GODZILLA : Suite de notre visite du tournage et entretien avec la productrice Mary Parent
Article Cinéma du Vendredi 23 Mai 2014

Alex Garcia et Mary Parent nous accompagnent dans une salle de montage où nous attend Bob Ducsay, monteur attitré et associé de longue date de Stephen Sommers, avec lequel il a co-produit LE RETOUR DE LA MOMIE, VAN HELSING et LA MOMIE, LA TOMBE DE L’EMPEREUR DRAGON, sur le tournage duquel nous l’avions rencontré à Montréal, il y a quelques années de cela. Bob Ducsay nous accueille chaleureusement et lance le visionnage du teaser créé par Gareth Edward lui-même pour le Comicon de San Diego, avec des plans d’effets visuels d’immeubles troués, d’un train disloqué et éparpillé comme un jouet, et un plan final extrêmement impressionnant où l’énorme silhouette de Godzilla bouge entre des gratte-ciels en faisant virevolter d’épais nuages de poussière. Mary Parent nous apprend que ces effets visuels-tests créés par le réalisateur pour titiller l’impatience des fans seront bel et bien incorporés dans le film. Tant mieux, ils le méritent ! Nous passons ensuite à la projection des prévisualisations de deux séquences complètes : le saut en parachute au-dessus de San Francisco, et le moment où Ford escorte un train de transport militaire. Dans la première scène, ce qui frappe d’emblée, dès que l’on se trouve aux côtés des parachutistes, dans la soute de l’avion, puis pendant leur saut, c’est l’utilisation extrêmement judicieuse de la musique de György Ligeti (1923-2006), compositeur roumano-hongrois que Stanley Kubrick a rendu célèbre auprès de millions de cinéphiles en utilisant ses œuvres dans 2001, L’ODYSSEE DE L’ESPACE, SHINING, et EYES WIDE SHUT. En reprenant LUX AETERNA et ses arabesques de voix qui semblent exprimer la présence d’une force inhumaine, implacable, invincible, Gareth Edwards nous donne l’impression qu’en sautant dans le vide, au-dessus d’une masse nuageuse impénétrable, traversées de lueurs d’explosions qui laissent présager l’étendue colossale des destructions, ce groupe de parachutistes se dirige inexorablement vers l’enfer matérialisé sur terre. Les soldats frôlent les masses énormes des deux monstres occupés à s’affronter, passent à côté des plaques dorsales de Godzilla, puis parviennent à se poser dans les rues à côté de ce champ de bataille hallucinant. Le personnage de Ford Brody atterrit dans un rue à quelques centaines de mètres d’une artère plus grande ou l’ennemi de Godzilla s’est retranché. C’est extrêmement impressionnant non pas à cause d’un déluge de plans choc, mais bien au contraire de la retenue de la mise en scène, qui prend le temps de nous montrer les choses comme si elles se déroulaient dans la réalité tout en exprimant le ressenti des protagonistes grâce à la musique choisie avec une grande intelligence. On retrouve la même sobriété dans la séquence du train qui suit. Comme Alex Garcia nous l’avait expliqué, Ford Brody et un autre soldat traversent le tunnel et examinent le pont pour vérifier si le train peut passer. Le paysage montagneux est embrumé, et devant eux émergent alors la silhouette d’un monstre qui n’est pas Godzilla, mais une créature plus insectoïde, qui se déplace sur quatre longues pattes. Les deux soldats se figent alors que le monstre enjambe le très haut pont pour continuer à avancer dans la vallée. En regardant son ventre translucide, les soldats remarquent des sortes d’œufs luminescents. Les deux hommes font demi-tour pour essayer de se réfugier dans le tunnel, mais découvrent alors que le train se dirige droit vers eux, et qu’il est en flammes ! Bloqués d’un côté par le monstre et de l’autre par le train qui arrivent, ils se figent un instant. C’est alors que la patte du monstre s’abat sur le pont en fauchant le camarade de Ford, et en faisant tomber la locomotive dans le vide. Ford n’hésite plus : il prend son élan et saute dans la rivière en contrebas. Dès qu’il se retrouve dans l’eau, il nage le plus vite possible pour s’éloigner des wagons qui continuent à tomber dans l’eau. Tout le convoi est anéanti, et quand les lumières se rallument, nous reprenons la conversation avec Mary Parent.

Entretien avec Mary Parent

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Les séquences de previz que vous venez de nous montrer sont extrêmement impressionnantes, et prouvent que l’approche à la fois poétique et effrayante très particulière de Gareth Edwards, qui nous avait tant plu dans MONSTERS, est encore bien présente dans GODZILLA. Il a réussi à créer des interactions efficaces et pleines de suspense entre les minuscules humains et les gigantesques créatures, ce qui n’était pas facile à réussir, compte tenu de leur différence de taille…

Oui, c’était l’un des défis à relever dans ce film, imbriquer constamment ce que font les personnages humains que nous suivons avec les conséquences des agissements des créatures. Gareth a beaucoup travaillé en ce sens, car l’un des problèmes des anciens films de la série GODZILLA, c’était que les deux sortes de séquences – le développement des personnages humains et les combats entre les monstres – étaient nettement séparées. Il y avait très peu d’interactions. Gareth n’a jamais perdu de vue les personnages humains, tout en concevant des scènes d’action très spectaculaires avec les créatures. Une de ses réactions en dit long sur ce sujet. La semaine dernière, après avoir tourné des scènes dramatiques avec Bryan Cranston et Aaron Taylor-Johnson toute la journée, Gareth a pu découvrir les premiers rendus préliminaires de Godzilla. Et il a réagi en disant, à demi-sérieux « Bon sang ! J’avais presque oublié que l’on faisait un film avec lui ! » (rires) Il s’était totalement focalisé sur les personnages humains. Son talent pour imaginer aussi des scènes de grande envergure lui servira énormément pendant sa future carrière de réalisateur, car il y en a peu qui sont capables d’une telle versatilité. Je pense que Godzilla va lui servir à prouver qu’il est en mesure de diriger n’importe quel type de film, quelle que soit la modestie ou l’ampleur du sujet.

On pouvait craindre que sa personnalité se perde dans l’énorme machinerie d’une superproduction, mais Godzilla ressemble bien à ce que l’on pouvait espérer du réalisateur de Monsters, travaillant avec un budget de 200 millions de dollars.

Merci ! Je suis heureuse que vous pensiez cela. Gareth aime tellement Godzilla que chaque jour, en arrivant sur le plateau, son but est de rendre justice au personnage.

Après 60 ans d’existence du personnage, 28 productions japonaises et le remake de Roland Emmerich, personne n’avait encore pensé à cette idée de parachutistes sautant au-dessus des créatures pour s’approcher au plus près du champ de bataille. C’est remarquable d’avoir réussi à trouver une idée aussi originale, qui fonctionne si bien.

Je crois que la force de cette idée repose sur plusieurs niveaux de perception : d’abord, en la découvre en point de vue subjectif puisque la caméra nous montre soit ce que voit Ford, soit reste aux côtés des parachutistes en chute libre. A partir du moment où ils sautent, leur descente est inéluctable, et le suspense se crée. On voit d’abord ces belles images des fusées éclairantes qui sont fixées à leurs pieds et qui laissent des traînées de fumée rouge sur leur passage pendant qu’ils traversent les nuages gris, puis quand ils se rapprochent du sol, on découvre le combat apocalyptique qui se passe en bas et la taille énorme des monstres, et on se dit « Mon dieu, mais ils vont tous se faire tuer en allant là ! » Le spectateur qui pourrait se contenter d’observer une telle scène avec distanciation est immédiatement impliqué, parce qu’il saute littéralement avec les personnages, et découvre avec eux l’étendue du danger qui les menace.

Vous disiez que Ford est également impliqué dans la scène de l’aéroport d’Hawaï…

Oui, il se trouve dans le monorail qui dessert les terminaux quand une des créatures arrive sur l’île. Mais il y a aussi toute une partie du film avec Elisabeth Olsen, qui joue Elle Brody, l’épouse de Ford. Avant que ces évènements ne se déroulent, elle tentait de resserrer les liens entre Ford et son père afin d’apaiser leurs relations. Mais quand le chaos survient, sa famille est séparée. Elle se retrouve seule avec son enfant, et ne sait pas où se trouvent Ford et Joe Brady. Je pense que le public retiendra son souffle en espérant que toute cette famille s’en sorte.

La suite de ce Dosszilla paraîtra bientôt sur ESI !

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