PACIFIC RIM : Entretien exclusif avec Guillermo del Toro - Quatrième partie
Article Cinéma du Jeudi 18 Juillet 2013

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Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Est-ce que les héros du film commencent à comprendre pourquoi les Kaijus attaquent les villes et la population ? Au début, se demandent-ils si ces créatures ont besoin de dévorer de l’énergie, ou de consommer certaines choses particulières ?

Au début, les raisons des attaques sont totalement incompréhensibles. Personne ne comprend ce qui pousse ces bêtes titanesques à s’en prendre aux grandes villes côtières. C’est justement ce qui pousse le personnage que joue Charlie Day, le Docteur Newton Geiszler, à mener son enquête de son côté, par des biais souvent illicites, car il est le premier à soupçonner qu’il y a une intelligence à l’œuvre derrière tout cela, et que cela ne peut pas être le fruit du hasard. « Newt » veut absolument comprendre pourquoi ces bêtes colossales agissent ainsi. Mais au début, l’organisation militaire internationale, l’alliance, n’arrive pas « à relier les points » et à prendre assez de recul pour constater qu’il y a bel et bien une stratégie qui se met en place. Ils ne voient rien venir. Ils savent qu’il y a un autre univers, une autre dimension au-delà de la faille qui s’est ouverte au fond de l’océan Pacifique, mais ils ignore à quoi ce monde peut ressembler. Ils ne savent pas non plus pourquoi ce passage s’est soudainement formé…Cette énigme se retrouve bien évidemment au cœur de l’histoire.

En aparté et sans vouloir « retourner le couteau dans la plaie », avez-vous vu LE HOBBIT ?

Non, pas encore.

Pour quelles raisons, en dehors du simple fait que vous êtes extrêmement occupé ? Est-ce parce que cela réveille encore des souvenirs un peu douloureux ?

Non, car j’ai réussi à « tourner le page » et que je sais que Peter a fait un travail formidable. Je crois qu’à ce moment de ma vie, il faudrait que je puisse découvrir LE HOBBIT dans de bonnes conditions, au cours d’une projection privée, sur un grand écran de cinéma, car je ne veux surtout pas le voir en vidéo la première fois. Pendant les derniers mois, j’ai été totalement accaparé par la postproduction de PACIFIC RIM, et par les lancements de LA LEGENDE DES GARDIENS et de MAMA…Je n’ai pas eu une minute pour aller voir le film en salles avec ma famille. Mon épouse et mes filles, qui étaient venues vivre avec moi en Nouvelle-Zélande pendant la préparation du HOBBIT m’ont dit « Surtout, ne vas pas le voir sans nous ! ». Et je peux vous assurer que parvenir à nous réunir tous les 4 avec nos emplois du temps respectifs est un exploit phénoménal ! (rires) Mes filles suivent des cours de piano, ma femme des cours de danse, et l’organisation des sorties familiales est un vrai casse-tête. Ma femme et moi arrivons encore à aller au cinéma ensemble, mais avec nos filles, c’est MISSION IMPOSSIBLE !

Pour revenir à PACIFIC RIM et aux combats entre les Jaegers et les Kaijus qui sont l’un des éléments majeurs du film, comment les avez-vous conçus ? Comment les avez-vous visualisés, puis comment les avez-vous construits ? Sont-ils charpentés comme des mini-films en 3 actes ?

Voici comment je me suis organisé : j’ai écrit une liste exhaustive de tout ce que j’avais toujours eu envie de voir dans un film de Kaijus. Et aussi des choses que j’aimais le plus dans ceux que j’avais vus, comme ce moment où l’un des monstres agrippe l’autre, le soulève au-dessus de sa tête, bras tendus, puis le jette au loin. Cela, c’est vraiment une prise de combat typique des Kaijus…

…C’est aussi en cela que les combats des Kaijus rejoignent les mouvements des catcheurs mexicains, qui ont dû beaucoup marquer votre jeunesse, eux aussi, notamment grâce aux films de Santo…

Oh oui, tout à fait ! (Rires) Dans les films de Kaijus, j’aime aussi beaucoup les plans larges où l’on voit des dizaines de personnes fuir dans les rues en hurlant comme des fous alors que le monstre approche en marchant, au bout de l’avenue ! (rires) En ce qui concerne les combats, j’ai voulu montrer uniquement des choses que l’on n’avait pas encore vu dans les Kaijus Eiga. Par exemple un Kaiju attrapant un robot et le poussant dans un immeuble, tout en le traversant avec lui…

…Ah, il est possible que MechaKong ait fait cela dans KING KONG S’EST ECHAPPE !…

Oui, mais pas comme dans notre film, croyez-moi ! (rires) Paradoxalement, les 2 combats qui ont été les plus difficiles à concevoir ne sont pas forcément les plus sensationnels du film, mais ceux pendant lesquels les pilotes dans le poste de pilotage - le compod - et l’équipe du centre de commandement restée dans la base dialoguent et essaient de déterminer ce qu’il faut faire. J’ai construit ces scènes de manière assez classique, comme dans un film de John Ford, ou de Howard Hawks : j’ai donné des axes de conversation aux personnages situés dans ces 2 lieux différents, pour qu’ils soient toujours dans le même sens pendant leurs dialogues. Autrement dit, les pilotes dans le Jaeger sont toujours en train de parler en regardant vers la droite, et les gens dans la base sont toujours en train de regarder vers la gauche. C’était à la fois très simple et très compliqué à mettre en place afin que ces dialogues ne nuisent pas au tempo de la bataille…Vous savez, trouver des moyens de rendre intéressant un type qui parle dans un micro, debout devant un bureau, pendant de longues minutes, c’est sacrément difficile et cela nécessite énormément de planification à l’avance et d’idées de mise en scène… Idem pour filmer 2 personnes qui sont liées à une machine et que l’on voit toujours dans le même décor, en train de piloter un robot. Il ne s’agit pas des choses dont vous vous souviendrez le plus dans PACIFIC RIM, mais de mon point de vue, ce sont les moments les plus complexes à préparer et à filmer afin de réussir à obtenir un résultat constamment divertissant...Vous me demandiez tout à l’heure si j’avais conçu les combats entre les Jaegers et les Kaijus comme des mini-films en trois actes…Oui, ma démarche est effectivement assez proche de cela, mais je dirais qu’ils ressemblent plus à des numéros de chant et de danse dans une grande comédie musicale… ou à certaines parties d’un opéra. Certains sont des petits morceaux, d’autres des symphonies. Je voulais que chaque combat ait une tonalité, une ambiance, un parfum différent. Un affrontement est poétique, un autre est purement brutal, le suivant est drôle, et un autre est irréel, sinistre et donne la chair de poule…Ils se déroulent chacun dans des atmosphères et dans des styles visuels différent. Ah, j’en oubliais un qui est proche d’un duel de western ! (rires) C’est presque comme s’il y avait deux pistoleros face à face, armes prêtes à être dégainées !

La suite de cet entretien paraîtra bientôt sur ESI !

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