Entretien exclusif avec Avi Arad et Matthew Tolmach, les producteurs de THE AMAZING SPIDER-MAN 2 , LE DESTIN D’UN HEROS - 3ème Partie
Article Cinéma du Mardi 27 Mai 2014

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

A propos de technologie, parlons de l’évolution des effets qui permettent de montrer les déplacements aériens de Spider-Man. Les images que nous avons vues de cet épisode sont encore plus convaincantes que celles des volets précédents. Elles semblent plus réalistes, mieux intégrées aux scènes. Comment vos équipes chargées des effets spéciaux et des effets numériques ont-elles obtenu ces résultats ?

Matthew Tolmach : C’est un processus qui s’explique de deux manières. Il y a d’abord l’évolution des technologies de simulation 3D en elles-mêmes, qui sont de plus en plus perfectionnées, et ensuite, il y a toute l’expérience accumulée par nos équipes en une douzaine d’années passées avec Spider-Man. Les artistes, les techniciens et les animateurs de Sony Imageworks font partie des meilleurs au monde, et leur travail se perfectionne de film en film. Désormais, Marc a une vision plus fluide de la manière de mélanger les effets aux prises de vues réelles…

Avi Arad : …et Andrew Garfield s’est entraîné pour devenir un véritable athlète, et pour faire la majorité de ses cascades.

Matthew Tolmach : Les effets sont portés par un traitement dans lequel il y a plus d’humour, et cela compte aussi. Peter est heureux d’être Spider-Man, et il s’amuse à se moquer de ses ennemis et de lui-même, comme dans les comics. A mon sens, le changement principal tient surtout à ce nouveau traitement et à cette nouvelle mise en scène de l’action, plus qu’aux avancées technologiques. Même si Peter a quelquefois l’impression de sentir le monde entier peser sur ses épaules, il est capable de le supporter, et de garder son sens de l’humour dans des moments difficiles. C’est l’histoire qui a évolué plus que tout le reste.

Nous avons vu une scène touchante entre Peter et Gwen qui ont pris des distances et ne se sont plus vus depuis un moment. Elle est mise en scène avec sensibilité par Marc Webb. Pensez-vous qu’à présent qu’il a appris à faire fonctionner la grande machinerie qu’est un épisode de SPIDER-MAN, il se sent plus libre de renouer avec sa manière habituelle de réaliser, sa spontanéité et son approche romantique ?

Avi Arad : Ce n’était que la moitié de la scène, car nous ne voulions pas dévoiler ce qui se passe après. Mais quand vous la verrez en entier, vous serez encore plus impressionné ! Pour revenir à votre question, ce que l’on voit à l’image, ce sont des acteurs qui sont en pleine possession de leurs personnages. Quand vous avez la chance de travailler avec deux comédiens comme Emma et Andrew qui excellent autant dans les scènes dramatiques que dans la comédie, des choses magiques se passent devant la caméra. Tout fonctionne à la perfection : l’atmosphère qu’ils créent, le timing, les moments où ils ajoutent des petites improvisations qui rendent les choses plus naturelles…

Matthew Tolmach : …et l’un des points forts de Marc, qui est la raison pour laquelle nous l’avons engagé, c’est sa capacité à diriger de jeunes comédiens et à faire ressortir tout ce qui sonne juste dans des moments comme la scène du couloir du lycée du premier épisode, où Gwen et Peter se rendent compte qu’ils sont en train de tomber amoureux, et se sentent gauches et empotés. Quand Marc met en scène ces moments intimes, on a l’impression qu’ils sont vrais. Il y a une vraie alchimie à l’œuvre entre Emma et Andrew, et le résultat est merveilleux.

Avi Arad : Je pense que toute l’équipe, et particulièrement Marc et les acteurs, se sont sentis rassurés quand ils ont découvert le script et vu à quel point il était réussi.

Matthew Tolmach : C’est aussi une partie importante de l’évolution de ces films. Bien souvent, on doit commencer à tourner alors que le script a encore besoin de nombreux ajustements. Dans le cas de ce film, nous avions un scénario finalisé que tout le monde adorait et que le studio avait validé à 100% huit mois avant le début du tournage. Cela vous permet de travailler dans des conditions bien meilleures, car on sait ce qui se trouve au cœur de chaque scène et à partir de là, on peut réfléchir sereinement à la manière d’interpréter cela dans la mise en scène et dans la direction du jeu des acteurs.

Est-ce que ce script très solide a permis aux acteurs d’avoir plus d’occasions d’improviser, en sachant qu’ils allaient toujours « retomber sur leurs pieds »?

Avi Arad : Exactement. Je vais vous en donner un exemple parmi les scènes du film que vous avez vues : quand Spider-Man aperçoit pour la première fois Electro qui sème la panique dans Time Square, il l’interpelle en criant « Yo Sparkles ! » (Hé, Etincelles ! ) et c’était une réplique totalement improvisée par Andrew…

Matthew Tolmach : …Tout comme une bonne partie de ce qu’il dit à Rhino pendant la poursuite du camion.

Avi Arad : Un bon script, c’est un socle qui permet aux acteurs de se sentir libres d’agir de manière spontanée. D’ailleurs quand vous verrez la fin de ce film, vous constaterez que même pendant une situation très tendue et très éprouvante, cela permet d’injecter des petites fulgurances qui réussissent à vous faire sourire alors que vous ne vous y attendez pas. Quand Spider-Man est dans les parages, cela signifie que l’espoir renaît, et qu’il va tout faire pour que les choses s’arrangent… pas forcément pour lui, mais pour nous, les gens qu’il protège.

Quelles ont été les scènes les plus difficiles à préparer et à tourner ?

Matthew Tolmach : C’est presque une question piège ! Comme vous vous en doutez, il y a certains moments du film dont la réalisation a été délicate, mais dont nous ne pouvons pas vous parler… En revanche, de manière générale, je peux vous dire que les scènes d’action de grande ampleur, comme celles que vous avez vues et d’autres que vous découvrirez plus tard, sont toujours extrêmement complexes à préparer. Il faut commencer à construire les décors plusieurs mois avant le tournage, et toutes les cascades et les effets spéciaux sont eux aussi conçus, préparés, testés, très longtemps à l’avance. Dans le cas des scènes dramatiques, les répétitions avec le réalisateur et les acteurs sont très importantes elles aussi. Marc accomplit un énorme travail préparatoire avec les comédiens bien avant d’arriver sur le plateau. C’est tout aussi long et complexe que le travail effectué pour les scènes d’action, mais dans un autre registre. D’un côté, on déplace des grues, des machineries et des supports d’éclairage colossaux, de l’autre on travaille sur l’expression de sentiments complexes, sur des nuances, des non-dits très délicats. C’est le mélange de tout cela qui permet au film de fonctionner, car il marche comme une montagne russe, avec des montées impressionnantes et des descentes vertigineuses pendant lesquelles on ne doit jamais perdre de vue les personnages. Il y a un équilibre fragile qu’il faut préserver pour que cela fonctionne. Les films de superhéros sont finalement assez proches des opéras avec leurs morceaux de bravoure à grand spectacle, où il y a de l’action, des batailles et de nombreux figurants, et les moments d’introspection des personnages principaux.

Pendant combien de temps aviez-vous la permission de bloquer Time Square pour tourner les plans de la confrontation entre Electro et Spider-Man ?

Avi Arad : Très peu de temps.

Matthew Tolmach : Je crois que le créneau qu’on nous avait laissé se situait entre 22h00 et 2 à 3 heures du matin, parce que juste après, les camions de livraison et les véhicules de nettoyage des rues arrivent.

Avi Arad : Mais comme on ne nous a pas donné la permission de faire exploser les écrans géants de Time Square, nous avons du reconstituer les lieux sur un terrain de Long Island. Nous avons reproduit les architectures de manière très précise, et il a fallu aussi reconstituer l’éclairage de cette place, qui n’est pas produit par des lampadaires, mais par des écrans géants constamment animés.

Matthew Tolmach : Imaginez la difficulté que cela représente, car les écrans de Time Square sont colossaux ! Il a fallu trouver les moyens de reproduire les mêmes effets avec des projecteurs normaux, sans disposer d’écrans géants.

Avi Arad : De plus, nous tournions en hiver, par une température de moins sept degrés. Et nous devions replier les grues et les éléments placés en hauteur dès que la vitesse du vent approchait les trente kilomètres heure. Et il y avait justement beaucoup de vent !

Matthew Tolmach : Nous tournions avec des centaines de figurants qui devaient être tous habillés comme en été, avec des vêtements courts et légers, et qui étaient tous frigorifiés ! Ils ont été extrêmement courageux.

Vous avez tourné l’essentiel de la scène dans ce décor ?

Matthew Tolmach : Oui, 90% de la séquence. Les 10% tournés dans le vrai Time Square nous ont surtout servi à capturer l’ambiance des lieux en plans larges.

Quelles sont les idées que Paul Giamatti a suggérées à propos de son personnage ?

Matthew Tolmach : Il a fait des recherches pour faire d’Aleksei Sytsevich un maffieux russe d’une génération bien précise, avec des tatouages qui ont de vraies significations. Paul s’est entraîné à prendre l’accent russe avec un membre de notre équipe technique qui est d’origine russe. Il n’a pas voulu qu’on lui procure un coach, il s’est débrouillé tout seul avec les conseils que lui donnait ce technicien ! Il nous a souvent dit que ce tournage avait été l’expérience la plus amusante de sa carrière. Paul a également participé à la conception de son costume robotique avec notre chef costumière Deborah Lynn Scott.

Avi Arad : Je peux vous dire qu’il y a quinze ans, un acteur de l’envergure de Paul Giamatti n’aurait même pas décroché son téléphone pour répondre à la proposition de jouer dans un film de superhéros ! Cela montre à quel point ce genre est désormais établi à Hollywood.

La suite de ce Spider-Dossier paraîtra bientôt sur ESI !

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