PACIFIC RIM : Entretien exclusif avec Idris Elba (Staker Pentecost) - Première Partie
Article Cinéma du Mardi 30 Juillet 2013

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Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Que connaissiez-vous de l’univers des Kaijus avant de participer à PACIFIC RIM ?

Absolument rien ! Je ne soupçonnais même pas qu’il existait toute une culture des Kaijus au Japon, et qu’il s’agissait d’une longue tradition déclinée dans des centaines de films et de séries animées et en prises de vues réelles. Je connaissais Godzilla, et cela s’arrêtait là ! J’ai tout appris de Guillermo, des informations contenues dans le script de PACIFIC RIM, et des recherches que j’ai faites aussi de mon côté afin de mieux comprendre ce que cet univers représentait. J’ai pu constater qu’il y avait des millions de fans nippons de Kaijus, mais aussi un peu partout dans le monde.

Guillermo Del Toro vous a-t-il proposé de voir certains films, de lire certains Mangas ?

Oui, il m’a d’abord donné une liste avec un certain nombre de titres – ne me demandez surtout pas lesquels ! – puis il m’a directement envoyé un colis avec une sélection de Mangas. J’ai regardé certains films et lu certaines BDs, mais j’avais surtout envie que ce soit Guillermo qui me guide lui-même dans cet univers, et qu’il me présente sa vision de cette histoire, avant et pendant le tournage du film…Comme je ne suis pas un lecteur assidu de comics ni de romans graphiques, je préférais me focaliser sur sa manière d’aborder le projet, plutôt que de risquer de me perdre dans un univers qui pourrait ne pas me correspondre…

Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce projet ?

L’opportunité de travailler avec Guillermo. Il a un talent visuel impressionnant et il est l’un des metteurs en scène actuels les plus doués. Ses visions sont uniques et le rendent capable de créer des mondes impressionnants, originaux, poétiques, cohérents et conçus jusque dans les moindres détails. C’est le cas aussi du monde de PACIFIC RIM, qui est remarquablement bien décrit. Après avoir reçu le script, j’en ai longuement parlé avec Guillermo, et je lui ai dit que j’étais partant pour m’impliquer dans son projet. J’étais également intéressé par cette occasion de participer à un film différent de ceux dans lesquels j’ai joué jusqu’à présent. Staker Pentecost, mon personnage, est une sorte d’archétype : c’est un dur à cuir, fort, qui réfléchit bien avant d’agir, parle peu, mais sait se faire comprendre en quelques mots qui comptent. J’ai déjà joué ce genre de personnes avant, mais pas dans un univers aussi fantastique comme celui-ci.

Comment avez-vous vécu cette transition entre votre participation à la série policière anglaise LUTHER et cette superproduction qui s’appuie énormément sur les effets visuels réalisés en images de synthèse ? Etait-ce un grand saut dans l’inconnu pour vous ?

Oui, énorme ! Participer à un projet comme PACIFIC RIM est un travail d’acteur tout à fait différent… Quand j’incarne Luther, je m’appuie sur mes émotions personnelles et mon vécu pour faire vivre le personnage, tandis que dans le film de Guillermo, je devais trouver mes marques dans les détails de ce monde. C’est un peu comme si j’avais été projeté au milieu d’une bande dessinée : chaque image se trouve dans une case et mon personnage avait son texte écrit en quelques phrases dans un phylactère au-dessus de sa tête. Chaque plan de PACIFIC RIM a été conçu très précisément par Guillermo, et en tant qu’acteur, je devais trouver le moyen de m’insérer dans cette image, de m’y faire ma place. C’est ce qui a été le plus dur pendant ce travail.

Voulez-vous dire que tout était tellement codifié, planifié, qu’il n’y avait pratiquement pas d’espace pour improviser ou ajouter quelques mots quand vous en ressentiez le besoin ?

Si, si, un peu tout de même... Mais dans les limites de cadres bien précis. Si je proposais d’ajouter quelque chose, Guillermo me disait « OK, essayons déjà cette première phrase, et on verra après pour le reste ! » (rires) C’était logique, car il avait tout échafaudé méticuleusement. Il ne fallait pas partir dans des directions trop éloignées pour ne pas compromettre la cohérence des répliques suivantes.

Que pouvez-vous nous dire sur votre personnage ?

Staker Pentecost fait partie des dirigeants de la résistance humaine qui s’est organisée pour repousser l’invasion des Kaijus. Au moment où l’histoire de PACIFIC RIM débute, le monde est littéralement en train de s’écrouler, et Staker est l’un de ceux qui proposent et qui mettent en place un système de défense contre les créatures qui repose sur la création et le pilotage de robots géants. Ce dispositif des Jaegers, une fois déployé, permet d’obtenir de bons résultats pendant un moment, mais cela ne dure pas. Les défaites sont de plus en plus nombreuses et la politique prend le pas : on cesse bientôt de financer le programme des Jaegers. Mon personnage refuse de s’avouer vaincu et dit « Non, pas question d’abandonner ! Nous allons continuer à nous battre avec ces machines. » C’est ainsi qu’il devient le « chef de la résistance » d’une certaine manière, en agissant de manière indépendante. Dans le film, Staker Pentecost conseille les autres personnages quand ils viennent le voir. Il prend des décisions importantes sur les opérations à mener, et réagit du mieux qu’il le peut à chaque situation nouvelle, en analysant toutes les informations recueillies dans l’espoir de trouver enfin le « talon d’Achille » des Kaijus. On découvre aussi certaines facettes surprenantes de sa sensibilité, car Staker a recueilli le personnage de Rinko après que ses parents aient été tués lors de l’attaque d’un Kaiju, quand elle avait 8 ans, et il l’a élevée. On suit la trajectoire émotionnelle très forte entre ces deux personnages tout au long du film. Et comme les monstres continuent à apparaître sans que les humains comprennent pourquoi, Staker et ses pilotes doivent tous se battre très durement pour survivre et pour défendre ce qu’il reste de l’humanité.

Staker a-t-il été un pilote lui aussi ?

Oui. Et il y a d’ailleurs une scène dans le film où il renoue avec son passé. Après des années passées à donner des ordres,assis derrière un bureau, il décide d’endosser à nouveau la combinaison de pilote, et d’aller se battre sur la ligne de front. Pour ce personnage profondément intègre, c’est l’occasion d’aller jusqu’au bout de sa démarche, et de donner encore une fois l’exemple.

La proximité de vos deux personnages vous a certainement amené à travailler souvent avec Rinko Kikuchi…

Oui. Rinko est une excellente actrice, et une très jolie jeune femme. Nous avons beaucoup apprécié notre collaboration sur ce film. Nos personnages forment un duo père-fille atypique, et il était intéressant de jouer deux êtres qui ont entamé ensemble un chemin passionnant, dans des circonstances dramatiques.

Comment Guillermo Del Toro vous a-t-il décrit Staker Pentecost initialement ? Quelles idées avez-vous suggérées à propos de l’univers intime de votre personnage ?

Guillermo avait préparé une sorte de « bible » autour du personnage de Staker, afin que je puisse connaître son passé, ses faits de gloire, sa spiritualité et l’évolution de sa personnalité. Mais ce qui ressortait de tout cela, c’est que Stacker est un « Sensei », c’est à dire un mentor, un professeur, une personne dotée d’une grande expérience et d’un précieux savoir. C’est un personnage qui médite beaucoup. Un ex-militaire qui a entrepris toute une démarche spirituelle pour devenir un maître Zen. Stacker ne louvoie jamais : il avance tout droit, et agit en un éclair. Guillermo et moi avons réfléchi aux attributs des Sensei et à ce qui caractérise leur comportement afin d’appliquer cela à la manière d’incarner et de mettre en scène Stacker. J’ai suivi la vision de Guillermo en ce qui concerne son apparence physique, sa coupe de cheveux, sa moustache. Et pourtant, quand j’ai lu le script, je l’imaginais avec un physique tout à fait différent…

Vraiment ? Lequel ?

(Idris Elba sourit) Je ne pouvais pas m’empêcher de le visualiser comme une sorte de…Yoda ! (rires) Bien plus âgé, frêle et silencieux…Tout en étant très efficace. Mais Guillermo voulait un Sensei complètement différent.

Avez-vous imaginé une gestuelle particulière pour souligner l’extrême concentration dont votre personnage est capable ?

Oui. Pendant la période pendant laquelle nous avons travaillé sur le design de la combinaison de Stacker, qui est un grand costume bleu, nous avons imaginé que ses attitudes soient toujours du même style dans chaque plan, quels que soient les mouvements qu’il fasse : des poses très sculpturales, très expressives, et toujours dans le style « comic book ». Guillermo voulait que les épaules de Stacker soient mises en valeur, que les reliefs de sa combinaison soulignent sa stature, et qu’il ait l’air de dominer la situation en toutes circonstances. Guillermo souhaitait aussi que la manière dont Stacker marche reflète une solidité à toute épreuve, un volonté d’acier, une détermination farouche. Stacker se déplace d’un pas décidé, sans que l’on puisse lire le moindre sentiment sur son visage.

Qu’avez-vous pensé quand vous avez lu le script ?

Je me suis dit « Wow, c’est vraiment un monde délirant, sorti de l’esprit de gens qui ont une imagination très vive. » Ce qui m’a plu, c’est le souci du détail apporté à la description de cet univers. Les auteurs ont pensé à tout. On pourrait se contenter de dire que c’est une histoire de Science-Fiction au cours de laquelle des robots géants affrontent des créatures extraterrestres, car c’est un des aspects du script, mais c’est plus que cela. Je n’ai pas forcément pensé que c’était le scénario le plus impressionnant que j’aie jamais lu de toute ma vie au niveau de sa dramaturgie, mais j’ai été immédiatement convaincu que PACIFIC RIM allait être un film sensationnel, extrêmement spectaculaire. Je crois qu’il n’y a pas beaucoup de gens qui auraient été en mesure d’imaginer tous les détails que l’on trouve dans le script. On sent que les gens qui l’ont écrit, Guillermo et Travis, sont passionnés par cet univers.

La suite de cet entretien colossal avec Idris Elba paraîtra prochainement sur ESI !

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