GODZILLA : Dans les coulisses d’un remake titanesque. Suite de notre visite du tournage et entretien exclusif avec Aaron Taylor-Johnson (Ford Brody)
Article Cinéma du Mardi 13 Mai 2014

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Aaron, connaissiez-vous l’univers de Godzilla avant de participer à ce projet ?

Non, pas du tout. J’avais un vague souvenir de la sortie de la version américaine des années 90, mais je n’ai vu aucun des films japonais originaux pendant mon enfance.

Comment décririez-vous votre expérience de ce tournage ? C’est la première fois que vous apparaissez dans une superproduction de ce genre.

Même si GODZILLA est un blockbuster, un film de monstres destiné à divertir les gens pendant l’été, ce n’est pas ce que l’on ressent en travaillant avec Gareth. Sa manière de diriger les acteurs m’a fait penser à l’atmosphère intime des tournages de petits films indépendants. Comme nous travaillons avec de grandes caméras 3-D relief, chaque mise en place prend plus de temps, et cela nous laisse aussi la possibilité de répéter davantage les scènes. Certaines des séquences que Gareth a imaginées donnent à cette histoire un impact émotionnel très fort. On s’attache vite aux personnages et comme on a envie qu’ils arrivent à s’en sortir, on est plus impliqué dans le récit que quand on regarde un film qui n’est qu’un festival d’effets visuels.

Les rapports père-fils jouent un rôle important dans cette histoire…

Oui, d’abord parce qu’il y a des tensions entre mon personnage et son père, mais aussi parce que Ford est lui-même père, et qu’il se soucie de ce qui va arriver à son épouse et à leur enfant. Les protagonistes du film sont tous séparés de leurs familles à cause du désordre engendré par les évènements cataclysmiques qui se produisent. Ils aimeraient tous réussir à rejoindre ceux qu’ils aiment pour affronter ensemble cette crise et se protéger les uns les autres. Quand des catastrophes se produisent, les gens essaient de s’entraider du mieux qu’ils le peuvent. Paradoxalement, j’ai eu à jouer des scènes émotionnelles plus fortes et plus complexes dans GODZILLA que dans d’autres films dramatiques. C’était nettement plus intéressant pour moi en tant qu’acteur.

Où en sont les relations de votre personnage avec celui de Bryant Cranston, au moment où se déroulent les scènes que vous tournez aujourd’hui, dans lesquelles vous explorez une zone de quarantaine des environs de Tokyo ?

Après avoir laissé leurs liens se distendre ces dernières années, ils vont apprendre beaucoup de choses l’un sur l’autre en traversant les épreuves de cette aventure, et cela aura des conséquences sur ce qui se passera vers la fin du film. Je ne peux donc pas vous en dire beaucoup plus.

Qu’est-ce qui vous a séduit dans ce projet et comment avez-vous décroché ce rôle ?

Gareth m’a appelé un peu avant Noël 2012 et m’a expliqué qu’il allait réaliser GODZILLA. J’en avais entendu parler, et comme j’avais vu et apprécié MONSTERS, ce projet m’intriguait. MONSTERS m’avait énormément surpris. Je l’avais trouvé très beau, très poétique, et je me demandais comment Gareth aller explorer ce thème des monstres géants d’une autre manière dans GODZILLA. Quand il m’a raconté l’histoire, et ce chemin que font ensemble un père et son fils, ces liens qui se retissent, je me suis dit qu’en plus d’être un bon réalisateur avec un talent visuel évident, Gareth avait aussi une vision très intéressante de la narration de ce projet. Je l’ai rencontré, il m’a montré des prévisualisations de plusieurs séquences, des dessins préparatoires, et nous avons parlé pendant des heures. C’était passionnant. Ce contact m’a permis de me rendre compte que Gareth est un réalisateur qui sait très bien expliquer sa vision du film et vous la faire partager. Il sait établir de bons rapports de travail avec tout le monde, il a les pieds sur terre, et ne triche pas dans sa façon d’être. C’est un garçon enthousiaste, sincère, honnête et humble, dont le but est de réaliser le meilleur film possible. Après cette rencontre, j’ai eu envie de jouer ce rôle, et je ne l’ai pas regretté. Je n’ai jamais vu un réalisateur soumis à autant de stress garder à un tel point son calme et sa sérénité ! Il abat un travail phénoménal sans se plaindre ni en faire tout un plat. Et quand un problème se pose, il le résout sans blâmer ses acteurs ni son équipe technique. C’est vraiment un gentil garçon.

Mais malgré ce que vous venez de nous expliquer, y a-t-il malgré tout au fond de vous une petite crainte quand vous pensez au fait que l’un des personnages principaux du film mesure 141 mètres de haut, et que c’est en grande partie pour lui que le public va se déplacer dans les salles ? N’avez-vous pas peur d’être un peu éclipsé par cette « mégastar » ?

Non. C’était effectivement ma crainte initiale, mais elle s’est dissipée en rencontrant Gareth et en lisant le scénario. Ce n’est pas un GODZILLA comme les autres que l’on a vus. La vision de Gareth va faire toute la différence. Et il a assemblé une équipe technique et artistique formidable autour de lui. Seamus McGarvey, notre directeur de la photographie, a un talent fou. Ses images sont magnifiques. Il sait créer une ambiance prenante, mystérieuse. Et que dire du casting ! Quand on voit que Lizzie Olsen, Bryan Cranston, Juliette Binoche et David Strathairn ont accepté de jouer dans ce film, je crois que cela prouve clairement que la personne qui le réalise a une vision qui dépasse ce que l’on a pu voir auparavant dans les films de monstres géants. Parce qu’un film comme GODZILLA entre dans la catégorie des blockbusters, cela ne signifie pas pour autant que ce sera un divertissement bas de gamme. Et le fait de jouer un second rôle dans ce projet ne me dérange pas du tout.

Avez-vous vu beaucoup de films de la série des GODZILLA produits au Japon par la Toho ?

Avant de me lancer dans ces recherches, j’ai d’abord voulu en savoir plus sur la vision de Gareth, car partir dans une mauvaise direction n’aurait servi à rien. Après l’avoir rencontré et compris dans quel esprit ce film était fait, j’ai vu le GODZILLA original de 1954, le tout premier. C’est cet épisode initial qui a servi de base au scénario de celui-ci. L’aspect de notre nouveau Godzilla est assez proche de celui de sa première apparition sur le grand écran, et il a été totalement validé par l’équipe de Toho qui travaille avec nous au jour le jour sur ce film.

Est-il difficile de travailler en faisant semblant de voir des créatures qui sont entièrement générées en images de synthèse ?

Non, pas vraiment, parce que ce film n’a pas été tourné souvent sur des fonds verts. Presque tout a été filmé soit en studios avec de vrais décors, soit en décors extérieurs comme aujourd’hui. Comme le plan que nous tournons en ce moment débute par un grand mouvement de caméra montée sur grue, j’imagine que les décors japonais qui se trouvent autour de nous seront combinés avec un panorama beaucoup plus vaste de ruines réalisées en images de synthèse. Mais comme vous pouvez le constater, l’environnement immédiat est si détaillé que l’on n’a aucun mal à s’imaginer être dans une zone de quarantaine, dans un quartier abandonné des environs de Tokyo. Cette manière de tourner en transformant des environnements réels est typique de la vision de Gareth, car il a réussi un véritable exploit en réalisant MONSTERS avec un budget minuscule et énormément d’astuces. Avec un tel décor, nous les acteurs, nous avons largement de quoi faire travailler notre imagination. Et quand nous sommes sensés voir des monstres, Gareth nous en dit assez pour nous permettre de visualiser ce qui est sensé se passer.

Pouvez-vous nous en donner un exemple concret ?

Volontiers. Il y un plan dans lequel une créature est sensée se déployer et passer au-dessus de moi. Dans ce cas-là, j’ai demandé à Gareth quelle était sa taille, et il m’a répondu « Oh, environ 92 mètres de hauteur et de largeur » (rires). Je me suis donc rendu compte que cette bête allait occuper tout mon champ de vision. Ensuite Gareth m’a décrit les mouvements des pattes du monstre et la direction dans laquelle il avançait, puis je lui ai demandé ce que j’étais sensé ressentir à ce moment-là. Etait-ce juste un choc du à la surprise ? Ou de la peur panique ? Nous avons exploré ensemble les différentes sortes de réactions que pourrait avoir Ford, car Gareth aime beaucoup collaborer ainsi avec ses acteurs, en étant ouvert à leurs suggestions, et en réfléchissant aux options possibles. Mais à partir du moment où vous êtes capable de faire fonctionner votre imagination, vous savez assez vite comment votre personnage pourrait réagir en voyant une telle créature.

Mais plus précisément encore, Gareth vous montre-t-il les prévisualisations de la scène quand vous devez avoir des interactions avec les créatures, ou quand vous vous retrouvez dans une scène d’action, au cœur d’évènements de grande ampleur ?

Oui, il peut le faire car l’intégralité du film a été préparée ainsi, sous forme de prévisualisations animées en images de synthèse schématiques. Cependant il ne faut pas oublier que ces prévisualisations ont été réalisées pour servir de références aux équipes des effets spéciaux et des effets visuels, pas pour être reproduites forcément à la lettre quand il s’agit de scènes dramatiques que vont interpréter les acteurs. Je n’éprouve pas forcément le besoin de les voir, car les indications de jeu et de mise en scène de Gareth suffisent dans la plupart des cas, et aussi parce que les images de previz peuvent aussi limiter votre propre manière de visualiser la séquence. Dans les préviz, les effigies de nos personnages sont animées de manière basique, et n’ont strictement aucune réaction, aucune expression faciale. C’est un outil très utile pour les départements des décors, des prises de vues et des effets techniques, en tous cas. D’ailleurs c’est la première fois que je joue dans un film qui a été entièrement prévisualisé. Visionner cette préviz est une expérience assez étrange, car tout le film est déjà là, mais sous une forme éthérée, esquissée, où il manque l’essentiel : la vie qu’apportent les vrais personnages.

Comment se passe votre collaboration avec Bryan Cranston ?

Il est incroyable. Extrêmement professionnel. C’est l’un des meilleurs acteurs avec lesquels j’aie joué. Il a une capacité hallucinante à entrer instantanément dans son personnage dès que l’on crie « Action ! » Il dégage aussitôt énormément d’émotion. C’est hallucinant à voir. Et dès que l’on entend « Coupez ! », il redevient lui-même et lance des plaisanteries. Il est charmant, extrêmement gentil avec tous les membres de l’équipe. Il adore son métier et on sent qu’il aime être sur un plateau de cinéma et qu’il se délecte quand il interprète son personnage. Jouer avec lui est un vrai plaisir, et j’apprends énormément en le voyant faire. C’est ce qui permet de ne pas se lasser quand on tourne encore et encore le même plan sous différents angles. On saisit l’opportunité de faire encore mieux, parce que l’on ne peut qu’être inspiré par le talent de Bryan quand on a la chance de le côtoyer et de lui donner la réplique. Cela m’incite à tenter de nouvelles choses, pour offrir encore plus d’options d’interprétations de cette scène à Gareth quand il devra choisir celle qu’il retiendra au moment du montage.

Avez-vous du vous préparer physiquement avant d’entamer ce tournage ? Vous incarnez un officier parachutiste, un militaire surentraîné…

Oui, je joue un lieutenant de la marine, un E.O.D. – pour Explosive Ordonnance Disposal – autrement dit un expert en désarmement de bombes. Je me suis entraîné sous la supervision d’un sergent major des Marines, Jim Deever, qui est intervenu en tant que conseiller militaire sur des films comme BLACK HAWK DOWN, X-MEN LE COMMENCEMENT ou tout récemment MAN OF STEEL. Il a entraîné aussi tous les soldats que l’on voit à l’arrière-plan des grandes scènes de combat. Jim vous apprend comment tenir une arme, comme faire feu, comment vous déplacer en mission de reconnaissance, etc. Il a fallu que je reste en bonne forme physique pour pouvoir incarner mon personnage de manière crédible.

Vous abordez une nouvelle partie de votre carrière avec un film de ce registre…

Oui, c’est vrai. Et je suis content de l’opportunité que m’ont offert Legendary Pictures et Warner de participer à ce projet : c’est un genre cinématographique et un type de rôle nouveaux pour moi et j’apprécie cette collaboration avec ces deux studios. Leurs équipes sont présentes sur le tournage toute la journée. Ce sont des gens très créatifs, très intéressants, avec lesquels il est stimulant de travailler. Je suis flatté et heureux qu’ils m’aient proposé de faire partie de leur équipe, et de participer à un projet de cette envergure.

La suite de ce dossier colossal paraîtra bientôt sur ESI !

[En discuter sur le forum]
Bookmark and Share


.