Reportage sur le tournage de GODZILLA - 3ème partie : Entretien exclusif avec le chef décorateur Owen Paterson
Article Cinéma du Jeudi 27 Mars 2014

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Gareth Edwards était son propre chef décorateur et directeur artistique sur son film précédent…

Si je ne me trompe pas, Gareth a pratiquement tout fait sur son premier film, à l’exception de la conception sonore ! (rires) Il est très talentueux. Il était contraint de tout faire par lui-même sur MONSTERS parce qu’il ne disposait que de très peu d’argent pour tourner et pour financer la postproduction de son projet. Ici l’échelle n’est plus du tout la même. GODZILLA est une superproduction et Gareth a dû apprendre à déléguer aux différents chefs de département pour se concentrer sur la réalisation du film. Mais cela ne l’empêche pas de venir voir régulièrement Vicky, Bryan, Warren et tous les artistes qui travaillent sur les illustrations préparatoires des différentes séquences, afin d’interagir directement avec eux directement ou de parler avec moi de l’atmosphère qu’il souhaite créer dans tel ou tel environnement. C’est ainsi que nous avons développé ensemble les concepts visuels des séquences du film, en établissant la manière dont les choses allaient fonctionner au cours de l’action. Certains des décors que nous avons imaginés ainsi sont assez inhabituels. L’un d’entre eux est une caverne qui est en réalité l’intérieur d’une gigantesque cage thoracique. Nous l’avons construite grandeur nature sur l’un des plateaux du studio et vous allez la voir un peu plus tard. Nous avons construit aussi en studio un décor qui devait initialement représenter l’Arctique, mais qui a été finalement transformé en paysage de jungle des Philippines, où un évènement tragique s’est produit. Cela amène nos héros à venir sur place pour y enquêter. Passer d’un décor de glace à un environnement de jungle luxuriante a été une expérience intéressante. Gareth nous a aidé à y parvenir en nous donnant beaucoup d’idées pour transposer différemment les éléments de décor qui allaient servir au déroulement de l’action. Après avoir été contraint de ne compter que sur lui-même pendant la production de MONSTERS, il s’est rapidement habitué à pouvoir s’appuyer sur la collaboration avec les différents chefs de départements du film. En ce qui me concerne, comme je dirige un département qui emploie beaucoup de gens, j’ai besoin d’avoir une vision claire de la volonté du réalisateur, pour pouvoir manœuvrer le gouvernail de mon grand bateau dans la bonne direction. Et Gareth sait très précisément ce qu’il veut, ce qui est très agréable et très rassurant pour toute l’équipe. Cela nous permet de travailler de manière efficace, sans perdre de temps à nous fourvoyer sur des pistes qui seront abandonnées, comme cela arrive quand nous collaborons avec des réalisateurs indécis.

Avez-vous participé à la mise au point du « nouveau look » de Godzilla ?

Non pas personnellement, mais Gareth a eu son mot à dire sur cela. Il a travaillé avec plusieurs designers et ateliers d’effets spéciaux. Mais que les fans de Godzilla se rassurent : ils reconnaîtront bien les caractéristiques de leur monstre favori, et tout particulièrement celles de la version de 1954. Godzilla n’a pas été « réinventé ». Mais les progrès réalisés dans le domaine des effets visuels ont permis de lui donner une apparence beaucoup plus impressionnante et plus dangereuse.

A quel point le film original de 1954 a-t-il été une référence pour vous ?

C’est la genèse du personnage de Godzilla, le moment où tous les éléments fondateurs du mythe ont été réunis. Gareth s’appuie sur ce film pour créer le point de départ d’une histoire plus actuelle et très originale, capable de plaire à un large public tout en satisfaisant les fans.

Vous ne faites pas références aux autres films de la saga ?

Non. Ce serait d’autant plus difficile qu’il y en a eu énormément, et dans des registres assez différents les uns des autres. Gareth et moi sommes allés revoir des épisodes de la saga dans un cinéma local, et notre projet est très différent de ce que l’on pouvait voir dans un film comme KING KONG CONTRE GODZILLA, par exemple. (rires)

Il n’y pas de « Suitmation » dans votre version !

Non, vous ne verrez pas de costumes de monstres animés par des figurants dans ce film ! Même si nous avons beaucoup d’affection pour ces films-là.

Comment définiriez-vous la vision de Gareth Edwards ?

Son film est basé sur la narration d’une histoire émouvante, le destin de cette famille qui a été affectée par des évènements dramatiques. Nous suivons plus particulièrement la trajectoire de Ford, le fils de Joe Brody. Ce jeune homme qui s’est engagé dans l’armée prend beaucoup de risques et consent à beaucoup de sacrifices pour le bien commun. Et ce qui arrive à Brody, à son fils Ford et à sa fille Elle, que joue Elizabeth Olsen, est habilement mêlé aux agissements de Godzilla et des autres créatures dans la trame de l’histoire.

La nature devient-elle folle dans la zone de quarantaine de la région de Tokyo ? Y voit-on des plantes ou des bêtes mutantes ?

Non, car l’approche d’Edward ressemble plus à celle d’un documentariste que d’un auteur de Science-Fiction à l’imagination débridée. Nous avons voulu décrire des choses extraordinaires de la manière la plus crédible possible, dans des lieux qui paraissent réels. Le même principe a été appliqué aux décors des bâtiments militaires. Nous avons reçu le soutien des forces navales aux USA, et c’est ainsi que nous avons obtenu la permission de tourner sur un porte-avion. Nous en avons reconstitué certaines sections en studio, notamment le poste de commandement, mais là encore, nous sommes restés sobres et réalistes.

Avez-vous travaillé sur des environnements « organiques » autour des monstres, comme des tanières, des cocons, ou des sortes de « ruches », puisqu’il est question ici de plusieurs monstres ?

Oui, nous avons effectivement créé ce genre de décors. Et…je n’ai pas le droit de vous en dire beaucoup plus ! (rires)

Allez, faites un petit effort pour les visiteurs d’ESI qui attendent ce film avec impatience !

Bon. Disons que certains de ces endroits se sont formés après que l’homme ait interféré de manière néfaste avec la nature. Et ont permis à ces créatures de se développer puis de surgir hors de ces matrices.

Aimez-vous les monstres ?

Enormément ! C’est la raison pour laquelle j’ai été attiré par des projets de films comme MATRIX ou PLANETE ROUGE. Et aussi pour laquelle j’avais vu à sa sortie et beaucoup aimé MONSTERS, le premier film de Gareth. J’ai trouvé que l’atmosphère qu’il a réussi a créer est fascinante. Vous savez, il y a beaucoup de réalisateurs doués dans ce métier, mais parmi eux, si on a de la chance, on rencontre quelquefois des artistes qui ont une vision extrêmement claire et précise du film qu’ils veulent faire. Et mon expérience m’a appris que c’est avec ces gens-là qu’il faut essayer de travailler à tout prix. Gareth en fait partie. Legendary Pictures est conscient de cela et le soutient dans sa démarche. Et comme le studio respecte sa vision, il nous laisse libres d’agir pour aller pleinement dans le sens de Gareth. Grâce à cela, le travail d’équipe que nous faisons se passe dans les meilleures conditions possibles, et c’est vraiment appréciable.

Owen Paterson nous quitte alors pour superviser des petites modifications dans le décor : des éléments mobiles – carcasses d’autos, petits stands de nourriture - qu’il faut déplacer pour permettre à l’énorme grue sur laquelle est montée la caméra de rouler sans rencontrer d’obstacles sur les rails du travelling posé dans la rue, entre les façades et la première rangée de piliers.

La suite de notre reportage exclusif sur le tournage de GODZILLA paraîtra bientôt sur ESI !

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