GODZILLA - Suite de notre visite du tournage et entretien avec le producteur Alex Garcia
Article Cinéma du Dimanche 18 Mai 2014

A présent que le très long convoi ferroviaire est passé, Gareth Edwards nous quitte, car il est à nouveau en mesure de tourner le plan suivant. Nous le laissons travailler et quittons ces décors extérieurs pour nous rendre dans les studios implantés dans le quartier appelé Canadian Motion Picture Park. Plusieurs d’entre eux appartiennent au groupe Barnaby, dont le fameux Mammoth Studio situé à 40 kilomètres au nord de Vancouver, dans lequel se trouve le plus grand plateau de la région. Nous entrons dans le premier bâtiment pour découvrir le décor de la maison de Joe Brody. Les lieux sont sensés avoir été abandonnés depuis 1999, et sont situés dans la zone de quarantaine que Bordy et son fils traversent dans la scène que nous avons vue tourner aujourd’hui. Les pièces sont envahies d’herbes folles et les meubles et accessoires savamment vieillis, décolorés et recouverts d’une poussière grisâtre. Ernie Malick, le représentant de la production, nous explique qu’Il y a quelque chose dans cette maison que Brody veut récupérer à tout prix pour prouver que la théorie qu’il avait échafaudée quinze ans plus tôt était juste. Après être revenus dans cette maison, Brody et son fils sont arrêtés par la police pour avoir enfreint l’interdiction de pénétrer dans la zone mise en quarantaine. Cette scène sera tournée un peu plus tard dans la journée, sur ce plateau. Ernie Malick nous précise que deux semaines avant, le même décor représentait la maison en parfait état, et avait servi à tourner les scènes de flashback se déroulant en 1999. Nous passons ensuite à un autre plateau et un autre décor, le vaste pont de commandement du porte-avion USS Saratoga, avec ses consoles, ses écrans géants, ses différents postes de pilotage, de détection radar, et de commande des armements. Le soin apporté aux moindres détails est tel que dans les étagères, les classeurs sont réellement remplis de documents de la marine américaine ! Après avoir observé tout cela, nous retrouvons les producteurs Alex Garcia et Mary Parent dans les bureaux du service de décoration et de direction artistique du film. Nous entrons dans une grande salle dont les murs sont couverts de dessins préparatoires impressionnants qui témoignent de l’ampleur des séquences d’action qui ont été prévues par Gareth Edwards. Les quelques dessins qui représentent Godzilla en action prouvent que les caractéristiques traditionnelles du personnage ont été respectées : les grandes plaques dorsales, les proportions du corps et de la queue, les pattes massives, le museau, le regard avec les arcades sourcilières froncées, etc. Une série de maquettes est disposée au centre des lieux, sur de grandes tables. Alex Garcia entreprend de nous présenter la démarche de création visuelle des décors et des scènes du film.

Entretien avec Alex Garcia

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Comment décririez-vous l’approche artistique du film et les indications principales qui ont été données aux artistes qui ont travaillé avec Gareth Edwards et le chef décorateur Owen Paterson ?

Gareth leur a décrit son intention de traiter le film de manière réaliste, tout en rendant hommage à la saga de Godzilla et à ses racines historiques. Par exemple, sur les illustrations que vous voyez ici, nous jouons avec l’idée que les tests atomiques qui ont eu lieu au Japon en 1954 n’étaient peut-être pas de simples tests, mais en réalité une tentative de tuer Godzilla, qui était déjà repéré par les autorités à cette époque, mais dont l’existence était gardée secrète. Après cette première séquence qui se déroule en 1954, nous nous retrouvons en 1999 et nous faisons connaissance avec une famille américaine installée au Japon, celle de Joe et Sandra Brody, qui travaillent tous les deux dans l’industrie nucléaire, et de leur fils Ford, qui a 11 ans à l’époque. Ils vivent dans une maison japonaise traditionnelle, et sont heureux de la vie qu’ils mènent là, car leur métier les passionne. Malheureusement, un tremblement de terre se produit, et va endommager gravement la centrale alors que Sandra se trouve à l’intérieur des parties qui sont contaminées. Elle va être mortellement irradiée. Joe Brody va survivre à cette catastrophe, mais ce drame va marquer sa famille à jamais et changer sa relation avec son fils. Pendant la catastrophe, Brody est bien conscient que les secousses sont bien trop régulières pour être dues à un tremblement de terre. Il essaie de le dire, mais personne ne l’écoute. Et c’est pour cela qu’il va revenir sur les lieux, bien plus tard, pour trouver les preuves que la version officielle des faits a été falsifiée. Cette démarche de Brody, sa lutte pour découvrir la vérité en dépit d’un complot orchestré par les autorités gouvernementales de plusieurs pays est ce qui rapproche Brody du héros de RENCONTRES DU TROISIEME TYPE, qui refuse de croire aux mensonges diffusés par les autorités. Ce thème de la conspiration est central dans notre film. Et effectivement, quand Brody retrouve ce qu’il cherchait dans la zone de quarantaine, il obtient la preuve qu’il avait raison depuis le début. Et l’action du film démarre vraiment à partir de là.

Cette illustration très impressionnante représente une caverne géante dont les parois sont cerclées par des os, par une cage thoracique colossale…

Oui, c’est ce que l’on découvre dans le film, dans la partie du récit qui se déroule à l’époque actuelle. C’est la première preuve concrète que trouve le personnage de savant qui est interprété par Ken Watanabe. Son personnage a une théorie que peu de gens ont écouté jusqu’à présent : il a trouvé des indices selon lesquels des créatures géantes auraient survécu à l’extinction des dinosaures, après la fameuse chute de la météorite qui a bouleversé le climat, et donc modifié toute leur chaîne alimentaire. Et cette grotte est la preuve qu’il avait vu juste, car cette cage thoracique géante ne correspond à celle d’aucun animal connu. Nous avons construit ce décor grandeur nature sur un plateau que nous allons vous faire visiter. Il y a un moment du film où Daisuke Serizawa, le personnage de Ken Watanabe, est appelé dans les Philippines, sur le site d’une mine où un éboulement majeur s’est produit. Quand il se rend sur place en compagnie du Docteur Wates que joue Sally Hawkins, ils découvrent que toute cette zone dégage de fortes radiations, et en pénétrant dans la caverne sous l’éboulement, ils mettent un moment avant de comprendre qu’il s’agit des restes d’un animal colossal et que les formes qui longent les murs sont des côtes de plus de 25 mètres de hauteur. Toute la caverne est formée par la cage thoracique et le reste du squelette d’une énorme créature. Ils découvrent aussi d’autres choses dans ces lieux, mais vous les découvrirez en voyant le film.

Ces autres dessins représentent les décors militaires dans lesquels évolue Ford, le fils de Brody…

Oui, quand nous le découvrons adulte dans le film, Ford revient d’une mission assez longue, et se rend au Japon pour y voir Joe, son père, car il a envie de renouer avec lui. Quand il le retrouve, il constate que Joe est toujours aussi déterminé à trouver la vérité sur les évènements qui se sont déroulés il y a 15 ans. Et c’est pour cela, pour tenter de l’apaiser, que Ford va accepter d’aller avec lui dans la zone de quarantaine. Pour réussir à y accéder malgré les nombreux barrages de police, ils vont se fabriquer des tenues anti-radiations bricolées, porter des masques pour filtrer l’air, utiliser un petit bateau et passer par la côte. Ils accostent près d’un village de pêcheurs abandonné, et le traversent pour accéder au quartier où ils vivaient. Nous allons ajouter les ruines de la centrale nucléaire dans les plans larges des décors extérieurs que vous avez vus ce matin. C’est juste après que Brody va récupérer les données qui se trouvent dans les ruines de l’ancienne maison familiale, car il avait équipé son bureau avec plusieurs systèmes de détection reliés à son ordinateur. Tout a été enregistré sur disquettes.

Il y a beaucoup d’images de références qui décrivent de vrais environnements militaires…

Oui, car plusieurs scènes importantes impliquent l’armée et la marine, notamment à bord du porte-avion USS Saratoga. Owen Paterson et son équipe ont fait un travail de reconstitution incroyable qui a bluffé les militaires qui sont venus voir nos décors. Ils ont été particulièrement impressionnés par celui du pont de commandement, car quand tous les écrans de contrôles fonctionnent, il semble réel. Nous avons envoyé une de nos équipes de tournage filmer des plans sur des bases militaires, sur plusieurs porte-avions et dans les infrastructures militaires de Hawaï. Elle a également fait là-bas des prises de vues de l’aéroport, car une scène importante avec Godzilla et une autre créature se déroule sur le tarmac.

On peut noter que les représentations de Godzilla sont différentes d’une illustration à l’autre, même si elles présentent toutes les attributs de son aspect classique…

Effectivement. Toutes les illustrations préparatoires des séquences que vous voyez réunies dans cette salle ont été réalisées très en amont, et parallèlement au travail de design de Godzilla et des autres créatures. C’est ce qui explique ces variations d’aspects que vous retrouverez aussi dans les séquences de prévisualisation que nous allons vous montrer. Gareth avait même commencé à produire des dessins de son côté avec un artiste qu’il avait engagé avant que la préproduction ne débute. Comme vous pouvez le voir dans cette illustration où Godzilla approche d’un rivage, entouré par l’armada de la marine sur l’océan et des tanks sur la plage, Gareth voulait faire ressortir sa taille gigantesque. Ces toutes premières illustrations ont été très utiles pour établir cela, elles nous ont suivi pendant le développement, et elles ont servi dans le film.

Parlez-nous de cette séquence avec un convoi militaire ferroviaire, qui semble être l’un des moments forts du film à en juger par tous les dessins affichés ici…

Elle se déroule à un moment du récit où l’armée est obligée d’utiliser un train pour transporter des armes, car c’est le seul moyen d’éviter les créatures. Ford fait partie des soldats qui escortent le train, et cette scène débute quand le convoi arrive dans une région montagneuse et s’apprête à traverser un tunnel pour passer sur un pont très haut qui enjambe une rivière. Le train s’arrête devant l’entrée du tunnel, car la division a reçu un message selon lequel une créature serait dans les environs. Ford et un de ses camarades traversent le tunnel et arrivent sur le pont pour observer le paysage, et ce qui se passe après, vous le verrez dans la prévisualisation ! Mais je peux vous dire que Ford va avoir ensuite l’occasion de traverser d’autres parties des USA qui ont été ravagées par les monstres.

La bataille entre Godzilla et une autre créature à San Francisco promet d’être très spectaculaire, à en juger par ces autres images des destructions provoquées par les kaijus…

Oui, le chaos résulte non seulement de ces destructions, mais aussi d’une autre caractéristique des créatures qui empêche les humains d’utiliser leur technologie, car toutes les machines cessent de fonctionner. C’est l’une des raisons qui pousse les militaires à stopper leur tentatives de s’approcher des monstres depuis le sol, car cela ne marche pas. Ils décident donc que le seul moyen valable de les approcher consiste à arriver par le ciel, en haute altitude, et à employer des commandos de parachutistes. Ford va se joindre à cette mission et vous allez également voir ce que cela donne en prévisualisation.

Sur ces dessins, on voit qu’une partie des scènes de San Francisco se passe dans le quartier de Chinatown.

Effectivement. Il y a un moment dans le film où l’on assiste à un énorme effondrement de terrain à Chinatown, qui crée un vaste cratère. Les militaires sont contraints de descendre dans la cavité qui s’est formée pour y rechercher quelque chose qui pourrait les aider à combattre les créatures. Ils traversent ce paysage infernal pour y parvenir. La maquette que vous voyez ici représente l’intégralité de la cavité, mais nous n’en avons construit qu’un petit bout grandeur nature, et ce « petit » bout de décor remplissait un plateau géant.

Vous parliez tout à l’heure des équipes de tournage additionnelles. Dans combien de lieux différents ont-elles tourné ?

Eh bien en plus des porte-avions et des sites de Hawaï dont je vous parlais, elles ont tourné aussi à San Francisco, à Las Vegas, et ont participé aux prises de vues aériennes du saut en parachute dont vous allez voir la prévisualisation.

Pourriez-vous nous parlez du travail de Seamus McGarvey, le directeur de la photographie qui va contribuer à transposer tous ces superbes dessins en images du film ?

Seamus a une personnalité artistique très forte et une grande versatilité dans son registre de travail. Il a été nominé récemment aux Oscars pour son travail superbe sur ANNA KARENINE. Et juste après avoir terminé ce film d’époque, il a tourné AVENGERS avec Joss Whedon. Il est passé de l’atmosphère romantique d’un film en costumes d’un budget de 20 millions de dollars à une superproduction de 200 millions de dollars avec d’incroyables batailles de superhéros. Il sait parfaitement passer d’une scène intime à une séquence à grand spectacle, et cela convenait parfaitement à notre projet.

La suite de ces révélations de taille « Godzillesque » paraîtra bientôt sur ESI !

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