Mission : Impossible - Les magiciens de l’espionnage
Article TV du Mardi 31 Juillet 2018
Par Pascal Pinteau
L’intégrale de la plus célèbre des séries d’espionnage est disponible en coffret DVD. Une formidable occasion de redécouvrir ce chef d’œuvre du petit écran, où l’art de l’illusion, du grimage et de la manipulation est le fil rouge d’aventures imprégnées de fantastique.
Un concept novateur
Si Mission : impossible n’appartient pas, au sens strict du terme, au registre du fantastique ou de la SF, elle reste la série d’espionnage dont les atmosphères, les intrigues et les images-choc s’apparentent le plus à nos genres de prédilection. Elle est aussi la fiction qui donne le plus grand rôle aux gadgets de haute technologie (tellement en avance sur leur époque qu’ils sont de véritables accessoires de SF !) et aux effets spéciaux de tous genres, des maquillages sophistiqués aux trucages de grande ampleur, capable de tromper les escrocs les plus rusés. A l’origine de Mission : impossible , on trouve un homme, Bruce Geller, tout à la fois créateur, auteur et producteur de cette série culte. Tout commence en 1964, lorsque Geller découvre le film de Jules Dassin Topkapi, qui décrit la mise au point d’un vol audacieux dans le musée d’Istanbul. Convaincu que la préparation et l’exécution d’opérations à haut risque serait un formidable thème pour une série, Geller décide de développer un concept autour de cette idée. Il remplace les voleurs sympathiques du film de Dassin par des agents secrets au service du gouvernement américain. Ses héros appartiennent à la cellule “Impossible Mission Force” (IMF), une unité d’élite que les USA emploient pour combattre les dictateurs, les organisations maléfiques ou les pontes du crime organisé qu’il convient d’éliminer au plus vite. Si le contexte est différent de celui de Topkapi, Geller utilise un traitement visuel similaire pour montrer ses héros à l’oeuvre. Les dialogues sont réduits au strict minimum pour accentuer le suspense. La musique, très présente – particulièrement le formidable thème intitulé « The Plot » - souligne les gestes de ces spécialistes en pleine action.
Un épisode-pilote exceptionnel
17 septembre 1966, à 21 h, une allumette apparaît sur l’écran de la chaîne américaine CBS. Elle allume une mèche qui traverse l’écran de gauche à droite, tandis que la bande-annonce des scènes les plus spectaculaires de l’épisode suit le tempo syncopé de la musique de Lalo Schifrin. Non seulement cette présentation-choc est une première dans l’histoire de la télé, mais elle n’est pas un simple effet de poudre aux yeux. L’intrigue qui suit est réellement passionnante, et les trouvailles mémorables se succèdent : le chef de l’équipe, Dan Briggs (Steven Hill) écoute d’abord le message enregistré sur un petit magnétophone - « Bonjour Mr Briggs, votre mission si vous l’acceptez, sera de… ». - et découvre ainsi ce qu’on lui demande d’accomplir. L’appareil s’autodétruit au bout de cinq secondes, et l’on retrouve Briggs en train de consulter ses dossiers dans son appartement. Il sélectionne une par une les photos des agents qui se joindront à lui, et les jette devant lui, sur la table basse de son salon. Au cours de ce premier épisode, intitulé Complot à Santa Costa, Briggs réunit quatre agents qui deviendront ses partenaires récurrents. L’atout de charme de l’équipe est le top-model Cinnamon Carter (Barbara Bain). Cinnamon sait jouer de sa beauté pour captiver les hommes, mais n’hésite pas à se métamorphoser ou à se vieillir pour incarner des femmes très différentes. Barney Collier (Greg Morris) est un ingénieur éléctronicien hors pair, qui invente et fabrique les appareillages complexes dont l’équipe a besoin. Ce sont à chaque fois des prototypes aux capacités très spécifiques. Rollin Hand (Martin Landau) qui fut autrefois « l’homme au million de visages » sur les scènes de music-hall, met désormais ses extraordinaires talents de maquilleur et d’acteur au service de l’IMF. Créateur de prothèses et de masques plus vrais que nature, il est capable de se grimer à la perfection pour usurper l’identité de n’importe qui, et complète l’illusion par une imitation de voix tout aussi parfaite. L’homme à tout faire de l’équipe est l’imposant Willy Armitage (Peter Lupus), un colosse doté d’une force herculéenne. Au cours de cette aventure, Terry Targo (Wally Cox), spécialiste du perçage de coffre-forts, se joint à l’équipe de base.
Usurpation d’identité
Cette première mission consiste à récupérer deux têtes de missiles nucléaires que s’est approprié le général Rio Dominguez, dictateur du petit état sud-américain du Santa Costa. Elles sont enfermées dans la chambre forte de l’hôtel Nacionale, son quartier général. Dès l’épisode-pilote, le paradoxe de la série consiste à utiliser de vrais effets spéciaux pour mettre en scène des trucages…souvent impossibles ! Et pourtant, la toute première transformation de Rollin (Martin Landau) en Général Dominguez est crédible. D’autant plus que l’acteur joue les deux rôles ! On découvre à cette occasion les différentes étapes de l'application du vrai maquillage en mousse de latex conçu par John Chambers (qui a réalisé la même année les oreilles pointues de Mr Spock, et signera deux ans plus tard les maquillages de La planète des singes). Martin Landau prend l'apparence du dictateur en s'affublant d’un faux crâne de plastique souple et d’une perruque, de fausses dents et d'une série de prothèses pour se créer des poches sous les yeux, d’un double menton et d’un nouveau nez souligné par une fine moustache. Le thème du dédoublement est exploité d’une manière encore plus insolite à l’issue de cette aventure, car Rollin a également fabriqué un masque souple à l’effigie de Dan Briggs pour s’éclipser discrètement. Mais lorsque Willy et Rollin, déguisé en Briggs, sortent de l’hôtel, ils sont malheureusement suivis de trop près par un second Dan Briggs – le vrai ! – ce qui ne manque pas de stupéfier les gardes postés à l’entrée ! Par la suite, les effets de fabrication de masques et surtout le fameux « Pull off », c’est à dire le geste qui consiste à retirer d’un coup le visage artificiel, resteront des images iconiques de Mission : Impossible, gravées à jamais dans la mémoire de millions de téléspectateurs.
Cauchemars pour les criminels
Le troisième épisode, Opération Rogosh, présent un plan encore plus bizarre et cauchemardesque, puisqu’il va jouer avec la perception du temps. L’équipe s’attaque cette fois-ci à un espion nommé Rogosh, qui travaille à la préparation d’une catastrophe capable de tuer des dizaines de milliers d’habitants de Los Angeles. Afin de forcer l’espion à dévoiler ses plans secrets, les agents de l’IMF le renversent avec une voiture, et lui font croire qu’il est resté plongé pendant trois ans dans le coma ! A son réveil, Rogosh se retrouve dans un décor qui reconstitue une cellule de la prison d’état de son pays, et se voit traîné devant un tribunal qui l’accuse de n’avoir pas fait aboutir sa mission ! Pour se défendre, il va devoir révéler la méthode qu’il comptait employer. Le fantastique pur fait son apparition dans l’épisode Médium, dans lequel Martha Richards, une savante américaine qui vient de perdre son mari, subit l’influence néfaste d’un parapsychologue nommé Poljac. Cet escroc utilise des séances de spiritisme pour tenter de convaincre la malheureuse, éperdue de chagrin, de venir travailler dans les pays de l’Est, et d’emporter avec elle le fruit des travaux scientifiques du couple. Pour contrecarrer la manipulation de Poljac, Barney et Rollin mettent au point une séance de spiritisme truquée, mais c’est un phénomène véritablement paranormal qui permettra à Martha Richards à comprendre que Poljac la manipule à son insu.
Des simulacres de plus en plus ambitieux
Dans l’épisode Le Train, l’équipe de l’IMF doit intervenir auprès de Larya, premier ministre d’un petit état européen. Le vieil homme malade est un partisan de la démocratie tandis que Pavel, son successeur désigné, ne vise qu’à obtenir le pouvoir suprême pour devenir un tyran. Mais Larya ne s’en rend pas compte et s’obstine à lui accorder sa confiance. Pour le convaincre des noirs desseins de Pavel, les agents de l’IMF vont tirer parti du voyage en train qui va mener le premier ministre en Suisse, où il subira une opération du cœur. Le train officiel est détourné, acheminé dans un hangar, et placé sur des vérins hydrauliques qui imitent le rythme du défilement des rails pendant un voyage, tandis que des projecteurs braqués sur les fenêtres projettent les images du paysage qui défile ! Grâce à ce système, Dan Briggs et ses collaborateurs simulent ensuite un déraillement. Lorsque Pavel se réveille, vêtements déchirés, hagard, au milieu des décombres, on lui fait croire à la mort du premier ministre. Il se comporte alors comme le dictateur qu’il a toujours rêvé d’être, sans se douter que Larya, toujours vivant, l’observe depuis sa fausse chambre d’hôpital ! Véritable tour de force, Le Train est l’un des épisodes les plus mémorables de cette première saison d’une très haute tenue. Beaucoup d’autres missions fantastiques figurent dans les six saisons à venir, dont nous vous parlerons prochainement. DVD !
Coffrets Mission : impossible Saison 1, 2 et 3 disponibles chez Paramount home vidéo.