de cette scène restaient bouche bée. Ils étaient tellement époustouflés qu’ils criaient et applaudissaient à chaque prise !

Même si les spectateurs ignorent qu’une scène comme celle-là a été tournée en vrai, ils le sentent.

Exactement. On ne sait même pas pourquoi, mais quant on voit cette scène, on le devine instinctivement et l’émotion ressentie est beaucoup plus forte. On a un petit pincement au cœur, parce que l’on se rend compte qu’il s’agit d’un vrai exploit. Pour tous ceux qui ont assisté à ce tournage, c’était un très beau moment. L’expression parfaite du souhait de Marc qui consistait à intégrer Spider-Man dans le monde réel, en exprimant un ressenti tactile et des émotions authentiques.

La suite de cet entretien prochainement sur ESI !

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