Preview JACK LE CHASSEUR DE GEANTS : Entretien exclusif avec le réalisateur Bryan Singer - Seconde partie
Article Cinéma du Mercredi 06 Mars 2013

[Retrouvez la première partie de cet entretien]


Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau



Votre film n’a-t-il strictement aucun rapport avec celui que Nathan Juran a réalisé en 1962, JACK LE TUEUR DE GEANTS ?

Non, à part la ressemblance du titre et le fait que le héros porte le même prénom. En dehors de cela, tout est différent ! (rires)

Avez-vous vu ce film ?

Oui. J’imagine que les scènes avec les démons et le lutin devaient être impressionnantes à voir quand on était un enfant, en 1962.

Vous parliez tout à l’heure de X-MEN LE COMMENCEMENT. Comptez-vous participer activement à la suite de cette saga, en tant que producteur ou que réalisateur ?

Absolument. Collaborer avec Matthew Vaughn a été une expérience extrêmement positive, et je suis absolument ravi du résultat. J’adore X-MEN LE COMMENCEMENT , et je crois qu’il aurait été impossible de faire mieux, particulièrement dans les délais de tournage assez courts qui nous avaient été impartis par la studio. Avant ce film, je n’avais produit que des projets de télévision de petite échelle. Il s’agissait de ma première grosse production. (Depuis cet entretien, Bryan Singer a remplacé Matthew Vaughn au poste de réalisateur de la suite de la préquelle, intitulée X-MEN : DAYS OF FUTURE PAST . Elle sortira en 2014. NDLR.)

Que pouvez-vous nous dire à propos de la manière dont vous avez conçu les scènes d’action de JACK LE CHASSEUR DE GEANTS ?

La plupart des séquences d’action sont construites autour des géants, comme vous vous en doutez étant donné le titre du film ! Nous avons enregistré à l’avance la plupart des actions des géants, qui seront réalisés en images de synthèse. Sur le plateau, pendant le tournage avec les acteurs, nous utilisons le procédé Simulcam mis en place par James Cameron pour AVATAR. Il me permet de tourner avec les comédiens en chair et en os et de les cadrer tout en voyant les animations 3D schématiques des géants insérées dans l’image. Les acteurs ne disposent que de balles de tennis placées au bout de perches en guise de points de repères, afin de savoir à quelle hauteur sont sensés se trouver les yeux des géants. Je vais vous montrer ce que cela donne… (Bryan Singer demande alors à la responsable du playback des scènes de rechercher et de diffuser l’enregistrement d’une séquence qui se déroule dans une cathédrale. En attendant de la visionner, nous continuons à parler…)

Quel est l’aspect que vous allez donner aux géants ? Très réaliste, avec des textures organiques ?

Oui, mais pas seulement, car ce sont des êtres surnaturels constitués d’un mélange de chair et d’éléments issus de la nature. On ne s’en rend pas compte tout de suite quand on les voit de loin, car en plan large, ils ressemblent à des êtres relativement normaux. Mais quand on les voit de près, on découvre toutes ces textures surprenantes.

Est-ce que cet aspect particulier des géants est issu d’idées que vous avez pu avoir enfant, en lisant des contes de fées un peu effrayants ?

Je dirais que mon inspiration vient surtout des premiers films de Ray Harryhausen, comme LE 7EME VOYAGE DE SINBAD ou LES PREMIERS HOMMES DANS LA LUNE, dans lesquels les créatures avaient toujours un physique particulier, avec une touche d’exagération qui allait au-delà du réalisme.Ah, nous allons pouvoir visionner la scène dont je vous parlais !

(Nous voyons alors sur le moniteur un plan large en plongée au dessus d’un décor de cathédrale plongé dans l’obscurité. Nicholas Hoult/Jack est poursuivi par un géant à deux têtes qui n’arrive pas à voir dans quel recoin obscur le minuscule humain s’est réfugié. Le géant dit sur un ton menaçant« Je ne peux pas te voir, mais je peux sentir ton odeur ! » Quand nous découvrons l’image schématique 3D du géant, nous constatons que des versions provisoires de l’animation des deux visages du personnage sont plaquées comme des masques sur sa tête, lui donnant un aspect encore plus étrange.)

Avec ce rendu, on a l’impression que le géant porte des masques japonais du théâtre Kabuki, mais le résultat sera bien sûr complètement différent quand le personnage aura sa forme finalisée ! Sur ces images-là, il est vraiment dérangeant et sinistre, n’est-ce pas ? (rires)

Les scènes avec des petites touches d’horreur sont toujours appréciées par les spectateurs, même dans les films destinés au public familial.

Exactement ! C’est la raison pour laquelle nous avons tenu à intégrer plusieurs moments assez inquiétants dans JACK LE CHASSEUR DE GEANTS.

Est-ce que tous les géants du film sont dotés de deux têtes, comme celui-ci ?

Non, il n’y a que lui. Il s’agit du géant principal, le général Fallon. La plus grande tête, celle qui domine, est jouée par Bill Nighy tandis que la plus petite, la dominée, est incarnée par John Kassir. John prêtait sa voix au célèbre personnage du gardien de la crypte, la marionnette de mort-vivant qui présentait la série LES CONTES DE LA CRYPTE.

Comment avez-vous imaginé ce géant à deux têtes ?

Eh bien au début du projet, nous avions prévu qu’il y ait un monstre encore plus grand et plus puissant dans les territoires sombres du pays des géants. Nous avons eu l’idée des deux têtes qui passeraient leur temps à se quereller. Comme elle nous amusait beaucoup, nous avons décidé de donner cette caractéristique non pas au monstre mais à notre géant principal, qui est un meneur, un chef, pour le rendre encore plus intéressant. Nous disposons ainsi de plus d’occasions de tirer parti des rapports houleux entre les deux têtes.

Il y a d’ailleurs un géant à deux têtes dans la version de 1962 de JACK LE TUEUR DE GEANTS…

Oui, je m’en souviens. Ainsi que dans le conte original du 18ème siècle. Dans le récit original, Jack tuait les géants de manière extrêmement brutale, et envoyait leurs têtes au roi Arthur ! (rires) Et si je me souviens bien, il était indiqué qu’on lui réservait un siège parmi les chevaliers, autour de la fameuse table ronde. Le second conte, JACK ET LE HARICOT MAGIQUE, a été écrit une centaine d’années plus tard. C’est l’histoire d’un jeune paysan auquel sa mère, qui est veuve et très pauvre, demande d’aller vendre leur dernière vache au marché. L’argent en poche, Jack écoute le discours d’un étrange marchand et lui achète un haricot prétendument magique. Quand il revient avec sa trouvaille, sa mère est atterrée qu’il ait pu faire une telle bêtise. Elle jette le haricot dehors et envoie Jack se coucher sans dîner pour le punir. Le lendemain matin, quand il se réveille, le haricot a poussé d’un manière phénoménale et produit une plante gigantesque qui s’est élevée jusqu’au-delà des nuages. Jack escalade la plante et découvre la maison d’un géant qui possède deux trésors : une harpe magique et une oie qui pond des œufs d’or… Nous nous sommes inspirés des deux contes à la fois, mais pas du tout du film des années 60…

(Bryan Singer s’interrompt pour corriger la mise en place de la prochaine prise, car il n’aime pas la manière dont une des robes de la mère de Jack est placée sur le tas de vêtements que l’on fait brûler. Sa position lui semble trop artificielle, et trop orientée vers la caméra. Il demande aussi que l’on place d’autres vêtements derrière cette robe afin qu’elle se fonde au reste, et ne soit pas mise en valeur de manière trop évidente. Une nouvelle prise est tournée, mais les ajustements des mouvements des acteurs autour des vêtements en feu sont trop lents par rapport au déplacement de la caméra. Bryan Singer crie « Coupez ! » et on prépare à nouveau les accessoires pour tenter une nouvelle prise.)

La scène que vous filmez là est assez sombre…Elle pourrait presque figurer dans un film d’horreur dans le style de la Hammer…

Ce sera un moment triste. Dans le plan qui précède, la mère de Jack lui dit que quoi qu’il arrive, elle sera toujours à ses côtés. Il y a ensuite un panoramique vers le médaillon qui est posé sur sa blouse, et nous passons en fondu au plan que nous sommes en train de tourner, où cette blouse est jetée sur un bûcher, sous les yeux de Jack, après que ses parents aient été emportés tous les deux par la peste. Tout ce qui lui reste de sa mère est ce médaillon. C’est clairement le premier traumatisme de la vie de notre héros.

Quelle a été le problème le plus difficile à résoudre sur ce tournage, jusqu’à présent ? (Bryan Singer réfléchit…)

La scène que vous tournez en ce moment ?

(Bryan Singer éclate de rire) Oui ! (rires) Plus sérieusement, je dirais que nous avons passé beaucoup de temps à organiser la manière d’investir nos moyens financiers, afin d’utiliser au mieux les technologies dont nous avions besoin, tout en les adaptant aux contraintes d’un tournage dans des décors réels. Dans un film comme AVATAR, la plus grande partie du tournage se déroule dans le monde numérique. James Cameron dirigeait ses acteurs sur le plateau de capture de performance, et il avait ensuite la possibilité de changer ses cadrages comme il le souhaitait, puisque l’action était enregistrée en trois dimensions et sous tous les angles dans l’ordinateur. Par la suite, en postproduction, il pouvait mieux ajuster les interactions entre les Na’vi et les êtres humains. Dans notre cas, comme nous tournons essentiellement en prises de vues réelles dans des décors construits en studio ou en extérieurs, les interactions entre les comédiens et les personnages en images de synthèse sont plus compliquées à régler. Ce sont les images réelles qui doivent se caler sur les animations des personnages 3D.

Pensez-vous que le fait que JACK LE CHASSEUR DE GEANTS ait été tourné directement en 3-D Relief aidera à convaincre le public et surtout les studios que cette démarche permet d’obtenir un résultat de meilleure qualité que la conversion en relief d’un film 2D ?

Oui, j’espère que ce sera le cas. Je crois que les spectateurs apprécieront le réalisme de notre 3-D. Chaque scène du film a été tournée en vraie stéréo et les résultats que nous avons obtenus jusqu’à présent sont excellents.

Comme allez-vous décrire le monde des géants ?

Nous allons employer beaucoup, beaucoup d’effets visuels ! (rires) Il s’agira d’un mélange de paysages naturels anglais et d’éléments tournés dans d’autres parties de la planète, avec des ajouts en images de synthèse. Quand vous avez des personnages qui mesurent plus de 7 mètres, vous ne pouvez pas construire des décors à leur échelle, car il faudrait disposer de plateaux de tournage d’une hauteur de 60 mètres sous le « grill » où l’on accroche les projecteurs, ce qui n’existe nulle part. Nous avons donc construit seulement la partie basse des décors du monde des géants, puis complété le reste par des éléments virtuels. Visuellement, certaines parties de cet univers sont réalistes, comme les forêts, tandis que d’autres sont traitées dans un style fantasmagorique.

Est-ce que les décors fantastiques du monde des géants sont, comme eux, composés de mélanges de matériaux organiques ?

Non, ils reflètent les origines de ces créatures, qui remontent à l’époque des druides. Il s’agit d’architectures de pierre taillée.

La suite de ce colossal entretien paraîtra bientôt sur ESI !

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