L’incroyable Hulk : ESI a rencontré l’abomination !
Article Cinéma du Vendredi 05 Septembre 2008

Entretien avec Tim Roth.

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Comment avez-vous été contacté pour interpréter le role d’Emil Blonsky, alias l’Abomination ? Et comment avez-vous réagi quand on vous fait cette proposition ?

Je me trouvais à New York quand on m’a appelé, et je crois que le casting venait à peine de commencer. Il me semble qu’ils n’avaient pas encore trouvé leur Bruce Banner à l’époque, et que Ed Norton n’avait pas même pas encore été contacté. J’ai trouvé cette proposition très intéressante, parce qu’elle ne ressemblait à rien de ce que j’avais fait auparavant. Je me suis dit que ce serait passionnant de participer à un film qui mettrait en scène les aventures de Hulk d’une manière réaliste. J’apprécie beaucoup les « romans graphiques » qui sont publiés aujourd’hui, et qui s’adressent à la fois aux lecteurs adultes et aux adolescents. Ce projet avait l’air d’être conçu dans cet esprit. J’aimais bien cette approche et j’étais assez curieux de voir quelle serait la réaction de mes enfants quand je leur parlerais de ce projet. Ils m’ont tout de suite dit « Fais le film, Papa ! Fais-le !! », et je m’en suis remis à leur avis ! (rires) C’était important pour moi, car jusqu’à présent j’ai tourné très peu de films que mes enfants pouvaient regarder.

Diriez-vous que jouer dans un film de superhéros est “la chose à faire” aujourd’hui à Hollywood, même quand on est un acteur à la carrière prestigieuse, comme vous ?

Il y a deux aspects dans votre question. D’un côté, il est indiscutable que les films de superhéros sont à la mode, et arrivent souvent en tête du boxoffice. Pour un acteur, il est toujours bon de participer à un film qui remporte un joli succès. De l’autre côté, il y a la démarche des Studios Marvel, qui contactent des acteurs qui sont connus pour leurs projets « sérieux », comme Robert Downey Jr, William Hurt, Ed Norton, et leur proposent de tenir les rôles principaux de leurs films. Je crois que c’est une démarche très intéressante, et une bonne chose pour nous comédiens. Au début, je me demandais avec quels acteurs j’allais jouer. Je dois avouer que j’étais un peu inquiet, mais le casting du film a dépassé toutes mes espérances : il est formidable. J’ai donné la réplique à des gens très bien, et très talentueux. Ces films de superhéros sont très amusants à faire. Ils nous donnent l’occasion de changer de registre et de participer à des projets nouveaux. On prend beaucoup de plaisir à faire quelque chose qu’on n’a encore jamais fait. Cela vous permet de ne jamais vous ennuyer dans votre profession d’acteur. C’est très enrichissant de pouvoir travailler avec des réalisateurs aussi différents que Michael Hanneke (Ndlr : Tim Roth a été dirigé par lui dans le thriller Funny Games USA) et Louis Leterrier.

Connaissiez-vous déjà le personage d’Emil Blonsky quand vous étiez enfant ? Lisiez-vous les bandes dessinées de Hulk à cette époque, en Angleterre ?

Oui, je lisais les aventures de Hulk. C’était justement l’un des magazines que je recevais par la poste, tous les samedis matin. Je connaissais très bien Hulk et Bruce Banner, et je regardais aussi la série télé avec Lou Ferrigno pendant mon enfance. Mais je dois vous avouer que je ne connaissais pas du tout le personnage de Blonsky, ni l’Abomination.

Dans ce cas, comment vous êtes-vous préparé pour tenir ce rôle ? Avez-vous lu ou relu certaines aventures du personnage ?

Oui, j’ai relu certaines histoires, mais ce n’était pas vraiment nécessaire, car Emil Blonsky a quelque peu changé dans le film. Il faut se souvenir qu’il a été créé en pleine guerre froide. C’était un agent soviétique tel qu’on le décrivait dans les années soixante. Dans notre film, on le présente comme un professionnel de l’entraînement militaire et des techniques de combat, capable d’agir dans n’importe quel pays et n’importe quelle situation. Le fait de relire les bandes dessinées dans lesquelles il apparaît m’a permis de me souvenir du jargon militaire que ce personnage utilise souvent. Mais pour me préparer au rôle, il a surtout fallu que je sois en forme, car je passe une bonne partie de mon temps à courir !

Avez-vous fait vos propres cascades pendant le tournage des scènes d’action ?

Non. Jamais ! Je me suis contenté de faire ce qu’un acteur de mon âge est capable de faire, mais pas plus ! J’avais trois doublures. Des gens extraordinaires. L’un d’entre eux est un français qui s’appelle Cyril…

Cyril Raffaelli…L’un des inventeurs de la technique du « Parkour »…

Oui, Cyril m’a doublé pendant certaines scènes, où mon personnage se déplace très rapidement, verticalement et horizontalement, et évolue dans l’espace de manière surprenante. Ce type de déplacement donne encore plus de dynamisme à Blonsky. Mes deux autres doublures sont un cascadeur canadien et Terry Notary, un garçon très doué, avec lequel je travaille depuis La planète des singes de Tim Burton. Depuis cette époque, j’ai instauré une méthode qui fonctionne assez bien : le réalisateur me dirige, puis c’est moi qui dirige ma doublure, en lui donnant mes propres indications. De cette manière, c’est encore mon interprétation que l’on retrouve dans le jeu de la doublure. Nous nous sommes beaucoup amusés pendant le tournage des scènes d’action. C’est Terry qui faisait les mouvements de Hulk. C’est un type formidable, qui a travaillé avec le Cirque du Soleil, et qui a beaucoup de films à son actif (Ndlr : il a notamment travaillé sur X-Men 2, Superman Returns, et plus récemment Avatar, en tant que coach de gestuelle). Il peut faire des choses incroyables avec son corps. J’ai beaucoup apprécié ce travail sur les déplacements du corps dans l’espace, qui rejoint mon expérience du théâtre.

Vous êtes-vous entraîné physiquement pour ce rôle ?

Un petit peu, parce que Blonsky est un soldat, et qu’il doit donc être en forme. Mais il arrive à la fin de sa carrière en tant que militaire. C’est sans doute ce qui le pousse à tenter cette expérience, à accepter qu’on lui injecte cette substance qui va le transformer physiquement et le rendre plus fort. Je ne suis pas un fan de gymnastique et j’avoue que j’ai dû me forcer un peu à m’entraîner, mais l’essentiel de cette préparation à consisté à me préparer à courir sur de longues distances, car je cours vraiment très souvent dans ce film !

Parce que vous poursuivez Bruce Banner ?

Oh oui ! Je suis toujours collé à ses semelles ! (rires) Je lui cours après au Brésil, puis dans les rues de New York, que nous avons reconstituées à Toronto.

Comment avez-vous conçu votre interprétation ? Incarnez-vous Blonsky comme un méchant ou comme un homme qui considère que ce qu’il fait est juste ?

Oh, Blonsky se prend pour quelqu’un de bien, sans aucun doute. Mais on sent aussi qu’il apprécie de faire des choses peu recommandables. Il est engagé par les militaires, mais peu à peu, il se met à agir pour son propre compte. Il recherche quelque chose, et il le trouve.

Il a donc ses propres plans…

Absolument.

Est-ce que c’est amusant de jouer un méchant ?

En fait, cela dépend du script. Si l’on vous donne l’occasion de faire des choses vraiment intéressantes, alors oui, vous vous amusez. Les méchants sont comme les gentils : pour qu’un personnage soit vraiment intéressant, il ne doit pas être fait d’un seul bloc. Il doit avoir des failles. Un héros doit avoir un côté obscur, et un méchant peut aussi avoir un peu de bon en lui.

Comment les scènes de métamorphoses de Blonsky en Abomination ont-elles été tournées ?

Nous les avons tournées avec moi, et les effets d’animation 3D ont été ajoutés ensuite. Je n’ai pas encore vu les scènes terminées, car elles demandent énormément de travail.

Avez-vous été impliqué dans l’animation de l’Abomination ? A-t’on utilisé de la capture de mouvements pour transférer vos gestes sur le personnage 3D ?

Oui. Nous avons passé pas mal de temps dans un studio pour enregistrer différentes scènes avec ce procédé de motion capture. J’ai du revêtir un de ces costumes noirs en lycra avec des marqueurs répartis sur tout le corps, et croyez-moi, on se sent particulièrement ridicule quand on porte cette tenue ! Nous avons transposé la gestuelle de Blonsky sur l’Abomination, en tenant compte du fait que le monstre est bien plus gros et plus massif que lui. C’est une technologie assez stupéfiante. Quand nous bougions, nous pouvions voir nos personnages 3D reproduire nos gestes en temps réel. On avait placé de grands moniteurs plasma en face de nous, sur le plateau. Les personnages étaient représentés de manière schématique, mais c’était suffisant pour nous permettre de voir ce qui marchait et ce qui ne marchait pas quand nous prenions certaines postures. Nous avons essayé tout un tas de méthodes pour mettre au point certains mouvements, par exemple en étant reliés à des câbles élastiques de type « bungee », déjà tendus, qui nous permettaient de sauter en l’air plus facilement. On a aussi fait des choses avec des câbles et des harnais.

A-t’on aussi enregistré les expressions de votre visage ?

Oui. On a utilisé une méthode nouvelle, qui consiste à peindre votre visage avec un fond de teint spécial, qui peut être détecté par les 35 caméras qui sont placées autour de vous. Toutes vos expressions faciales sont enregistrées en même temps que vos mouvements corporels. C’est assez fascinant. Par la suite, les animateurs se sont aussi amusés à reproduire mes tatouages sur l’Abomination !

Avez-vous eu l’occasion de jouer les combats de Hulk et de l’Abomination avec Ed Norton, grâce à ce système de capture de mouvements ?

Non, parce que Ed était constamment accaparé par le tournage. De plus, Hulk n’est pas vraiment une émanation de la personnalité de Bruce Banner : il se comporte comme s’il était un être différent, qui n’a aucun rapport avec lui. En revanche, Blonsky reste mentalement lui-même quand il est transformé en Abomination. J’ai donc travaillé sur les combats avec une personne qui jouait le rôle de Hulk, et à laquelle Ed Norton avait certainement donné ses indications. En ce qui me concerne, j’ai eu plus de temps à ma disposition pour jouer l’Abomination, pour sauter en l’air grâce aux élastiques de bungee, et pour regarder ma doublure sauter à ma place, ce qui est toujours très agréable à voir ! (rires)

Qu’est-ce qui vous a le plus surpris en découvrant ces techniques ?

Quand j’ai appris que l’Abomination allait être fait en 3D, je me suis dit que l’animation, et donc l’interprétation du personnage allait être reprise par d’autres gens, mais je me trompais. Ces techniques de captures de mouvement m’ont permis d’être impliqué jusqu’au bout, ce qui est très satisfaisant. Toute l’équipe des effets spéciaux était ouverte à mes suggestions, et je pense que l’on pourra voir la continuité du comportement de Blonsky dans les agissements de l’Abomination.

Vous avez donc pu improviser librement, même quand vous interprétiez l’Abomination ?

Absolument. J’avais toujours des idées à proposer. Il fallait que l’on s’adapte aux actions qui avaient été prévues, bien sûr, mais cela ne nous empêchait pas d’ajouter des petits détails ça et là. Nous avons passé du temps à établir la manière dont l’abomination se déplace verticalement, quand il escalade un mur ou défonce une paroi. Ce n’est pas vraiment le genre de type qui a besoin d’une porte pour aller quelque part !

Quelles ont été vos sources d’inspiration pour mettre au point la gestuelle de l’Abomination ?

Ce qui me souciait le plus, c’était d’arriver à bien différencier les mouvements des deux personnages. Je craignais qu’on se retrouve simplement face à deux monstres qui se tapent dessus, sans que l’on puisse sentir des personnalités différentes. Nous avons donc beaucoup travaillé sur ce point, pour définir des gestes propres à l’Abomination, très différents de ceux de Hulk. Il y a bien des années, j’ai joué dans La métamorphose, la pièce de Kafka. Je crois que Roman Polanski l’a interprétée à Paris. Les acteurs doivent bouger comme des insectes.

Les personnages se transforment en cafards…

Oui. Je me suis inspiré de ce travail en me demandant comment on pouvait utiliser certains gestes pour suggérer qu’un être n’était plus tout à fait humain. Nous avons donc utilisé différentes idées pour exprimer les conséquences de la métamorphose de Blonsky. Je ne vous en dirai pas plus : vous verrez le résultat dans le film !

Comment avez-vous travaillé avec Ed Norton et Louis Leterrier sur vos scènes ? Aviez-vous la possibilité d’improviser un peu, malgré tous les effets spéciaux prévus pendant le tournage ?

Oh oui. Nous avions tous envie d’essayer des choses pendant le tournage. Le film est essentiellement une poursuite. Même si Bruce Banner disparaît rapidement au coin d’une rue, je suis toujours sur ses talons ! En réalité, Ed et moi ne jouons face à face que deux ou trois fois dans le film. Le reste du temps, il est le fugitif et moi le chasseur qui le traque sans répit. Ce qui est assez amusant, c’est que je disposais d’une équipe de tournage pour me filmer pendant ces poursuites. Il s’agissait de la seconde équipe, mais il est souvent arrivé qu’il y en ait trois qui travaillent en même temps. C’était donc assez drôle de se retrouver la plupart du temps avec cette petite équipe très mobile. Cela me donnait l’impression que je tournais un petit film indépendant…alors qu’il s’agissait d’une superproduction dotée d’un énorme budget ! (rires) Nous nous sommes beaucoup amusés à improviser et à filmer des choses selon l’inspiration du moment, tout en restant dans les limites de ce qui était prévu, bien sûr.

Dans la BD, Emil Blonsky est russe. Pourtant, vous le jouez sans accent…

Oui. Nous sommes partis du principe qu’il faisait partie de la seconde génération de la famille Blonsky installée en Angleterre. Il se comporte et parle comme un londonien.

Quelles sont les scènes avec Emil Blonsky et les scènes avec l’Abomination que vous préférez dans le film ?

Je ne l’ai pas encore vu, mais d’après mes souvenirs de tournage, je pense que la scène d’action que l’on verra au début du film devrait être très spectaculaire. Nous l’avons tournée scène par scène sur une période de plusieurs mois dans une ville qui s’appelle Hamilton, et qui est située dans les environs de Toronto. Bien que cette partie du tournage ait été particulièrement épuisante pour tout le monde, aussi bien les acteurs que l’équipe technique, je pense que le résultat à l’écran devrait être impressionnant. L’endroit dans lequel nous avons tourné est une usine de fabrication de bouteilles de verre, aujourd’hui désaffectée. C’était un lieu un peu sale, mais très photogénique. J’ai adoré tourner là. Nous avons tourné une autre séquence qui prolonge celle-ci au Brésil, dans les Favellas. On nous voit courir dans ces ruelles des quartiers pauvres qui serpentent le long des collines. Je crois que ce sera assez étonnant.

Quel a été l’aspect le plus difficile de votre participation à ce projet ?

Mmm…Vous savez, bien souvent, quand on va au cinéma avec ses enfants, on ressort de la salle un peu déçu par ce qu’on vient de voir. Mon objectif principal, en participant à ce film, c’était de m’assurer que le résultat final plairait à mes enfants, et que je l’apprécierais tout autant qu’eux, en tant qu’adulte. Je crois et j’espère que nous avons atteints cet objectif. J’ai beaucoup pensé à mes enfants pendant le tournage, parce qu’une grande partie de notre public sera composée d’enfants et d’adolescents.

Avez-vous amené vos enfants sur le plateau de capture de mouvements, pour qu’ils vous voient animer l’Abomination ?

Non, malheureusement, car nous enregistrions ces scènes pendant qu’ils étaient à l’école ! Mais j’ai pu les inviter à assister aux séances d’enregistrement de la voix de l’Abomination, et c’était assez amusant à voir. Ils ont découvert à quel point leur père avait l’air stupide en prenant une grosse voix devant un micro ! (rires) C’était intéressant pour eux de voir comment on manipule numériquement le son afin de modifier ces enregistrements par la suite.

Avez-vous vu le premier Hulk ? Cette nouvelle aventure tient-elle compte de ce qui s’est produit avant, ou est-elle conçue comme un nouveau départ ?

Non, elle n’est pas conçue comme une suite. Au début, j’avais l’intention de voir le film d’Ang Lee, mais j’ai fini par me dire qu’il risquait de m’influencer sans que je m’en rendre compte, et risquait de me détourner de ce que la nouvelle équipe souhaitait faire. Et comme je savais aussi qu’on allait souvent me demander ce que je pensais de ce film au cours des interviews à venir…j’ai préféré avoir une réponse tout prête et très simple à donner aux journalistes : je ne peux pas vous dire ce que je pense du film d’Ang Lee, parce que je ne l’ai pas vu ! (rires) Plaisanterie à part, je dois dire que le fait de tourner dans le second film consacré à Hulk ne m’a absolument pas gêné, étant donné que le projet a été conçu sur des bases nouvelles. Pour l’instant, je n’ai vu que quelques extraits de notre film, et ils sont très spectaculaires.

Seriez-vous prêt à participer à une autre aventure de Hulk ?

Oui, certainement. Tout dépendra du script, bien sûr. S’il y a une bonne raison pour que mon personnage revienne, je serai ravi de participer à un autre volet de ces aventures.

Y-a-t’il une scène avec l’Abomination dont vous êtes particulièrement satisfait ?

La bataille principale entre Hulk et l’Abomination devrait être assez étonnante… Et je crois que les scènes de transformation plairont aussi aux spectateurs.

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