LA SAGA RAY HARRYHAUSEN – Jason et les Argonautes
Article Cinéma du Vendredi 03 Novembre 2023
Par Pascal Pinteau
Jason et les Argonautes (Jason and the Argonauts) USA 1963 Réalisation: Don Chaffey. Scénario : Jan Reid et Beverley Cross d’après le poème épique d’Apollonios de Rhodes Les Argonautiques. Production : Charles H. Schneer. Effets visuels : Ray Harryhausen. Musique : Bernard Hermann. Avec : Todd Armstrong, Nancy Kovack, Gary Raymond, Honor Blackman. Couleurs . Distribution : Columbia. Durée : 1h44. L’histoire : Pendant son enfance, Jason échappe au massacre de sa famille fomenté par son oncle Pélias pour s’emparer du trône. Jason revient vingt ans plus tard pour faire valoir son droit de régner. Il sauve Pélias de la noyade sans savoir qu’il s’agit du meurtrier des siens et de l’usurpateur du trône. En revanche, Pélias a reconnu Jason. Il l’incite à aller chercher la toison d’or enchantée à l’autre bout du monde avant de défier son adversaire, espérant que Jason mourra pendant ce périlleux voyage. Le jeune homme accepte avec une telle bravoure que Zeus, qui l’observe du haut de l’Olympe, lui offre son aide. Il la refuse, s’attirant ainsi les bonnes grâces de la déesse Héra, qui va le conseiller. Jason fait construire le vaisseau Argo, et le dote d’une figure de proue qui honore Héra. Il recrute ensuite les meilleurs aventuriers grecs pour constituer son équipage, dont le célèbre Hercule. C’est ainsi que débute un périple extraordinaire, jalonné de confrontations avec des créatures défiant l’imagination…
La genèse d’un chef d’œuvre du Fantastique
Tous les dieux de l’Olympe semblent s’être penchés sur le berceau de ce film depuis sa conception, comme s’ils étaient flattés de l’hommage que l’on s’apprêtait à leur rendre. Et pourtant, Ray ne s’était guère passionné pour les mythes grecs que ses professeurs lui avaient enseignés. Mais après avoir lu les œuvres des grands auteurs du fantastique et de la science-fiction pendant son adolescence, il redécouvre les légendes antiques avec un autre regard : celui d’un animateur en herbe qui visualise déjà les scènes extraordinaires que l’on pourrait créer autour des créatures mythologiques. Cette idée ne le quitte pas, et même si les péplums italiens des années 50 et 60 abordent ce sujet, la manière simpliste dont les gorgones et autres minotaures y sont représentés n’entame en rien le potentiel de leur transposition en Dynamation. Ray explique sa vision à Schneer à la fin des années 50, et après l’accueil plutôt tiède réservé à L’ILE MYSTERIEUSE, les deux associés décident de s’atteler à l’adaptation de l’histoire de Persée. Mais celle-ci est complexe. Après avoir lu l’intégralité des légendes grecques, ils optent pour un récit plus simple et qui offre plus d’options de scènes spectaculaires : celui de Jason et la toison d’or. Cette idée est présentée en décembre 1960 à la direction de la Columbia, qui valide son développement. L’histoire de la quête de Jason est riche en créatures, mais il faut la fluidifier et mieux lier ses péripéties pour obtenir une continuité allant crescendo.
Première ébauche et corrections
Comme d’habitude, Ray crée une série d’illustrations tandis que Charles Schneer cherche un scénariste pour les transposer en script. Il choisit Jan Read. Pendant leurs premières réunions, les trois hommes envisagent d’inclure des séquences contemporaines au début et à la fin du film pour présenter l’univers mythologique au public, car ils craignent que les spectateurs soient rebutés par le contexte de l’Antiquité. Ils imaginent un prologue pendant lequel un groupe de touristes visite le temple de Poséidon à Sounion, en Grèce, et rencontre un mystérieux individu qui leur narre les aventures de Jason…A la lecture de ce premier script, Ray et Schneer se rendent compte que cette introduction retarde inutilement la découverte de l’histoire du héros. De plus, Read a suivi trop fidèlement les péripéties de la légende, y compris celles qu’il aurait fallu éliminer pour vivifier le récit. Schneer engage alors Beverley Cross, artiste aux multiples talents, puisqu’après avoir été acteur, il a écrit des livrets d’opéras, des pièces de théâtre jouées dans le monde entier et des téléfilms. Fin lettré, Cross est un expert en mythologie grecque. Il remanie brillamment le travail de Read, condense l’action et les situations dramatiques pour ne garder que l’essentiel, et réécrit les dialogues avec finesse, en y ajoutant quelques touches d’humour. Ray et Schneer sont enchantés du résultat et le studio également : la production de JASON ET LES ARGONAUTES est validée. Une fois encore, le département casting de la Columbia puise dans son vivier d’acteurs sous contrat à Los Angeles et à Londres pour constituer la distribution. L’américain Todd Armstrong, abonné jusque là aux personnages secondaires, est choisi pour incarner Jason. Son physique plaisant, ses capacités sportives et son charisme correspondent bien à ce que l’on attend d’un aventurier. La seconde américaine du casting est Nancy Kovack, qui a collectionné les titres de reine de beauté dans son Michigan natal avant de mener une brillante carrière au théâtre puis à la télévision. Elle jouera la grande prêtresse Médée. Les autres rôles sont attribués à des anglais : Gary Raymond sera Acaste, Laurence Naismith apportera sa crédibilité à Argos le capitaine du bateau, Honor Blackman - première partenaire de John Steed dans CHAPEAU MELON ET BOTTES DE CUIR, et future Pussy Galore aux côtés de James Bond dans GOLDFINGER – deviendra la déesse Héra, tandis que Nigel Green campera un Hercule mûr mais toujours truculent. La réalisation est confiée à Don Chaffey, qui fut un grand chef décorateur avant de devenir l’un des réalisateurs les plus doués de la télévision britannique, signant plusieurs des meilleurs épisodes de DESTINATION DANGER et CHAPEAU MELON ET BOTTES DE CUIR. En faisant appel à lui, Ray et Schneer disposent d’un metteur en scène rompu aux tournages rapides, sachant soigner l’esthétique des plans, et capable de créer du suspense et d’excellentes scènes d’action. Que demander de plus ?
L’odyssée de Ray
Comme d’habitude, Ray se charge de l’essentiel des repérages. Il se réjouit de découvrir la Grèce, berceau de la civilisation européenne. Malheureusement le pays se préoccupe plus de croissance économique et de tourisme de masse que de préservation de son patrimoine : à l’exception du Parthénon d’Athènes, ses sites historiques sont laissés à l’abandon et s’avèrent inutilisables. Ailleurs, de magnifiques paysages naturels sont défigurés par des constructions modernes. Déçus, Ray et Schneer partent explorer la Yougoslavie qui regroupe alors la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Macédoine, le Monténégro, la Serbie et la Slovénie. Ils y découvrent des côtes et des massifs montagneux correspondant aux besoins du film. Après avoir sélectionné plusieurs sites autour de Dubrovnik, ils trouvent un décor de cité antique construit pour un péplum italien dans le studio Yugoslav. La préproduction s’organise sur place, mais cet enthousiasme tourne court quand Schneer se rend compte que plusieurs responsables truquent le coût de leurs prestations pour s’enrichir à ses dépens. Furieux, Schneer rompt ses arrangements avec les équipes yougoslaves, et relocalise toute la production en Italie alors que les prises de vues doivent débuter dans un mois. Les studios locaux, en plein boum, ont tout ce qu’il faut pour accueillir une production à la dernière minute, et le pays regorge de temples antiques érigés au VIIIème siècle avant J.C., lorsque l’Italie était colonisée par la Grèce. Il faut organiser rapidement de nouveaux repérages. Pour gagner du temps, Ray se charge de visiter le sud du pays tandis que Don Chaffey s’occupe du nord. Ray trouve des ruines grecques idéales, et plusieurs panoramas côtiers qui permettront de filmer les étapes du voyage de l’Argo, et serviront de décors d’arrière-plan à d’autres séquences. Il est enthousiasmé par les formations rocheuses atypiques et les plages de sable fin proches du village de Palinuro, au sud de Naples. Une « divine » surprise l’attend lorsqu’il visite les temples de Paestum : ils semblent tout droit sortis de son illustration de la scène des harpies, et sont bien plus grands et majestueux que le décor qui devait être construit en Yougoslavie !
Les Argonautes
Après la mésaventure de la location de la fausse Santa Maria pendant le tournage du 7EME VOYAGE DE SINBAD, Charles Schneer sait qu’il faudra construire l’Argo dans les règles de l’art pour faire naviguer les acteurs et l’équipe technique du film en toute sécurité. Une robuste barge de pêche est achetée puis recouverte par une coque extérieure en bois imitant celle d’un bateau à voile de l’Antiquité grecque. Trois puissants moteurs propulsent l’Argo de son port d’attache jusqu’aux différents sites choisis, et permettent de le repositionner rapidement en mer pour conserver le même axe d’éclairage solaire tout au long de la journée. La construction du navire coûte 250 000 dollars, soit 1/12ème du budget de 3 millions de dollars alloué au film. Mais Schneer amortit astucieusement cette dépense : dès que les prises de vues avec l’Argo sont achevées, il le revend à la Fox, qui l’utilise ensuite dans la séquence de la bataille navale d’Actium de CLÉOPÂTRE ! La plupart des scènes intérieures sont filmées au studio Palentino de Rome, et les trucages sur écran jaune tournés à Shepperton. Plusieurs sections de l’Argo sont reconstituées pour ces prises de vues, notamment la proue et l’un des flancs du navire. Une maquette du bateau de 1m20 de longueur est également fabriquée pour tourner les scènes du passage entre les roches vacillantes des Symplegades, puis certains plans de la confrontation avec Talos.
Les créatures mythologiques prennent vie
En novembre 1961, Ray envoie à son père les croquis et descriptifs des quatorze armatures complexes à construire pour les différentes créatures du film. Cette liste comprend : Talos (en entier), une main et un pied agrandis de Talos, Un bras agrandi de Talos, l’hydre complète avec ses sept têtes et deux queues, deux harpies, six squelettes, une figurine de Jason et une autre d’Acaste. Comme d’habitude Frederick Harryhausen livre une prestation de grande qualité (la plupart de ses armatures fonctionnent encore parfaitement aujourd’hui !). Ray réceptionne le fruit du travail paternel en février 1962, et pendant les quatre mois suivants, sculpte, moule et fabrique les peaux des personnages, puis les peint soigneusement. Il se consacre ensuite au tournage des séquences en Dynamation, en commençant par celle de Talos, auquel il a donné la taille du colosse de Rhodes. Cette statue d’Hélios, dieu grec du soleil, avait été érigée par Charès de Lindos à l’entrée du port de l’île de Rhodes en 292 avant J.C. et mesurait trente mètres de hauteur. Elle était la sixième des sept merveilles du monde antique et fut détruite 70 ans plus tard par un tremblement de terre. Il n’en subsiste plus aucune trace. Talos est présent dans la légende originale de Jason, mais sous la forme d’une statue de bronze de 2m50 qui garde l’île de Crête. Si des étrangers s’approchent, elle s’anime, porte son corps de métal à incandescence, happe les infortunés voyageurs et les serre dans ses bras pour les carboniser ! Cette étreinte cauchemardesque n’étant guère adaptée à un divertissement familial, Ray a transformé Talos en géant, mais gardé l’idée du métal en fusion qui irrigue et assouplit son corps, lui permettant de bouger. Paradoxalement, alors qu’il a toujours animé ses personnages de la manière la plus fluide possible, Ray choisit de donner une raideur quasi mécanique aux mouvements du géant. La construction dramatique de l’apparition de Talos est magistrale. L’Argo ayant jeté l’ancre près d’une île pour y trouver du ravitaillement, Hercule et Hylas en profitent pour explorer une vallée jalonnée de statues géantes, sans savoir qu’il s’agit des créations magiques d’Hephaistos, le dieu du feu et des travaux métalliques. Ils s’avisent que le socle de l’une d’elles, qui représente un guerrier agenouillé tenant une épée, est dotée d’une porte. Hercule parvient à l’ouvrir, et les deux hommes découvrent un trésor caché dans l’édifice. Mais dès qu’ils en sortent avec leur butin, la tête du géant de bronze se tourne lentement vers eux en grinçant. Dès lors, la colère de Talos s’abat sur l’équipage de l’Argo. La statue descend lentement de son socle, s’y appuyant quelques instants pour sortir de son sommeil, une autre idée brillante qui transforme immédiatement Talos en un vrai personnage. Peu après, Ray utilise l’arche naturelle d’une baie proche de Palinuro, sachant que l’intégration du colosse dans cette trouée rocheuse rendra sa présence plus crédible et soulignera son gigantisme. C’est là qu’il utilise la version agrandie de la main de Talos qui passe sous l’arche (grâce à un cache / contre-cache) pour s’abattre sur les hommes de Jason. Toute cette séquence – la plus longue scène d’animation du film – est une pure merveille. Mais elle n’est pas la seule.
Des prouesses de plus en plus spectaculaires
La suivante nous montre les harpies qui tourmentent le pauvre Phileas (Patrick Troughton) autour des magnifiques temples de Paestum choisis par Ray. Dans la mythologie, ces créatures aux visages féminins sont dotées de corps de vautour et de pieds et de mains aux griffes acérées. Ray transforme leur aspect pour des raisons pratiques – les plumes sont difficiles à gérer en stop motion - et les gratifie d’ailes de chauve-souris. Lors du tournage en Italie, Ray a demandé à Patrick Troughton de donner des coups de bâtons dans les airs, comme s’il voulait empêcher les harpies de le toucher. Pendant l’animation, chaque marionnette est suspendue par trois fils à des supports articulés, comme les soucoupes volantes de THE EARTH VS THE FLYING SAUCERS. Ray simule les contacts entre les harpies et le bâton de l’acteur en alignant un minuscule bout de bois pendant quelques images, et cette astuce contribue à crédibiliser la présence des créatures. Pour la scène de la capture des harpies par Jason et ses hommes, Ray utilise un filet miniature renforcé de fils de fer et l’anime autour des deux marionnettes. La séquence suivante est celle des roches vacillantes et de l’apparition de Triton, initialement conçue pour la Dynamation, mais simplifiée pour des raisons budgétaires. On la filme donc à Shepperton, dans un bassin, avec des rochers en plâtre fixés à des plateformes flottantes en bois que les machinistes peuvent pousser et tirer pour les animer. Pour incarner Triton, il a fallu trouver un un excellent nageur capable de retenir sa respiration sous l’eau, doté de longs bras (pour écarter suffisamment les falaises miniatures) et prêt à supporter les complications de ce tournage. Bill Gudgeon est choisi, et se retrouve donc dans le corset d’écailles de Triton, prolongé par une queue de poisson dont les mécanismes sont actionnés par des techniciens. Sa perruque et sa barbe sont rigidifiées par de nombreuses couches de laque pour garder un aspect majestueux lorsqu’il surgit des flots et aide l’Argo à franchir le passage. La scène est filmée à 96 images/secondes par Wilkie Cooper et Ray, afin de ralentir les mouvements de Gudgeon et les ondulations des vagues. Toute l’équipe admire le stoïcisme de l’acteur qui patauge pendant deux jours dans l’eau froide sans se plaindre…Un peu plus tard dans le film, Jason et ses hommes atteignent les rivages du royaume de Colchide, où se trouve la toison d’or. La mythologie décrit son gardien comme un dragon qui ne dort jamais, mais comme Ray en a déjà animé un dans LE 7EME VOYAGE DE SINBAD, il emprunte une créature au récit des douze travaux d’Hercule : l’hydre aux multiples têtes. Leur nombre varie selon les versions : Diodorus en décrit cent, tandis qu’Apolodorus se limite à une cinquantaine. C’est encore beaucoup trop pour Ray qui réduit leur nombre à sept, chiffre toujours paré d’une aura magique dans les contes. Le design qu’il imagine est à la fois fantastique et étonnamment crédible. Les têtes de l’hydre combinent des caractéristiques de serpents et d’oiseaux. Elles sont prolongées par des sortes de becs noirs, tandis que des cornes légèrement recourbées pointent vers l’arrière. La double queue pointue de la chimère évoque un langue serpentine fourchue. Une fois achevée, l’hydre mesure 90cm de long. C’est la plus grande marionnette jamais utilisée par Ray. Son animation est particulièrement ardue : car il faut non seulement mémoriser les phases de mouvement de chacune des sept têtes, mais aussi des deux queues, tout en synchronisant l’ensemble avec les actions de Todd Armstrong/Jason et Gary Raymond/Acaste qui apparaissent en rétroprojection ! Pendant le tournage des images réelles du coup de grâce, Ray a demandé à Todd Armstrong de jeter son épée en avant et de la laisser tomber sur le sol du décor. Au moment de l’animation, la chute de la véritable épée est masquée par la marionnette de l’hydre, et Ray insère à point nommé une épée miniature dans le torse de la bête. La substitution est parfaite.
Un tour de force devenu légendaire
La dernière séquence du film fait partie des plus grandes prouesses de l’histoire des effets spéciaux. Quand Aeetes, le souverain de Colchide, se rend compte que sa précieuse toison d’or a été dérobée par Jason, et l’hydre tuée, il brûle la dépouille de la créature et récupère ses dents. Il intercepte Jason et ses hommes avant qu’ils ne regagnent leur bateau, jette les dents magiques sur le sol, et telles de monstrueuses graines, elles donnent naissance à sept squelettes qui jaillissent du sol déjà armés de boucliers et d’épées, et prêts à en découdre avec les voleurs. Le squelette du 7EME VOYAGE DE SINBAD est incorporé à cette horde et repeint par Ray pour avoir le même aspect que ses six comparses fraîchement fabriqués. Pendant le tournage, la chorégraphie de cette scène est dirigée par le maitre escrimeur Fernando Poggi. Les acteurs et les sept cascadeurs qui jouent les squelettes répètent inlassablement les gestes du combat avant de tourner chaque plan. Les cascadeurs portent des dossards numérotés, car lorsqu’elle est bien apprise, chaque portion de combat est filmée une fois avec les comédiens et les doublures des squelettes, pour fournir à Ray les références de mouvements indispensables. Ensuite, les cascadeurs sortent du cadre, et les acteurs sont filmés seuls, livrant bataille dans le vide, pour obtenir les fonds d’images dont Ray a besoin. Pendant la création des trucages, il anime sept squelettes en synchronisant leurs mouvements avec ceux des trois acteurs rétroprojetés. Même s’il peut se référer aux images des cascadeurs, il doit malgré tout mémoriser les phases des gestes de chacun des squelettes, ce qui l’oblige à rester totalement concentré. Cette tâche est si complexe qu’il ne peut tourner que 13 ou 14 images par jour, à peine plus d’une demi-seconde de film. Il ne vient à bout de la séquence qu’au prix de quatre mois et demi d’efforts. Mais la maestria de cette danse macabre magnifiée par la musique de Bernard Hermann sidère les spectateurs, tout comme les autres morceaux de bravoure du film. Salué par les critiques, JASON ET LES ARGONAUTES se classe au sommet du boxoffice anglais en 1963, mais ne remporte pas le même succès aux USA, car le public américain a vu trop de péplums avec le culturiste Steve Reeves pour comprendre qu’il ne s’agit pas d’une énième série B italienne. Ray est d’autant plus déçu que le comité des Oscars ne nomine pas le film dans la catégorie des meilleurs effets visuels. Cette année-là, c’est CLÉOPÂTRE qui obtient cette récompense, probablement parce que la Fox a usé de son influence pour que cette production qui a failli la ruiner bénéficie de l’effet Oscar et attire de nouveaux spectateurs. L’injustice est flagrante si l’on compare les trucages des deux films, mais l’histoire des Oscars regorge d’aberrations similaires…Si les résultats décevants du film empêchent Ray de développer un projet dédié aux douze travaux d’Hercule, dans sa vie privée tout va pour le mieux puisqu’il épouse Diana le 5 octobre 1963. Et après avoir adapté un roman de Jules Verne, pourquoi ne pas s’attaquer à un récit de son rival anglais, H.G. Wells ?
La suite de la Saga Ray Harryhausen arrivera bientôt sur ESI.