La critique ESI : THE AMAZING SPIDER-MAN - Mission reboot réussie
Article Cinéma du Jeudi 21 Juin 2012

Par Pascal Pinteau

Comme d’autres héros de cinéma, l’homme-araignée change aujourd’hui de visage. Mais si l’on a pris l’habitude de voir James Bond incarné par des acteurs différents depuis que George Lazenby a succédé à Sean Connery en 1969 , tel n’est pas encore le cas pour le superhéros le plus populaire au monde. En abordant THE AMAZING SPIDER-MAN, il faut se préparer à laisser derrière soi Tobey Maguire, Kirsten Dunst et le souvenir de la trilogie réalisée par Sam Raimi, et accepter que comme dans la bande dessinée où il a été constamment réinventé, on va découvrir là une autre version des aventures du tisseur de toile.



Globalement, THE AMAZING SPIDER-MAN, est une belle réussite et un reboot conçu avec intelligence et sensibilité. Le comparer à SPIDER-MAN 1 est un réflexe assez injuste, tant la vision du film de Sam Raimi s’est imposée dans l’histoire du cinéma des superhéros. Tout comme certains fans de Bond considèrent que Sean Connery restera à jamais le seul « vrai » 007, icône indétronable , gageons que le lien affectif « tissé » entre le trio Raimi/Maguire/Dunst et les BD-cinéphiles incitera certains à avoir un réflexe de méfiance, voire de rejet face à ce reboot qui surgit 10 ans seulement après l’apparition de Spider-Man au cinéma. (l’affect mis à part, auraient-ils été vraiment ravis de voir un Tobey Maguire de 37 ans jouer une quatrième fois un rôle de jeune homme ? On peut en douter…)

Il serait dommage de se priver du plaisir, des plaisirs, qu’offre cette vision nouvelle et pleine de fraîcheur signée Marc Webb. Le réalisateur de l’excellente comédie romantique (500) JOURS ENSEMBLE confirme ici son formidable talent de directeur d’acteurs, et sa capacité à faire entrer le spectateur en empathie avec de jeunes protagonistes. Certes, Marc Webb n’a pas encore l’expérience de Sam Raimi dans le registre de l’action. Son parti-pris d’ancrer le film le plus possible dans la réalité le distingue de Raimi, qui avait brillamment transposé les combats des premières aventures des BDs de Spider-Man (les années Stan Lee / Steve Ditko) en y injectant les proportions idéales d’humour, de gags visuels sympathiquement caricaturaux et de délire visuel. Cela ne signifie pas que les séquences d’action sont déficientes ici : bien au contraire, elles sont souvent plus crédibles parce que Webb a voulu utiliser plus de vrais cascadeurs costumés que de clones 3D, tandis que Raimi avait abusé de la synthèse, particulièrement dans le troisième épisode. Mais on regrette un peu le côté brillant et humoristique qu'apportait la conception visuelle de Raimi. Restent de nombreuses idées très efficaces pendant ces scènes d’action, notamment un excellent passage où Spider-Man sauve un enfant, après le passage dévastateur du Lézard sur un pont. C’est une séquence courte, mais pleine de suspense et d’émotion, et qui fonctionne parfaitement.

En dehors de cette petite déficience de folie visuelle dans les scènes d’action, la vision de Marc Webb fonctionne à merveille sur tout le reste. Le casting, fondamental dans la réussite d’une telle entreprise, est absolument exceptionnel. A la vision du film, on se dit qu’Andrew Garfield a une palette d'acteur infiniment plus riche et nuancée que celle de Tobey Maguire. Au risque de faire hurler les fans de la première trilogie (dont nous faisons pourtant partie !) il faut reconnaître que Garfield est clairement un bien meilleur Peter Parker / Spider-Man que Maguire. Il est à la fois touchant, charismatique, et constamment crédible. Il livre là, tout comme dans THE SOCIAL NETWORK, une prestation de premier plan.

A ses côtés, Emma Stone pétille d'intelligence et de sensibilité dans le rôle de Gwen Stacy. On savait que cette jeune actrice était formidable : elle le prouve ici une fois encore. L’alchimie fonctionne parfaitement entre ces deux jeunes comédiens de grand talent, et les scènes romantiques sont touchantes de naturel et de spontanéité, et apparaissent plus crédibles que dans la trilogie précédente.

Saluons aussi les immenses Martin Sheen et Sally Field, des acteurs dont on connaît la générosité et la capacité à émouvoir, et qui sont ici tout simplement bouleversants d’humanité en oncle Ben et tante May.

C’est à l’excellent Rhys Ifans qu’incombe le rôle du « méchant malgré lui », celui du Docteur Curtis Connors. Le film respecte le cahier des charges  du personnage : comme dans les comics, Connors s’injecte un sérum à base d’ADN de lézard pour faire repousser son bras droit amputé. Si le savant est présenté de manière crédible, on peut regretter que son rôle soit traité un peu trop en retenue avant de basculer dans le syndrôme Dr Jeckyll & Mr Hyde. On aimerait deviner un peu plus de culpabilité dans les échanges entre le Docteur Connors et Peter Parker, car le savant collaborait jadis avec le père du jeune homme au sein d’OSCORP. On sent ce passé d’autant plus lourd de secrets que Richard Parker travaillait sur les mêmes projets que Connors avant de disparaître avec son épouse dans un mystérieux accident d’avion…Bref, un peu plus de tension et de confiance déçue aurait été souhaitable entre les deux personnages, alors que l’intrigue décrit un rapport relativement prévisible de professeur tourmenté / étudiant surdoué qui lui apporte une partie de la solution. Reste l’aspect spectaculaire du personnage après sa métamorphose. Sony Imageworks a fait un excellent travail sur le rendu du Lézard géant, dont le design fonctionne bien. Mais à la vision du film, même si les combats sont dans l’ensemble plus réalistes que ceux de SPIDER-MAN 3, où l’abus de clones était vraiment voyant, on a souvent l’impression que le monstrueux reptile se déplace comme s’il ne pesait presque rien. Ce qui est quelque peu ennuyeux pour une bestiole de 3 mètres de haut, dotée d’énormes pattes griffues et d’une queue de 2 mètres de long, qui accuserait certainement une bonne demi tonne si on arrivait à la faire monter sur une balance ! Parvenir à restituer le poids et la masse d’une telle créature est décidément l’éternel problème des animateurs 3D, et il est étonnant que cet aspect ait été sacrifié au profit de la rapidité des combats dans ce nouveau SPIDER-MAN. La représentation de Spider-Man en action, elle, a énormément gagné en réalisme, grâce aux effets spéciaux de plateau et aux cascades conçues par Vic Armstrong. Les plans avec de véritables acrobates en costume sont habilement mêlés à ceux réalisés avec un Spidey en synthèse, et le mélange fonctionne extrêmement bien.

Le relief est utilisé habilement dans le film, particulièrement dans les plans où le spectateur se trouve juste à côté de Spider-Man pendant ses déplacements, et dans les deux séquences réalisées en point de vue subjectif, très efficaces. Les effets 3-D « jaillissants » sont utilisés avec parcimonie et de manière judicieuse, sans détourner l’attention du récit.

Bref, même si elle n’est pas exempte de petits défauts, la "mission reboot" confiée à Marc Webb est réussie et vous fera passer un bon moment. Ne résistez donc pas au plaisir de vous faire une toile en compagnie de cette nouvelle équipe !

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