ESI a rencontré Jet Li !
Article Cinéma du Mardi 19 Aout 2008

La superstar des films d’art martiaux est l’empereur aux pouvoirs maléfiques de La momie, la tombe de l’empereur dragon.

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Jet Li a vu le jour le 26 avril 1963 en Chine, à Bejing, sous le nom de Li Lian Je. A la mort de son père, en 1965, sa mère vend des tickets de bus pour subvenir aux besoins de la famille, qui compte cinq enfants. Comme l’argent manque, le petit Li Lian Je décide de s’inscrire dans une école de Wushu (art martial Chinois) qui donne des cours gratuits. Le garçon apprend avec tant d’application qu’il collectionne les diplômes, et participe même à une tournée de démonstration d’arts martiaux dans le monde entier ! Il remporte de nombreuses médailles d'or, devient professeur de whushu à la fin des années 70 et tourne son premier film à 19 ans, en 1982 : Shaolin Temple. La suite fait partie de l’histoire du cinéma… ESI a eu le plaisir de s’entretenir avec Jet Li pour évoquer sa prestigieuse carrière et son rôle d’empereur maléfique dans le troisième opus de La Momie



Comment étiez-vous, enfant, quand vous avez commencé à apprendre les arts martiaux ? Quels étaient vos rêves, les livres et les films que vous aimiez ?

J’ai grandi dans les années 70 en Chine, et j’ai commencé a suivre des cours d’arts martiaux quand j’étais très jeune, dès l’âge de 8 ans. A 11 ans, j’étais déjà un artiste professionnel de cette discipline. Nous nous entraînions huit heures par jour, tous les jours de la semaine. Il n’y avait pas beaucoup de postes de télévision dans les foyers à cette époque-là, et nous n’allions pas souvent au cinéma. Bien entendu, nous n’avions pas non plus les ordinateurs et les consoles de jeux électroniques qui sont arrivées bien plus tard. Moi et les enfants de mon âge, nous vivions comme des petits soldats des arts martiaux ! (rires) Nous ne passions pas beaucoup de temps à rêver, ni à imaginer des choses, car nous nous concentrions sur les leçons et les enseignements de notre professeur. Ma vie d’adolescent a été pareille : beaucoup de travail, et pas beaucoup de place laissée à la rêverie. En tout, j’ai passé dix ans à apprendre les arts martiaux dans mon école de Bejing.

Qu’est-ce que la pratique des arts martiaux vous a apporté, dans votre vie personnelle ?

J’ai appris que le monde avait deux pôles, le Yin et le Yang, et j’ai eu la chance de voyager et de découvrir de nombreux pays, ainsi que des populations, des cultures et des croyances très différentes. C’est très enrichissant car cela vous amène à reconsidérer les points de vue que vous avez. Ce que vous considérez comme positif peut-être considéré comme négatif ailleurs. Il en va de même avec les comportements, les émotions, la manière dont les hommes et les femmes perçoivent différemment les choses. Grâce au cinéma, j’ai voyagé dans plus de 45 pays, dont les sociétés et les styles de vie sont très variés. C’est passionnant de découvrir comment les gens considèrent le monde ailleurs. En dehors de cela, le fait d’avoir étudié les arts martiaux huit heures par jour pendant dix ans m’a permis de travailler ensuite sans difficulté pendant les tournages de mes films. Cela me paraissait facile, quelles que soient les endroits où nous filmions, et quelle que soit la durée de la journée de tournage ! Ça n’était rien comparé à la discipline de fer de l’école ! (rires) Mon corps s’est tellement endurci pendant ma jeunesse que ce travail me semblait aisé.

Rob Cohen nous a expliqué que lui et vous aviez collaboré pendant un moment sur un projet de film intitulé “Le Huitième voyage de Sinbad”, qui a été finalement abandonné par Sony, mais qui a contribué indirectement à faire aboutir le projet de la Momie 3 chez Universal…Pourriez-vous nous parler un peu plus de ce projet de Sinbad ?

Oui, c’est un projet dont Rob et moi avions commencé à parler il y a quelques années, mais il ne s’est jamais matérialisé. Nous ne sommes donc pas allées très loin dans sa conception, ni dans le choix du rôle que j’allais interprêter. Sachant que nous avions travaillé ensemble, Universal a souhaité nous rencontrer pour parler de la Momie 3, et nous avons été très heureux d’entamer une collaboration avec ce nouveau studio. Le tournage de La Momie 3 s’est tellement bien passé que nous avons vraiment envie de retravailler ensemble dans le futur, Rob et moi. Pourquoi pas sur La momie 4, d’ailleurs ? (rires) Rob et moi nous nous entendons aussi bien que deux frères. Même s’il est un réalisateur qui travaille à Hollywood, il a un style proche de celui des réalisateurs de Hong Kong, car il travaille très vite. Il sait très précisément ce qu’il veut, et il a beaucoup d’énergie sur le plateau. S’il y a des changements à faire, nous les faisons très vite, sans perdre de temps. Nous espérons tous les deux renouveler très vite cette bonne expérience.

Pensez-vous que ce projet de Sinbad pourrait aboutir dans le futur ?

Tout ce que je sais, c’est que les droits de Sinbad appartiennent à Sony, et que seul ce studio peut décider ou pas de produire ce film dans les prochaines années.

Dans la tombe de l’empereur dragon, vous incarnez un méchant. Avez-vous pris plaisir à être à nouveau du côté des vilains, comme vous l’aviez fait dans « The One » et dans « L’arme Fatale 4 » ?

Quand on est acteur, on aime bien changer de registre et passer des rôles de héros aux rôles de méchants, pour changer un peu. La momie 3 est une grosse production, et l’occasion de jouer un personnage de vilain aux pouvoirs magiques était trop tentante et trop amusante pour que je puisse la refuser. Plus que l’occasion de jouer un méchant, c’est surtout l’originalité de ce rôle d’empereur maudit qui m’a attiré. Je n’avais jamais eu l’occasion de jouer une créature comme celle-là par le passé, alors que j’ai joué le héros dans plus de trente films. Cela m’a donné la possibilité de faire quelque chose de nouveau.



Que pouvez-vous nous dire à propos de votre personnage ? L’empereur est-il un être complètement maléfique, ou a-t’il quand même quelques qualités en lui ?

Il veut tout contrôler, tout dominer, comme on le voit dans les séquences du film qui se déroulent dans le lointain passé. Et quand il ressuscite, il a toujours le même projet : obtenir le pouvoir absolu. Il a la conviction d’agir pour le mieux. Je ne pense pas au personnage comme à un être mauvais, mais comme à quelqu’un qui a des convictions et qui croit agir pour le mieux, même si cela l’entraîne à commettre des actes très cruels quand il revient, dans les années 40. Il croit être le seul en mesure de contrôler le monde parce qu’il est égoïste et égocentrique.

Comment avez-vous travaillé ce personnage avec Rob Cohen ? Avez-vous suggéré des idées à propos de son apparence, de son costume, de son comportement ?

Oui, nous avons collaboré pour établir toutes les caractéristiques de l’empereur : son uniforme, ses costumes, sa gestuelle, son allure, son style. Nous avons aussi longuement parlé de la manière dont j’allais l’interpréter quand il est un être humain, puis une momie de terre cuite. Nous nous sommes beaucoup parlé au téléphone avant le tournage, puis nous avons continué à approfondir le personnage pendant que nous filmions. Et hier encore, Rob et moi avons doublé certaines parties de dialogue pour les améliorer, et pour changer le son de ma voix.

Dans le film, le nom de l’empereur est Han, mais dans la réalité historique, l’armée de guerriers de terre cuite a été fabriquée à la demande de l’empereur Tsin. Pourquoi le nom de l’empereur a-t’il été changé ?

Nous voulions évoquer le lointain passé de la Chine, sans coller à la réalité historique. Nous avons préféré partir d’un récit purement imaginaire, mais dans lequel on retrouve le style architectural et artistique authentique de mon pays, et quelques petites références à l’histoire. Mais comme il s’agit uniquement d’un conte fantastique, il était préférable de ne pas utiliser un vrai nom d’empereur.

Vous avez déjà joué aux côtés de Michelle Yeoh, dans « Tai Chi Master », mais vous ne vous battiez que très brièvement avec elle, au cours d’une séquence où son personnage est ivre. Dans « La Momie 3 », vous êtes ennemis et vous vous affrontez longuement. Comment s’est déroulé le tournage de ce combat avec Michelle Yeoh ? Combien de temps l’avez-vous répété avec elle ?

Michelle est l’une des plus grandes stars de films d’action et d’arts martiaux et elle a de longues années d’expérience. C’est une partenaire fantastique. C’était très facile de travailler avec elle sur le plateau, car nous nous connaissons très bien et nous apprécions. Nous connaissons par cœur les mouvements des arts martiaux et pour de vieux amis comme nous, se battre est presque un jeu d’enfant ! Le tournage de toute la scène n’a duré que deux jours.

Avez-vous créé la chorégraphie du combat tous les deux, Michelle et vous ?

Nous avons une équipe et nous travaillons toujours ensemble. Notre chorégraphe s’appelle Didi et nous collaborons depuis plus de 20 ans. Quand on prépare un combat comme celui-là, le réalisateur, le chorégraphe et les acteurs se réunissent et conviennent des mouvements et des différentes étapes de la scène. Ensuite on parle de la manière dont elle va être filmée, et des accessoires et éléments de décors dont nous allons nous servir, car il arrive souvent que l’on doive fabriquer des objets truqués qui se brisent facilement. C’est vraiment un travail d’équipe.



Utilisez-vous différentes armes pendant les combats du film ?

Non, juste une épée.

Plaisantiez-vous beaucoup avec Michelle et avec le reste de l’équipe, pendant le tournage ?

Oh oui, énormément. Vous savez, c’est drôle, mais j’ai avec Michelle les mêmes rapports qu’avec un frère, et non pas une sœur. Nous parlons de beaucoup de choses ensemble et nous rions beaucoup. Même lorsque j’ai porté un coup trop loin pendant un combat, et que je lui ai égratigné le nez ! (rires) Comme elle est aussi forte qu’un homme, j’ai oublié de retenir mes coups, ce dont j’étais désolé. Mais elle ne m’en a pas voulu. Avec Brendan Fraser, Maria Bello et Isabella Leong aussi, nous avions des rapports très cordiaux, comme ceux d’une famille. L’ambiance pendant le tournage était à la fois sérieuse et décontractée.

Y-a-t’il des scènes de « la Momie 3 » que vous avez plus particulièrement aimé jouer ?

J’ai pris du plaisir à jouer toutes les scènes, à vrai dire. Aussi bien celles que nous avons filmées à Montréal que celles qui ont été tournées ensuite en Chine. Le film est vraiment spectaculaire et réussi, vous verrez !

Quel a été l’aspect le plus complexe de votre travail sur ce film ?

Oh, comparé à ce que j’ai fait avant dans d’autres film, rien n’a été difficile, ni au niveau du jeu d’acteur, ni au niveau des combats. C’était facile et très amusant.

Quelles sont les différences qui existent entre un tournage de film chinois, américain et français, comme « Danny the Dog » ?

La plus grosse différence vient de la manière dont le travail des équipes de tournage est organisé. En Europe, par exemple, les équipes travaillent neuf heures d’affilée, puis une autre équipe arrive et prend la relève. En Chine, on travaille sans s’arrêter pendant 15 à 18 heures, tandis qu’aux USA, la durée de travail est limitée à 12 heures. Ce sont à chaque fois des conceptions différentes de l’organisation du travail. Pour moi, tourner dans un pays ou dans un autre n’a pas d’importance. Tout ce qui compte, c’est la qualité de l’histoire, les décors dans lesquels on va tourner et le talent du réalisateur.

Vous entraînez-vous tous les jours, pour réussir à accomplir les exploits physiques qui ponctuent vos scènes de combat ?

A présent, je ne m’entraîne plus chaque jour, je me contente de méditer. J’ai été trop souvent blessé pendant les tournages pour m’astreindre à un entraînement aussi intense qu’à mes débuts. Je préfère me reposer et économiser mon énergie !



Quel est l’aspect le plus difficile du tournage d’un combat ? La précision des gestes, la mémorisation du « timing » de la bataille ?

Je crois que l’aspect le plus important, c’est que les gestes et les attitudes du personnage s’intègrent bien dans l’histoire. Une fois que l’on a établi cela et le style général des combats, tout devient plus facile. J’ai 45 ans et je pratique les arts martiaux depuis 37 ans. Je n’ai donc aucune difficulté à mémoriser un combat ou a exécuter des figures même complexes parce que je fais cela naturellement, presque sans y réfléchir, avec la force de l’habitude. Quand vous vous retrouver en face d’un partenaire qui fait tel ou tel geste, vous avez des réflexes quasi-automatiques. C’est comme vous, en tant que journaliste, quand vous écrivez un article : cela vous vient tout seul, alors que ce serait très difficile pour un débutant.

Aimez-vous travailler avec des câbles ? Est-ce une technique difficile à maîtriser ?

Non plus ! Il y a certains styles de combats au cours desquels on utilise beaucoup les câbles, tandis qu’on les emploie moins quand on choisit une autre approche. Il arrive qu’on s’en passe complètement dans certains films. Mais là encore, j’ai tellement utilisé des câbles que cela ne me pose plus aucun problème.

Votre personnage a l’aspect d’une statue de terre cuite au début du film. Quelles sont les procédures auxquelles vous avez dû vous soumettre pour que l’équipe des effets visuels puisse créer votre réplique en 3D, puis votre statue ?

Eh bien j’ai été filmé devant un fond vert, et on m’a demandé de faire certains mouvements pour servir de référence aux animateurs. On m’a également scanné le visage et le corps, et pris des photos numérique et c’est tout. Le reste a été entièrement fait par l’équipe des effets visuels.

Vous faisiez référence tout à l’heure à vos blessures. Combien de fois avez-vous été blessé sur des plateaux de cinéma ?

Je n’arrive même plus à m’en souvenir tant c’est arrivé souvent ! Avant les années 90, j’ai subi sept fractures diverses ! J’ai été beaucoup plus prudent par la suite, mais tout dépend des styles de combat que l’on utilise. Certains sont plus acrobatiques et donc plus dangereux.

Comment s’est passé le tournage du « Royaume interdit » avec Jackie Chan, autre grande star du cinéma chinois ?

Très plaisant. C’est un garçon très agréable et très professionnel, et je me suis bien amusé avec lui. Cela faisait plus de 15 ans que nous avions envie de travailler ensemble et nous y sommes arrivés, mais dans un film américain ! (rires) Nous avons enfin trouvé le script qui convenait et nous avons saisi cette occasion. Qui sait, peut-être même qu’un studio nous proposera un jour de tourner à trois, Jackie Chan, Michelle Yeoh et moi ! (rires)

Pouvez-vous nous parler des deux personnages que vous incarnez dans ce film ?

En fait, il s’agit d’un seul personnage, qui est celui du célèbre roi singe. Il est doté de pouvoirs magiques et il peut adopter 72 apparences différentes, dont celle du moine silencieux, que j’incarne également dans le film. C’est une belle aventure, et je suis très content de ce que le réalisateur Rob Minkoff a réussi à faire.



« La momie 3 » et « le Royaume interdit » sont deux films destinés à un large public. Les avez-vous tournés aussi pour avoir le plaisir de les voir en compagnie de vos deux petites filles ?

Oui. Pour moi, il est important de m’adresser de temps en temps à tous les publics et non pas seulement aux adultes. J’ai emmené mes deux filles et 5 et 8 ans à la première du Royaume interdit, et le film leur a beaucoup plu. Mais en ce qui concerne la Momie 3, j’ai peur que la Momie de l’empereur, avec son visage décharné, et les autres créatures leur fassent un peu trop peur !

Aimeriez-vous tourner dans d’autres films fantastiques dans le futur proche ?

Pourquoi pas ? Mais plus que le genre du film, c’est la qualité de l’histoire qui m’attire d’abord, puis l’ambiance que va créer le réalisateur sur le plateau. Je veux me sentir en confiance quand j’aborde un nouveau projet, et pouvoir compter sur une équipe solide.

Vous n’avez réalisé qu’un seul film, « Born to defense », en 1989. Avez-vous l’intention d’en réaliser un second, un jour prochain ?

Non. Cette expérience m’a permis de me rendre compte que je n’aimais pas du tout réaliser un film ! (rires) Je suis bien plus à l’aise devant les caméras que derrière elles !

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