LE HOBBIT, LA DESOLATION DE SMAUG : Entretien exclusif avec Richard Armitage (Thorin)
Article Cinéma du Vendredi 10 Janvier 2014
Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau
Aviez-vous lu BILBO LE HOBBIT et LE SEIGNEUR DES ANNEAUX pendant votre enfance en Angleterre ? Etiez-vous déjà très familier de l’univers de Tolkien avant que ce projet ne débute ?
Oui, car j’avais étudié le livre à l’école primaire, quand j’avais sept ans. Je l’ai relu un peu plus tard, puis j’ai lu LE SEIGNEUR DES ANNEAUX, et suis devenu un grand fan de cette œuvre. Je me souviens très bien l’avoir lu pendant tout un été. Plus tard, j’ai joué au lycée dans une adaptation théâtrale du livre. Je devais avoir alors treize ans et j’incarnais un elfe ! (rires) Je suis allé aussi au cinéma voir la transposition du SEIGNEUR DES ANNEAUX en dessin animé ( réalisée par Ralph Bakshi en 1978, NDLR), qui ne racontait que certaines parties de l’histoire et qui n’a jamais été achevée. Bien plus tard, j’ai été ravi d’apprendre que Peter Jackson allait adapter Tolkien au cinéma, et j’ai beaucoup aimé sa trilogie. J’ai donc été particulièrement heureux d’être choisi pour jouer dans LE HOBBIT. C’est un privilège. Je devinais ce qu’il allait en faire, et je savais que je pourrais participer à ce projet en toute confiance.
Comment Fran Walsh, Philippa Boyens et Peter Jackson vous ont-ils parlé de l’évolution de Thorin et de la manière dont il est transformé par ses aventures dans ce second épisode ? Comment ses rapports avec Bilbon et les guerriers nains changent-ils pendant cette nouvelle étape de leur voyage ?
Je crois que ce qui est intéressant dans l’évolution de Thorin au cours de ce voyage, c’est qu’il s’isole de plus en plus des autres. Au début de cette quête, il rassemble un groupe de guerriers et s’impose en tant que leader. Mais les évènements auxquels il est confronté le poussent à agir seul, sans faire confiance aux autres nains. Ses rapports avec Bilbon s’en ressentent aussi, mais de manière positive, car il devient le seul compagnon de voyage en lequel il a encore foi. C’est un retournement de situation intéressant, car au début de l’aventure, il considérait Bilbon comme un fardeau inutile. Fran, Philippa et Peter ont tenu à développer beaucoup cette évolution de la relation entre Thorin et Bilbon, et à en décrire les moments les plus complexes et les plus surprenants, jusqu’au moment où la tension atteint un paroxysme. Il a été assez difficile de créer une tension dramatique tout au long des trois films, et particulièrement pour la conclusion du deuxième. Dans cet épisode, l’histoire se focalise essentiellement sur le plan qui vise à débusquer Smaug du palais d’Erebor, creusé dans la montagne. Dans le livre original, Tolkien n’a pas mis Thorin et Smaug en contact l’un avec l’autre, mais dans l’adaptation de Peter, les choses sont différentes, et cette confrontation a bien lieu. Thorin se retrouve face au monstre qui a volé le palais et le trésor de son peuple, et a détruit une grande partie de son pays.
Vous êtes-vous inspiré de vrais gens quand vous avez travaillé ce rôle pour rendre Thorin crédible et montrer différentes facettes de sa personnalité ?
Je n’avais pas une personne précise en tête. Mes références étaient plutôt sensorielles. L’un des personnages qui m’a intéressé pendant que je travaillais ce rôle était celui que joue Marlon Brando dans APOCALYPSE NOW, le colonel Kurtz. Dans le film, il est comme une ombre…J’ai trouvé que c’était une inspiration intéressante pour incarner la descente progressive de Thorin dans la folie, quand il se sent de plus en plus seul et isolé…et que la corruption du pouvoir le guette. Mais au-delà de cela, ma principale préoccupation a été de faire en sorte que les spectateurs éprouvent de l’empathie pour Thorin, qu’ils comprennent ses motivations et qu’ils sentent que ces thèmes sont toujours valides aujourd’hui. L’une des idées que j’avais vraiment envie d’explorer est celle de la corruption que crée la cupidité. Que se passe-t-il quand quelqu’un qui a toujours voulu être riche le devient subitement ? Comment est-ce que cela peut détruire l’âme d’une personne ? J’ai pensé que ces questions pouvaient trouver une résonance dans le public actuel.
Que trouvez-vous le plus attachant dans la personnalité de Thorin, même s’il est généralement assez dur avec ceux qui l’entourent ?
Je crois que Thorin a le mérite de rester toujours loyal, même quand tout se détériore dans son univers personnel. Quand il accorde sa confiance à quelqu’un, comme je le mentionnais au sujet de Bilbon, c’est pour toujours. A moins d’être trahi… Thorin respecte les gens loyaux, et il garde cette valeur au plus profond de lui, même quand il est poussé dans ses derniers retranchements et sombre dans des abîmes de doute et de souffrance. Et même quand il en arrive à renier sa parole et à ne plus agir honnêtement vis à vis de lui-même, il sait encore ce qui est juste ou pas, tout au fond de lui.
Vous aimez créer des personnages travaillés en profondeur, très détaillés. Quels détails spécifiques avez-vous suggéré à Peter Jackson pour ce deuxième épisode ?
Je crois que le thème de la quête nous a particulièrement intéressé. Nous avions envie de savoir pourquoi Thorin éprouvait un besoin aussi viscéral de se lancer dans cette aventure périlleuse. Nous voulions montrer pourquoi il était si important pour lui de reconquérir son royaume pour le rendre à son peuple. Il fallait que l’on sente que c’est ce qui le galvanise dans ce second film, afin de mener ce thème a son aboutissement dans le troisième volet, car vers la fin de l’histoire, il perd de vue sa motivation initiale. C’est la raison pour laquelle nous récapitulons au début du deuxième épisode les motifs pour lesquels Thorin agit : il veut effacer les échecs successifs de son grand-père et de son père quand ils ont régné, il veut libérer le palais d’Erebor, et reprendre le trésor des griffes de Smaug. On revient aussi à cette occasion sur les pouvoirs de la pierre précieuse Arkenstone, le fabuleux joyau qui faisait la fierté de la lignée familiale de Thorin, et qui pourra lui procurer la reconnaissance qu’il désire. La pierre n’est pas réellement magique en fait, il s’agit davantage d’un symbole de réussite et d’un talisman.
Votre combat avec Azog à la fin de l’épisode un était très spectaculaire. Y a-t-il une nouvelle confrontation entre vous dans LA DESOLATION DE SMAUG ? Et si tel est le cas, comment ces scènes ont-elles été répétées et tournées ?
Azog et Thorin ne s’affrontent plus avant la fin du troisième film, dont j’aurai probablement l’occasion de vous parler l’année prochaine ! Mais il continue à nous poursuivre pendant ce deuxième épisode, car Peter a préservé ce fil rouge dans sa narration de l’histoire. Il s’est servi de la description de la bataille de Moria dans les appendices du SEIGNEUR DES ANNEAUX et l’a ajouté au HOBBIT afin de faire avancer l’action de manière dynamique. Le simple fait que les nains soient constamment poursuivis ajoute du suspense à leur voyage. Et Azog a une vendetta personnelle à mener en suivant Thorin : il veut le tuer, exterminer toute la lignée de Durin. Au début de ce nouvel épisode, Azog offre même une récompense à qui lui ramènera la tête de Thorin. On garde donc toujours à l’esprit que le groupe formé par les nains et par Bilbon, n’est jamais totalement en sécurité, car cette force malfaisante suit leurs traces sans répit. Et ce n’est que pendant la bataille des cinq armées que Azog et Thorin seront à nouveau en mesure de se battre. Et à propos de l’autre partie de votre question, sur le tournage du combat du premier épisode, je dois dire que cela a été un processus intéressant, car Azog a été représenté de différentes manières au cours de la production du film. Au début, il devait être incarné par un acteur portant un maquillage et un costume avec une fausse musculature, mais finalement, il a été représenté complètement en images de synthèse. J’ai donc eu l’occasion de me battre avec plusieurs Azogs très différents : avec un « vrai » Azog physiquement présent à mes côtés, avec un Azog joué par un homme portant un costume complètement vert, et avec une balle de tennis plantée sur une tige de bois ! (rires) De ce fait, je me suis surtout représenté la plupart des scènes de combat avec Azog dans ma tête, car je n’ai réellement pu voir sa forme finale qu’au moment où j’ai vu le film pour la première fois. D’ailleurs dans l’épisode un, je ne le combats pas vraiment, car je suis vite mis hors d’état de l’attaquer par l’un des ouargs qui l’accompagnent… J’ai eu cependant l’opportunité de me retrouver physiquement face à lui un peu plus tard, car Weta a fabriqué une statue grandeur nature d’Azog qui a été exposée au Comic-con de San Diego. En me retrouvant à côté de cette statue, j’ai pu figer cette image dans ma tête et cela m’a aidé à jouer les scènes de la bataille des cinq armées, lors du tournage additionnel qui a eu lieu par la suite…
La suite de cet entretien paraîtra bientôt sur ESI !