STAR TREK INTO DARKNESS : Entretien exclusif avec le producteur Bryan Burk - Première partie
Article Cinéma du Mercredi 24 Juillet 2013

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Comment avez-vous rencontré JJ Abrams et depuis combien de temps travaillez-vous ensemble au sein de sa société de production, BAD ROBOT ?

JJ est un peu plus vieux que moi. Quand nous étions ados, nous tournions des films Super-8. J’ai rencontré d’abord Matt Reeves, qui connaissait déjà JJ par le biais de leur passion pour les films Super-8. Cela se passait juste avant qu’ils partent tous les deux au lycée. Matt m’a présenté à JJ, et une fois qu’ils sont devenus lycéens, je ne les voyais plus que pendant les vacances d’été. Puis les années ont passé, et JJ et moi sommes vraiment devenus amis après qu’il ait fini ses études au lycée. Nous avons commencé à travailler ensemble en 2001, sur la série ALIAS, qui a été la première production de Bad Robot pour la télévision, et cela fait maintenant 12 ans que nous collaborons.

Après avoir relancé avec succès le franchise STAR TREK au cinéma, quels étaient les espoirs et les buts de JJ Abrams, de vous-même et des studios Paramount en abordant ce deuxième épisode ?

Avant de nous lancer dans un second épisode nous voulions être sûrs de pouvoir raconter une histoire intéressante et qui fonctionne aussi bien pour les fans que pour des gens qui n’ont jamais entendu parler de STAR TREK avant, qui n’ont vu ni les séries ni les films, y compris le volet précédent. Nous avons pensé aussi à ceux qui ont tenté de voir des épisodes hors de la continuité, et qui se sont découragés parce qu’ils se sentaient un peu perdus dans ce vaste univers. Comme vous le disiez, le film précédent était un « reboot », mais nous avons procédé aussi comme si nous reprenions tout à zéro, en bénéficiant des idées géniales du créateur original, Gene Roddenberry, et de tous les scénaristes qui ont suivi. Nous nous sommes emparés de tout cela, et nous avons disposé ces éléments sur un canevas narratif beaucoup plus ample que d’habitude. Le grand défi de ce 2ème volet était de parvenir à nouveau à créer un film que n’importe qui pourrait regarder et apprécier, qu’il soit fan ou néophyte complet. Nous espérons être ainsi en mesure de captiver et de surprendre tous les spectateurs.

L’ampleur visuelle de STAR TREK INTO DARKNESS, ses scènes d’action et la qualité de ses effets visuels est très impressionnante. Quelles étaient les plus grosses difficultés à résoudre pendant la production du film ?

Pardonnez-moi de me répéter, mais ce qui nous importait vraiment le plus, c’était de faire en sorte que ce film ne soit pas perçu comme une suite, mais comme une aventure à part, indépendante, dans laquelle on peut se plonger sans rien connaître d’autre… SKYFALL avait cette qualité-là, qui vous permettait d’apprécier complètement le film même si vous n’avez pas vu les 800 films de James Bond qui ont précédé ! (rires) Naturellement, si vous êtes fan de Bond, c’est encore mieux, car vous pouvez « décoder » toutes les petites allusions qui ponctuent le récit. Pour INTO DARKNESS, notre but était de parvenir à happer immédiatement l’attention des spectateurs pour ne plus la lâcher. Nous avons passé beaucoup de temps à réfléchir à la manière de présenter très rapidement les principaux protagonistes et leur rang au sein de l’équipe sans interférer avec l’action ni ralentir le rythme du film. Nous avons également pensé aux spectateurs de 12 ans qui vont venir voir le film, et qui n’en avaient que 6 quand le premier est sorti. Nous sommes partis du principe que pour eux, il était important d’entrer directement dans l’histoire et dans le vif du sujet, en expliquant très vite qui est qui et pourquoi ces gens sont là. Avec JJ et avec les scénaristes, nous avons parlé des films que nous étions allés voir au cinéma quand nous avions cet âge-là, et nous nous sommes remémorés ce qui avait fonctionné ou ce qui nous avait gêné, au cas par cas. Cette immédiateté du début de l’intrigue est d’ailleurs l’un des points communs des James Bond : à moins d’être un fan, on ne sait plus très bien quel est l’ordre de ces aventures, parce que l’on peut les voir indépendamment les unes des autres. Voilà le défi que nous voulions relever dans ce film.

Mais en dehors de ce défi principal, les autres challenges n’étaient-ils pas de ne pas « perdre » les personnages pendant ces évènements cataclysmiques ? De ne pas être trop sombre ? De réussir à injecter malgré tout un peu d’humour dans cette histoire ?

Tous les projets dans lesquels nous nous lançons commencent par une conversation à propos des personnages, car ils sont les éléments essentiels de l’histoire. Et quand nous évoquons nos films favoris au cours de ces réunions, nous nous rendons compte que les héros de notre panthéon cinématographique sont des gens intéressants auxquels on peut aisément s’identifier, et dont on comprend les réactions. Dans pratiquement tous les cas, ce sont des personnages ordinaires dans lesquels on peut se projeter, confrontés à des situations extraordinaires. C’est avec ce type de héros que nous aimons construire nos projets. Nous avons appliqué cette méthode à l’univers de STAR TREK, mais il avait déjà été merveilleusement conçu par Roddenberry pour que l’on puisse s’identifier à ces gens qui font un incroyable voyage de 5 ans dans l’univers…En travaillant sur STAR TREK, que je connaissais peu, j’ai découvert que tous les personnages principaux sont terriens : Kirk est de l’Iowa, et même Spock est à moitié terrien par sa mère. De ce fait, si vous confrontez ces protagonistes qui nous ressemblent et qui réagissent comme nous à une situation mystérieuse et potentiellement dangereuse, on s’identifie encore plus à eux, et on tremble davantage de les voir prendre autant de risques. On n’a pas envie qu’il leur arrive malheur…Concernant la crainte que le ton du film soit un peu trop sombre, comme tous les auteurs et les producteurs de l’équipe ont grandi en voyant les mêmes films – les JAMES BOND, les STAR WARS, les films de Steven Spielberg comme LES AVENTURIERS DE L’ARCHE PERDUE – nous avons tous été marqués par ce mélange d’action, de danger et d’humour. Dans ces grands films d’aventure, les plus grands périls se déploient pendant des scènes de comédie inoubliables. Nous avions envie de nous inspirer de cela aussi quand nous montrons des personnages crédibles dans des situations critiques…Je crois que nous avons trouvé des moyens de faire sourire les spectateurs même dans des moments de grande tension.

C’est amusant que vous fassiez référence aux AVENTURIERS DE L’ARCHE PERDUE , car dans le prologue du film, Kirk et McCoy sont poursuivis par une tribu extraterrestre alors qu’ils tentent de regagner leur vaisseau, exactement comme Indiana Jones quand il court à perdre haleine pour fausser compagnie aux indigènes et regagner son hydravion !

Oui, vous avez raison…Je n’y avais pas vraiment pensé jusqu’à présent, mais c’est un hommage inconscient à Indy ! C’est à peu près inévitable de fonctionner ainsi. D’ailleurs je pense que si Steven Spielberg et George Lucas étaient là et que nous leur demandions ce qui les a inspiré pour Les AVENTURIERS DE L’ARCHE PERDUE, il nous citeraient une longue liste de films et de sérials qu’ils ont vus pendant leur enfance... On retrouve aussi ce mélange d’humour et de danger dans la saga DIE HARD, que j’aime beaucoup.

Cette fois-ci le danger vient de l’intérieur de la fédération des planètes unies, avec le personnage que joue Benedict Cumberbatch, et dont on ne sait quasiment rien…Etablissez-vous ainsi un parallèle avec les véritables terroristes sans visage qui placent des bombes dans les grandes villes…ou avec la peur des traîtres qui peuvent passer des rangs de nos armées à ceux de nos ennemis ?

Ce qui est intéressant avec ce méchant-là, c’est comme vous le dites le fait qu’il ne vient pas d’une planète lointaine, mais de la nôtre. C’est un humain impitoyable, dépourvu de remords, extrêmement intelligent et manipulateur, qui échafaude des complots si sophistiqués qu’il a toujours de nombreux coups d’avance sur nos héros…C’est la pire personne que l’on puisse affronter et paradoxalement, il a toutes les caractéristiques des méchants que l’on adore au cinéma, même si l’on espère bien qu’ils seront vaincus à la fin ! Le fait qu’il soit « l’un d’entre nous » le rend encore plus terrifiant parce que l’on ne comprend pas ses motivations. Benedict Cumberbatch est très impressionnant dans ce rôle. Les gens qui ne l’ont jamais vu dans la série SHERLOCK ne savent pas ce qu’ils ont raté. Si vous le permettez, je vais m’adresser aux visiteurs de votre site quelques secondes , pour leur dire : « Débrouillez-vous pour voir cette série géniale à tout prix ! » (rires)

Le personnage de Benedict Cumberbatch pourrait-il devenir un ennemi récurrent pour Kirk ? Et que pouvez-vous nous dire sur ses pouvoirs ?

Pour différentes raisons que vous comprendrez en voyant INTO DARKNESS, je préfère ne pas en dire trop sur le méchant. Car si je vous dévoile un certain nombre d’informations, vous allez relier les points entre eux et comprendre ce qui rend ce personnage si intéressant avant même de le découvrir dans le film. C’est un ennemi redoutable, bien plus dangereux que tous ceux que Kirk et Spock ont pu croiser auparavant.

Comment définiriez-vous la vision de JJ Abrams en tant que réalisateur et la manière dont il a régénéré STAR TREK au cinéma ?

Eh bien sa vision était un peu différente cette fois-ci par rapport à celle du premier épisode, où nous reprenions tout à zéro. Même si JJ n’était pas un fan de STAR TREK pendant son enfance, il a beaucoup d’admiration pour la vision de Gene Roddenberry, et s’est principalement inspiré de tout ce qu’il avait développé dans la série originale. Nous voulions retrouver l’esprit de cette création géniale, sans donner au public l’impression d’être en train de regarder une production des années 60. Il fallait s’inspirer du look positif et coloré de la série tout en le modernisant. Michael Kaplan, notre chef costumier sur les deux STAR TREK, a également créé les vêtements de BLADE RUNNER. Nous avons eu des conversations passionnantes avec lui sur le thème du mélange de passé et de futur qui est le point commun entre ces films. Michael est un homme extrêmement brillant, et nous avons beaucoup appris en le voyant créer les costumes, et approfondir sa réflexion. Globalement, la différence avec ce second film, c’est que nous n’avons plus à tout reprendre depuis le début, mais que nous pouvons construire des choses à partir des fondations du volet précédent. JJ s’est senti plus libre d’aller dans de nouvelles directions, car le public a validé l’approche de STAR TREK que nous lui avons présenté il y a 4 ans. Cette fois-ci nous avons eu envie d’aller plus loin et de voir « plus grand ».

La suite de cet entretien se téléportera bientôt sur ESI !

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