L’ETRANGE CREATURE DU LAC NOIR, un des plus grands films de monstres des studios Universal à redécouvrir ENFIN en 3-D Relief au cinéma !
Article Cinéma du Jeudi 15 Novembre 2012

Au coeur de l’Amazonie, un paléontologue découvre un fossile de main palmée appartenant à une espèce inconnue. Persuadé qu’il s’agit du chaînon manquant entre l’homme et le poisson, il rassemble une expédition pour exhumer le reste du squelette. Mais une fois de retour au campement, les scientifiques trouvent le site saccagé et deux de leurs assistants massacrés. L’équipe décide alors de descendre le fleuve en bateau, s’enfonçant dans un territoire sauvage et poisseux, sans se douter que les eaux abritent encore l’étrange créature…

Par Anne Phibie



Classique absolu du film de monstres et pionnier du cinéma en relief, L’ETRANGE CREATURE DU LAC NOIR est un des films les plus célèbres des années 1950. Maître incontesté du genre, Jack Arnold (TARANTULA ! ) réunit tous les ingrédients du grand film d’aventures : forêt tropicale menaçante, expédition de scientifiques rivaux et brune érotique en maillot de bain. Mais le clou du spectacle reste sans conteste le monstre des eaux stagnantes, créature millénaire à mi-chemin entre l’homme et l’amphibien dont les nageoires et les branchies saillantes ont fait frémir plusieurs générations de spectateurs. Aux côtés de Frankenstein ou de King Kong, le monstre appartient au cercle fermé des figures emblématiques du cinéma fantastique et continue de susciter un culte bien entretenu, que cette version 3D restaurée en numérique vient magnifier !

Un incontournable de l’age d’or de la 3-D

Au début des années 1950, alors que la télévision menace l’hégémonie du grand écran, le cinéma en relief est lancé avec grand bruit. Ce sont pour l’essentiel des films de monstres, de sciencefiction ou de catastrophe. Pour Jack Arnold, qui a tourné LE METEORE DE LA NUIT en 3D un an plus tôt, il s’agit de surprendre et d’horrifier les spectateurs avec son « étrange créature ». Mais le relief permet également de montrer la nature sauvage comme jamais auparavant, et certaines des plus belles scènes du film sont empreintes d’une forme de documentarisme aventurier qui nous rappelle qu’Arnold fit ses armes avec Robert Flaherty (NANOUK L’ESQUIMAU). En 1954, les publicités annoncent d’ailleurs un argument de choc : « Les premières séquences sous-marines en trois dimensions » !

Malheureusement, les conditions médiocres de projection d’alors altèrent ces qualités et la plupart des spectateurs de l’époque voient le film avec des lunettes à deux couleurs, un équipement beaucoup moins fiable que les lunettes polarisantes pour lequel il est conçu. En France, les téléspectateurs ont droit à une diffusion mémorable dans « La Dernière Séance » de FR3 le 19 octobre 1982 : le film est en relief et les lunettes sont fournies en supplément d’un programme télé. Aujourd’hui, grâce aux progrès du numérique – notamment en matière de stabilité d’image -L’ETRANGE CREATURE DU LAC NOIR bénéficie enfin d’une version 3D pleinement spectaculaire !

Une créature culte

« Je revois le film au moins une fois par an. Le Gillman reste encore aujourd’hui l’un des designs de créatures que je préfère, et il représente à mon avis – au même titre que l’Alien de Giger – le pinacle de l’art du monstre en costume. Avec la créature de Frankenstein, c’est tout simplement mon monstre préféré. » GUILLERMO DEL TORO

La créature du lac noir est ouvertement inspirée des êtres bizarroïdes qui peuplent la littérature fantastique, du MONDE PERDU de Conan Doyle aux nouvelles de H.P. Lovecraft. Néanmoins, le monstre trouverait son origine officielle dans une anecdote confiée au producteur William Alland au sujet d’une espèce préhistorique, un poisson muni de poumons qui réside toujours dans les zones vierges d’Amérique du Sud. Le Gillman – littéralement « l’homme branchie » – possède l’un des visages les plus saisissants de toute la galerie de monstres cinématographiques. Officiellement conçu par Bud Westmore, chef du département maquillage des studios Universal à l’époque, le costume doit également beaucoup à Millicent Patrick, dessinatrice de génie qui travailla par la suite chez Disney. Jack Kevan, qui travailla sur LE MAGICIEN D’OZ et avait réalisé des prothèses pour des soldats amputés pendant la seconde guerre mondiale, a créé le corps de la créature, tandis que sa tête a été sculptée par Chris Mueller Jr. L’aspect visqueux de ses écailles et le battement menaçant de ses branchies (animées dans les gros plans par des pompes à air) firent du monstre une attraction sans précédent. Pour l’incarner, deux acteurs durent enfiler le costume : l’imposant Ben Chapman prêta sa silhouette d’un mètre quatre-vingt-seize pour les scènes terrestres tandis que le nageur Ricou Browning joua dans les séquences sous-marines, tournées dans le cadre naturel de Wakulla Springs, en Floride. Ces dernières donnent lieu à l’un des moments les plus poétiques de l’histoire du cinéma fantastique, un ballet aquatique où la créature, tapie au fond des eaux, regarde nager la gracieuse Julie Adams à la surface. La scène, reprise ensuite par Steven Spielberg dans LES DENTS DE LA MER, résume toute l’humanité de cet être étrange dont la civilisation vient saccager l’écosystème et qui, pour la première fois, découvre l’amour et la sexualité. Car, à l’instar de King Kong ou de Quasimodo, la créature du lac noir demeure surtout l’une des plus belles incarnations du mythe de la belle et la bête.

« Il faisait peur à voir, mais il n’était pas si mauvais. Je pense qu’il avait seulement besoin d’affection, il voulait qu’on l’aime et qu’on le désire. » MARILYN MONROE dans SEPT ANS DE REFLEXION

« Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé les films de monstres : KING KONG, FRANKENSTEIN, GODZILLA, L’ETRANGE CREATURE DU LAC NOIR… Ils ne me faisaient pas peur, je leur trouvais une âme beaucoup plus sensible et généreuse que la plupart des humains qui les entouraient, voire ceux qui m’entouraient. » TIM BURTON

Un Classique de retour sur le grand écran

L’ETRANGE CREATURE DU LAC NOIR constitue l’un des derniers grands succès d’une lignée légendaire de films de monstres produits par les studios Universal. Dans les années 1920, le producteur Carl Laemmle inaugure une série d’adaptations de grands classiques littéraires traités sur un mode horrifique tels que NOTRE-DAME DE PARIS (1923) ou Le FANTOME DE L’OPERA (1925). Ces adaptations libres se concentrent sur les figures monstrueuses qui se trouvent au coeur des romans : l’acteur Lon Chaney, surnommé « l’homme aux mille visages », suscite l’effroi avec sa panoplie de masques et ses maquillages impressionnants. Les années 1930 sont marquées par une orientation fantastique. Parmi la pléthore de récits gothiques et autres contes romantiques portés à l’écran, le FRANKENSTEIN de James Whale avec Boris Karloff et le DRACULA de Tod Browning avec Bela Lugosi (1931) constituent certainement les emblèmes les plus indémodables du genre. Universal conçoit suffisamment de créatures pour s’assurer de nombreux succès populaires pendant les deux décennies suivantes. Outre les nouveaux venus occasionnels (LA MOMIE en 1932 ou LE LOUP-GAROU en 1941), la galerie de monstres inspire de nombreuses suites et récits dérivés, parfois humoristiques ou cocasses et mettant en oeuvre des effets spéciaux de plus en plus saisissants. Il n’est donc pas étonnant que l’âge d’or du cinéma en 3D dans les années 1950 s’appuie prioritairement sur ce type de films. Tandis que les productions anglaises de la Hammer Film ressuscitent Dracula et Frankenstein grâce à Terence Fischer et Christopher Lee, Universal délaisse le fantastique pour s’engouffrer dans la science-fiction. À l’ère atomique, les films d’horreur empruntent un ton réaliste, parfois documentaire, pour mettre en scène les aberrations de la nature et les catastrophes engendrées par les mutations. L’ETRANGE CREATURE DU LAC NOIR, qui réactualise les figures du cinéma d’exploration et comporte un contexte scientifique, appartient indéniablement à cette mode de films qui fit rêver toute une génération de cinéastes, de Joe Dante à John Landis, en passant par l’inévitable Tim Burton.



L’ÉTRANGE CRÉATURE DU LAC NOIR - CREATURE FROM THE BLACK LAGOON (1954, USA, 80 mn, Noir & Blanc, Superscope 1.85:1, VISA : 15 566)
un film de Jack ARNOLD
avec Richard CARLSON, Julie ADAMS, Richard DENNING, Antonio MORENO
scénario de Harry ESSEX et Arthur ROSS
produit par William ALLAND
un film UNIVERSAL
UNE RESTAURATION UNIVERSAL STUDIOS
DCP NUMÉRIQUE 3D (VOSTF & VF)
ÉGALEMENT EN DCP 2D
Retrouvez la fiche du film sur Carlottavod.com !

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