LES MONDES DE RALPH : Entretien avec Maggie Malone, Directrice du Développement des Walt Disney Animation Studios
Article Animation du Dimanche 02 Decembre 2012

Maggie Malone, la Directrice du Développement des Walt Disney Animation Studios, est également l'auteure du livre The Art of Wreck-It Ralph, publié par Chronicle Books. Après avoir travaillé dans le théâtre, elle a développé des films pour les studios Universal (La Légende de Despereaux, Pur Sang, la légende de Seabiscuit) et Disney (La princesse et la grenouille, La Fée Clochette).

Propos recueillis par Jérémie Noyer et traduits par Mr. Scrooge.


Sortie en salle le 5 décembre.

Pourriez-vous expliquer votre travail en tant que directrice du développement des Walt Disney Animation Studios?

Je passe mes journées à travailler sur les histoire de nos films. Je lis les scripts des longs métrages, je cherche des auteurs pour nos projets, ou encore je participe à des réunions où les scénaristes et réalisateurs mettent en place l'histoire du film sur lequel ils travaillent. Notre environnement est ludique, irrévérencieux, mais profondément respectueux. Les gens ont du plaisir à être ici même quand ils ont de longues et intenses journées. Nous avons des sources d’inspirations partout sur les murs, venant des films précédents et des films sur lesquels nous travaillons actuellement. J'aime les premiers stades du développement des films, alors que ce ne sont que de petits noyaux d’idées. Nous ne sommes que trois ou quatre dans une salle avec le réalisateur, nous mettons en forme un univers, nous faisons appel à des experts pour nous conseiller, et nous essayons de nous faire rire les uns les autres avec des pitchs farfelus ! Et en même temps, nous savons que chaque idée de film doit être suffisamment robuste pour soutenir la créativité de plus de 200 artistes au moment de la production. Nous voulons faire les choses bien pour eux, ainsi que pour notre public.

Comment les artistes sont-ils sélectionnés pour chaque projet?

La grande majorité des artistes de développement visuel de Disney animation, comme nos animateurs et directeurs techniques de personnages, etc., ont la vocation depuis leur plus jeune âge et veulent depuis toujours travailler chez Disney. La plupart d'entre eux vont dans des écoles d'art renommées et soumettent leur portfolio une fois qu'ils ont obtenu leur diplôme. Nous avons un département entier qui propose des stages et programmes de formation, afin de découvrir, recruter et former des personnes ayant un talent exceptionnel, en collaboration avec les réalisateurs et artistes chevronnés que nous avons dans le studio.

L’artiste Lorelay Bove a été vraiment providentielle sur Les Mondes de Ralph. Grâce à ses origines espagnoles, elle a réussi à trouver le ton juste pour Sugar Rush en utilisant l'influence de Gaudi. De même Cory Loftis pour la partie sur Hero’s Duty. C’était vraiment les personnes idéales pour ce film !

Lorelay est une jeune diplômée de CalArts, et Cory a été concepteur dans le monde du jeu vidéo. Le mérite en revient à notre département Talent Development qui trouve les artistes et les fait venir aux Walt Disney Animation Studios. Une fois qu'ils sont chez nous, nos réalisateurs, producteurs et directeurs de production apprennent à connaître chaque artiste et son style. Faire correspondre chaque artiste avec un film, c'est un peu comme de l'alchimie. Les directeurs artistiques, qui dirigent les artistes de développement visuel sur chaque film, ont un sens inné pour le choix des personnalités dont ils auront besoin pour des projets spécifiques : certains artistes, comme Bill Schwab, ont un don inné pour la conception des personnages. D'autres ont un grand sens de l’échelle et la taille des mondes, comme Cory, et d'autres encore ont une capacité pour « l’appeal », ce qui donne envie d’adhérer à un univers, comme Lorelay. Comme tous les artistes sont employés à temps plein, il y a de nombreuses opportunités pour s’amuser. Et du jeu vient l'innovation artistique.

Comment conciliez-vous les artistes « maison » et les artistes indépendants sur les différents projets?

Les Walt Disney Animation Studios recherchent des artistes pour leur individualité. Il y a un noyau d'artistes dans chaque département qui travaille sur de nombreux films, mais chaque film donne aussi la possibilité de tester les talents de nouvelles personnes, dont beaucoup rejoignent le studio finalement à long terme. Notre département de développement des talents et tous les réalisateurs et artistes chargés d'examiner les portfolios de façon régulière ne recherchent pas un style en particulier. Ils sont à la recherche d’une profondeur, d’une polyvalence, et surtout, du désir de collaborer. Le cinéma, et en particulier l'animation, est un média collaboratif. Nos artistes travaillent côte à côte pour créer et raffiner encore et encore la conception d'un élément de décor ou de plusieurs personnages. Au fond de chacun de nous, nous avons la conviction qu'ensemble, nous pouvons créer quelque chose de mieux que ce que nous pourrions créer seuls.

Comment avez-vous réalisé que l’auteur du scénario des Mondes de Ralph, Phil Johnston, était la personne idéale pour votre histoire ?

Rich Moore a lu de nombreux scripts et rencontré de nombreux auteurs, mais nous avons toujours su que Phil allait être celui qui correspondrait le plus à la sensibilité de Rich. J'ai rencontré Phil, comme je le fais pour tous nos auteur, à travers son agent. Celui-ci m'a donné plusieurs écrits tests et des exemples de pilotes de séries de télévision. L'un d’eux était un script non produit, concernant un lycéen qui, par certaines manipulations commerciales inhabituelles, amasse des fonds pour pouvoir entrer dans l'équipe de basket de son école et ensuite gagner l'approbation de son père. Les univers créatifs de Phil sont remplis de personnages hauts en couleurs, toujours prêts à faire des choses désespérées, mais pleines d’imagination, afin de faire leurs preuves, et je savais que c’était le type de personnages que Rich recherchait pour Les Mondes de Ralph. Un monde plein de personnages qui peuvent mal se comporter parfois, et pourtant sont toujours incroyablement drôles et attachants, quelque chose comme les Simpson, sur lesquels Rich a travaillé pendant des années, mélangé avec The Little Foxes et It’s a Mad, Mad, Mad, Mad World. Il a frappé juste du premier coup ! Alors que Phil travaillait avec nous au début de la conception de Ralph, il terminait l'écriture du scénario pour Cedar Rapids, que Fox Searchlight a produit. Le film est génial, il met en scène les acteurs Ed Helms et John C. Reilly, et vous donne une démonstration encore plus grande de l'écriture de Phil.

Vous avez mentionné le réalisateur Rich Moore. De votre point de vue, qu'est-ce qu'il a apporté aux Mondes de Ralph et plus largement à Disney ?

Rich Moore a un incroyable sens de l'humour. Il avance dans la vie avec un regard toujours drôle sur l'actualité, les personnes et les circonstances. Mais il a aussi une grande profondeur, qu’il a forgée à partir de ses propres expériences. C’est quelqu’un qui regarde toujours au-delà des apparences. Tous nos réalisateurs sont des maîtres dans l’expression des émotions et de la comédie, mais la marque de fabrique de Rich, c’est son sens du rythme, incroyablement rapide. Il veut toujours innover, essayer de nouveaux gags, faire rire les gens. Il combine son sens de l'humour infatigable avec une grande ambition, ce qui explique que Les Mondes de Ralph est un film d'animation qui se déroule sur quatre mondes différents, remplis de personnages uniques, et loquaces, ce que Disney n’avait jamais fait auparavant, d’après moi.

Mike Gabriel, le directeur artistique du film, est aussi réalisateur. Comment s’est passée sa collaboration au film ?

Mike Gabriel est un metteur en scène, qui, après avoir co-dirigé Bernard & Bianca au Pays des Kangourous et Pocahontas, a continué sur un court-métrage étonnant appelé Lorenzo. Rich et Mike se connaissent depuis longtemps, et Rich sait le talent incroyable de Mike en termes d’'appeal et de design. Lorsque Rich a demandé à Mike d'être directeur artistique sur le film, Mike a accueilli cette nouvelle avec beaucoup d’humilité, prêt à tenter quelque chose de nouveau. Il s'est appuyé sur sa propre expertise dans l'animation pour trouver une manière originale d'aborder les problèmes de conception de certains designs des Mondes de Ralph. L'une des choses les plus belles dans le département de développement visuel et, en général, aux Walt Disney Animation Studios, est de voir la collaboration entre les générations. Un bon dessin est toujours un bon dessin, et ce n’est pas une question d’âge. Par conséquent, Mike impulsait le style visuel du film, mais travaillait également aussi bien aux côtés des vétérans que de jeunes diplômés d'écoles d'art, en prenant le meilleur de chaque point de vue. Dans la mesure où Mike connait parfaitement le studio, il a su diriger une équipe entière, motiver les gens en leur donnant des tâches inhabituelles, essayer différentes approches et produire une quantité incroyable de travail en peu de temps. En fin de compte, la portée du film était tellement énorme que Mike savait qu'il aurait besoin de faire appel à un autre vétéran comme directeur artistique, Ian Gooding, pour l'aider à terminer le travail. Ian a apporté avec lui son propre sens du design, de la couleur et de style, et avec Mike et Rich, la fusion a été parfaite.

C'est ce qui fait que Les Mondes de Ralph est l’un des films d'animation Disney le plus innovant à ce jour, je suppose...

Je pense que Raiponce, basé sur le conte de fées « Rapunzel », a été le fruit d’un travail incroyable combinant la modernité, la sensibilité comique, avec l'héritage de conte de fées de Disney. De la voix d'un personnage au moment de l'écriture, à tous les travaux du département animation, nous avons su associer le meilleur de l’animation traditionnelle avec l’animation par ordinateur. Raiponce a vraiment suscité un intérêt nouveau de la part du public et apporté une énergie nouvelle à l’ensemble de notre studio. Rich et tout le studio ont très consciemment voulu s'assurer que Les Mondes de Ralph reprenait là où Raiponce s’était arrêté. Je pense que nous y sommes parvenus!



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