Reportage sur l'exposition Art of Wall-E : dessins conceptuels
Article Animation du Mercredi 27 Aout 2008

Texte et photos Richard Deniau

Imaginez que vous déambuliez à travers les Halles de Paris, non pas tel David Vincent, par une nuit sombre, le long d'une petite route de campagne, à la recherche d'un raccourci que vous ne trouverez jamais, mais par une belle journée de juin 2008.

Discrètement, "il" a débarqué et vous l'avez vu.

"Il", c'est WALL-E cet étrange petit robot, venu non pas d'une autre planète, mais d'un bond de 700 ans dans un futur problable.

Cela a commencé par un petit écriteau sur le mur d'un magasin Fnac, au 2ème niveau, et vous, qui, de passage, un peu las du chemin parcouru, faites une pause sur le rebord d'un muret. Cela a commencé par votre regard attiré par ce petit écriteau qui vous dit que des dessins de production du film, pas encore sorti en salle, sont visibles au 1er niveau de la Fnac. Votre esprit, éveillé par ce que vous venez de lire, vous pousse à aller faire un tour à cette exposition qui va vous permettre de découvrir le travail d'artistes que l'on a peu l'opportunité de pouvoir apprécier de si près. Maintenant, vous savez et armé de votre appareil photo, il vous faut rapporter un témoignage de ce que vous avez vu...



Un peu d'histoire et de design...

Imaginé par Andrew Stanton, le réalisateur du Monde de Némo, Wall-E, est cette petite machine, qui, depuis 700 ans, nettoie la Terre, devenue une immense décharge, suite à l'abandon de celle-ci par l'humanité. Lorsqu'il eut achevé l'histoire de son poisson-clown, le réalisateur pris un congé et décida de rester dans les locaux de Pixar. Dans le plus grand secret, il élabore alors les 20 premières minutes du film, avec l'aide de 2 storyboarders, qui lui permettent de convaincre les décideurs de le laisser réaliser cette nouvelle histoire.

Si, comme on a pu le lire, le look du petit robot rappelle celui de Johnny 5, le robot du film Short Circuit de John Badham, Stanton s'est en fait inspiré d'une paire de jumelles pour créer son personnage. Celles-ci lui ont permis de trouver les différentes expressions de son héros.

Le travail de conception visuelle a réellement démarré en novembre 2004, par une période de recherche et de tests d'environ 6 à 8 mois, menée par une équipe restreinte composée principalement du réalisateur, du chef décorateur, du directeur de l'animation, du directeur technique ainsi que de quelques animateurs.

Un credo en vogue chez Pixar veut que, concernant ce genre de personnage, c'est la fonction qui conduit au design final. Wall-E est donc un produit de l'industrie du bâtiment, un mini-bulldozer. En la sorte, il est donc pourvu de chenilles de locomotion qui lui permettent de se déplacer en terrain irrégulier. Il possède deux caméras qui lui donnent une vision stéréoscopique ainsi que deux bras, des mini-pelleteuses, afin de pouvoir saisir les objets. Il fut décidé que le robot serait petit, car si, originellement dans l'histoire, ils étaient des centaines comme lui, suite à une erreur informatique, Wall-E s'est retrouvé seul. Comme tout bon matériel industriel, il se devait d'être facilement stockable, il fut alors décidé que le personnage aurait la taille d'une glacière et que son corps tiendrait entièrement dans la caisse métallique.

Les expressions de Wall-E sont représentées par le corps entier : sur son visage, non pourvu de bouche, les deux lamelles de métal, repliées au-dessus des yeux servent à exprimer les émotions, tels des sourcils. De même le fait de jouer avec l'inclinaison des blocs de caméra, de façon latérale, ainsi que le port de tête que ce soit de manière verticale ou horizontale. L'animation du visage est ensuite renforcée par le corps qui est abaissé ou soulevé à l'aide des chenilles. Le robot possède aussi un fonctionnement des bras très original puisqu'il ne possède pas de coudes et que ceux-ci sont demeurés rigides afin de ne pas le rendre trop humain. Seule l'extrémité des mini-pelles peut se plier, ce qui représentait un défi pour le faire interagir avec son environnement, il fut donc décidé que ses bras auraient un axe monté sur un rail horizontal et vertical, lui permettant ainsi de les élever au-dessus de sa tête ou de les abaisser jusqu'au ras du sol.

De son côté EVE, le second personnage principal du film est un robot futuriste. Unproduit de l'industrie de l'aérospatiale. C'est une sonde d'exploration, capable de voler, ses lignes sont donc aérodynamiques et épurées, un design inspiré des produits Apple. A l'inverse de Wall-E, aucun mécanisme n'est visible à sa surface et encore plus que pour le petit robot, l'expression d'EVE a été accentuée sur les yeux. Ces deux formes lumineuses intégrées dans la tête permettent d'exprimer de nombreux sentiments, même s'ils ne sont pas aussi mobiles que des yeux humains. Une expressivité relative renforcée par la position des bras et de la tête par rapport au corps.

Pour chaque robot, les animateurs ont finalement développé très tôt toute une gamme d'émotions à partir des éléments mécaniques de ceux-ci. Ensuite chaque sentiment était décrit sous la forme d'une planche de référence, très importante, du fait de l'absence d'éléments émotifs caractéristiques des humains, tel la bouche ou le nez, tout au long de la création de l'animation. Un défi que les animateurs ont su relever haut la main au vu du résultat final.


Wall e
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Quelques citations de l'équipe à propos du film :

« Depuis le début, je n'ai jamais pu abandonner l'idée que cela devrait vraiment être une histoire d'amour ». Andrew Stanton, réalisateur/scénariste.

« Toute la meilleure animation du monde, quel que soit le volume employé, ne sauvera jamais une mauvaise histoire, ou un mauvais morceau d'histoire. Dès lors que vous avez vraiment une bonne histoire qui fonctionne, cela sera encore 10 à 100 fois mieux lorsqu'elle sera animée et en couleur ». John Lasseter, producteur exécutif.

« Tout le monde dans ce bâtiment était sous l'influence de Star Wars. C'était l'inspiration d'Andrew. Il a dit, "je veux faire R2-D2 : le film." Il aimait tellement R2-D2 qu'il a voulu faire un film avec un personnage comme ça qui ne parle pas ». Jim Reardon, head of story/writer.

« Le design des yeux de Wall-E vient en fait de jumelles. Andrew les a regardé fixement, les a tourné dans l'autre sens et les a regardé à nouveau. Il a alors commencé à les faire bouger et il a été surpris du nombre d'expressions que l'on peut percevoir juste en les faisant bouger de haut en bas. Les animateurs ont ensuite ajouté des petits leviers qui se lèvent, ce qui s'apparentait à des sourcils, puis ils ont constaté qu'ils n'avaient pas besoin de forcer beaucoup dessus. Juste en les prenant et en faisant bouger les yeux binoculaires de haut en bas, ils lui ont donné une grande quantité d'expressions ». John Lasseter, executive producer.

« Wall-E est un robot. Il est fait de métal. Le métal est rigide. Les parties articulées bougent dans leurs rails. Mais ces gars, les animateurs, ont trouvé une façon de le rendre encore plus vivant ». Bill Wise, character supervisor.

« Lors d'une réunion, quelqu'un a dit qu'EVE devrait être comme la colombe dans l'histoire de l'Arche de Noé. Nous avons pensé, "Cela fonctionnera". Nous avons réécris l'histoire afin que son travail soit de rapporter cette plante au vaisseau et d'indiquer qu'il serait enfin sûr de retourner sur Terre ». Jim Reardon, head of story/writer.

« Au début, le film était très fantastique. "Les gélatines" étaient un roi, une reine et leur cour et il y avait un palais dans une bulle géante. Nous avions des ponts suspendus sur 2 miles (env. 3,2 km) et ils semblaient flotter dans l'espace. Nous n'étions pas inquiets de savoir comment la gravité fonctionnait. Mais quand ils sont devenus humains, nous avons du y ajouter des éléments plus humains qui suggéreraient que cette histoire pourrait nous arriver ». Noah Klocek; sketch artist.

« J'ai maintenant un script fini. Mais lorsque j'ai commencé, je me suis demandé, "Comment écris-t'on un script sans dialogue, ou vraiment très peu ?" Ensuite j'ai lu le script d'Alien par Dan O'Bannon. Il l'avait écrit dans cette prose composée de petit bouts de phrases et il utilisait en fait un formatage tourné d'une façon si rafraîchissante que cela vous amenait à vous sentir d'humeur calme et légère. L'intérêt n'est pas de lire un bloc de description et ensuite une ligne de dialogue ». Andrew Stanton, director/writer.

« Wall-E tire son humanité du film "Hello, Dolly !" Ils chantent et dansent, interagissent et se tiennent les mains. "Les gélatines" n'en ont aucune. Ils n'interagissent pas. Ils ne se parlent pas l'un à l'autre. Ils ne se croisent même pas. "Les gels" ont même moins d'humanité que "Hello, Dolly!" ». Noah Klocek, sketch artist.

« Sous certains aspects, le Pilote Automatique est HAL (l'ordinateur doué de sensations dans le film 2001 : l'odyssée de l'espace) pour les gosses. La grande différence entre l'Auto et Wall-E, et finalement EVE et beaucoup d'autres robots, est qu'il ne voit pas de raison de dépasser son programme. Il suit juste les ordres. Wall-E touche tellement les autres robots qu'ils finissent par trahir leur programmation ou aller au-delà de celle-ci, tandis que l'Auto ne le peut pas. C'est son programme ». Jim Reardon, head of story/writer.

« J'ai pris conscience de ce que le film et la prémisse sont pour moi : "l'amour irrationnel défie les vies programmées." Nous tombons tous dans nos ornières. Nous tombons tous dans nos routines, nos distractions et nos automatisations. Il ne suffit juste que d'actes instinctifs de gentillesse, de joie, d'amour, pour vous faire apprécier ce que vous avez ou vous donner envie de sortir de l'ornière dans laquelle vous êtes. J'ai estimé que cette prémisse pourrait s'appliquer à ce que l'état d'humanité était devenu, à ce par quoi Wall-E passait et ce que la vie programmée d'EVE était avant que quelqu'un ne l'éveille ». Andrew Stanton, director/writer.



Si vous souhaitez en savoir plus :
Les éditions Chronicle Books ont édité un superbe ouvrage de 160 pages en Anglais, The art of Wall-E, contenant de nombreux dessins de production, croquis et peintures numériques.

L'exposition Wall-E s'est tenu jusqu'au 30 août 2008 dans les magasins Fnac en partenariat avec la galerie Arludik :
Paris : Fnac Ternes, Forum des Halles, Digitale.
Clermont-Ferrand, Rouen, Toulouse Labège, Strasbourg.

En parallèle, la galerie Arludik a exposé jusqu'au 23 août 2008 les œuvres originales personnelles de 4 artistes des Studios Pixar, ayant participé a la réalisation de Wall-E : Bill Presing, Scott Morse, Enrico Casarosa et Jennifer Chang. Arludik. 12/14 rue Saint Louis en l'Ile. 75004 Paris.


Notes :
Toutes les citations sont extraites du livre The Art of Wall-E et traduites par mes soins.
Les photos présentées comportent de légères différences avec les dessins originaux dues à l'effacement des nombreux reflets de lumières apparaissants lors de la prise de vue.


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