Entretien exclusif avec Marc Webb, réalisateur de THE AMAZING SPIDER-MAN 2
Article Cinéma du Dimanche 01 Juin 2014

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Vous « avez fait connaissance » avec Spider-Man en réalisant le premier épisode de cette saga. Comment avez-vous utilisé ce que vous avez appris à cette occasion pour imaginer des choses nouvelles et créer une expérience visuelle différente dans cette deuxième partie ?

Le premier épisode a été un apprentissage extraordinaire non seulement pour moi, mais pour toute notre équipe. Au début, j’étais très prudent dans ma manière d’employer les effets visuels parce que, très franchement, je ne savais pas jusqu’où je pouvais les pousser. Cette fois-ci, comme j’ai pu tester et voir le résultat de nombreux plans très complexes, je me suis senti beaucoup plus à l’aise pour déterminer ce qui pourrait fonctionner sans que le public puisse détecter nos petites supercheries numériques. Le but était de créer des environnements et des situations qui paraissent réelles, tout en poussant les actions le plus loin possible pour surprendre les spectateurs. Spider-Man est très différent de la plupart des autres superhéros, parce qu’il réalise des acrobaties que les êtres humains normaux seraient absolument incapables de faire. Il fallait donc que je pousse la version 3D de Spider-Man dans cette direction pour lui faire accomplir des prouesses extraordinaires, tout en combinant ces actions-là avec d’autres qui sont plus amusantes parce qu’il s’agit d’interactions avec des vrais endroits de New York et des personnages réels, souvent tournés en utilisant des cascades et des effets réalisés devant la caméra. Le plus important était de s’assurer que le traitement visuel reste homogène. Mais je me suis beaucoup amusé à créer ce mélange, en brouillant les pistes entre le réel et le virtuel.

Quand nous avons vu la projection de la scène de la poursuite entre Spider-Man et Rhino, nous avons remarqué que le premier plan, qui montre Spider-Man de dos, en train de faire une chute libre vertigineuse au dessus des rues, comportait un détail qui était absent de la bande-annonce provisoire que vous nous avez montrée ensuite. Dans le plan abouti, le tissu qui se trouve dans le dos de Spider-Man flotte et remue, parce qu’il est agité par les turbulences de l’air. Et ce petit détail qui pourrait sembler anodin fait toute la différence, car en le voyant, on est persuadé de voir le « vrai » Spider-Man, alors qu’il s’agit d’un personnage 100% 3D. En observant cela, nous nous sommes dits que vous deviez avoir observé des vraies images de parachutistes faisant du « base jump » pour vous servir d’une référence aussi réaliste…

Je suis ravi que vous ayez remarqué ce détail, que nous avons ajouté dans cette scène du film il y a quelques jours à peine. C’est la raison pour laquelle il ne figurait pas encore dans le montage de la bande-annonce. Dans un tel plan, il y a des dizaines de couches d’effets ajoutées les unes après les autres pour obtenir le résultat le plus réaliste possible. Nous avançons étape par étape pour aller dans ce sens, et nous arrivons alors à un résultat qui est bon, mais pas encore parfait. Et c’est quand on trouve LE bon détail à ajouter, comme ce flottement de tissu que vous venez de décrire, que cela change tout et que le plan fonctionne vraiment. Là, on croit voir une image réelle ! Dans d’autres plans, il suffit d’ajouter des oiseaux dans le ciel ou un léger brouillard pour arriver à ce réalisme qui rend l’image agréable. Tout cela était nouveau pour moi quand j’ai réalisé l’épisode précédent. Depuis, j’ai appris à apprécier cette recherche des petits détails qui sonnent juste. Ce soin apporté aux images permet aux spectateurs de s’immerger complètement dans le film sans être gêné par quoi que ce soit. Toute l’équipe du film travaille dur pour que le public se sente prêt à laisser son « incrédulité en suspens » et suive Spider-Man dans cette aventure.

Quand vous avez décrit votre parcours de réalisation pour le premier volet, vous avez expliqué que vous aviez « appris sur le tas ». Quel regard portez-vous à présent sur ce premier opus, et sur ce que vous avez réussi et moins bien réussi ?

Eh bien je ne suis pas entièrement satisfait de moi. Je crois que ce serait terrible si je l’étais ! J’ai toujours tendance à être accablé et à ne voir que les défauts, même les plus petits. Mais je ne vis pas non plus dans le regret en ne pensant qu’à ce qui n’a pas fonctionné dans mes films précédents. Bien sûr, quand j’entame la préparation d’un nouveau projet, j’ai envie de réaliser le plus grand film de tous les temps ! Le problème que nous avions dans l’épisode précédent, c’était d’arriver si peu de temps après la trilogie réalisée par Sam Raimi. J’avais envie de raconter à nouveau les origines de Spider-Man justement à cause de cela, pour remettre toutes les pendules à zéro et prendre un nouveau départ. Ce n’était pas évident de réussir ce pari et de présenter au public de nouveaux acteurs dans ces rôles. Je suis très fier du film et j’adore les interprétations d’Andrew et Emma, et de Sally et Martin…J’ai énormément d’affection pour tous ces merveilleux acteurs, mais avec le recul, j’ai le sentiment que j’aurais pu aller plus loin avec eux, et prendre de meilleurs décisions sur certains points, comme l’aspect du costume de Spider-Man. C’est ce qui m’a permis d’aborder ce deuxième épisode en me disant « Ok, cette fois-ci j’ai compris ! je ne ferai pas les mêmes erreurs » (rires) Tous les membres de l’équipe se sont faits la même réflexion, chacun dans son domaine, et le niveau de qualité de notre travail commun est passé à l’échelon supérieur. Dans bien des cas, les suites des films sont conçues après-coup, pour répondre à un succès surprise, et on sent qu’elles sont un peu improvisées… Ce n’est pas le cas de ce nouveau volet, car nous avions prévu la manière de faire évoluer Spider-Man dès le premier épisode, en incluant des trames narratives qui se développent de manière audacieuse dans ce chapitre. Nous sommes très contents du résultat. Ce tournage a été une expérience fantastique. C’était un défi assez rude, un travail d’une intensité brutale, mais nous avons vécu des moments exceptionnels, très enrichissants.

Est-ce que cet épisode était pour vous et vos collaborateurs le moment auquel vous étiez impatients d’arriver après avoir raconté les origines du héros ?

Oh oui! Aussi bien en termes de changement de ton, d’évolution des personnages, d’ampleur des scènes d’action, des nouveaux adversaires que nous voulions faire surgir et des nouvelles facettes de Peter / Spider-Man que nous voulions explorer, c’était comme si le signal du VRAI départ avait enfin été donné ! Nous avons eu l’impression d’être libérés des chaînes du récit des origines de Spidey pour entrer dans le vif du sujet. Travailler à partir d’un excellent script à la structure efficace nous a donné beaucoup d’inspiration et a été une grande aide. Rares sont les réalisateurs de cinéma qui ont l’occasion de retrouver des personnages et de les approfondir avec les mêmes acteurs, dans le même univers. C’est une chance et une occasion de corriger des erreurs – comme le costume dont j’avais eu l’idée - à ne pas rater ! (rires)

Pouvez-vous nous dire comment vous vous êtes impliqué dans le développement du script et l’évolution des personnages ?

Le premier sujet que nous avons abordé avec Alex Kurtzman et Roberto Orci était le choix des thèmes. Quand j’ai développé 500 JOURS ENSEMBLE, le thème de départ que j’avais trouvé était « la recherche du bonheur se trouve dans les yeux bleus de cette fille croisée dans un couloir ». Dans le cas du premier AMAZING SPIDER-MAN, le thème était «Nous avons tous des pièces manquantes dans le puzzle de notre personnalité, et ce qui nous définit, c’est la manière dont nous allons choisir de remplir ces parties vides. » Dans AMAZING SPIDER-MAN 2, le thème est le temps qui passe. Et la manière dont on profite des moments précieux passés avec les gens que l’on aime. Le tout premier plan du film est une horloge dont on entend le tic-tac. C’est un motif qui réapparaît tout au long du film.

Il y a justement ce plan qui montre Gwen Stacy en train de tomber à l’intérieur de la tour d’une horloge géante, avec toutes les implications que cela peut avoir sur l’issue de la scène…

Oui. Ce thème du temps a été le point de départ de tout le travail avec les auteurs. Toutes les scènes sont parties de là. Nous savions que nous allions devoir traiter des moments très célèbres de la BD dans le film, et ils se sont intégrés naturellement dans la structure de ce thème central. Ensuite, nous avons parlé pendant des semaines des grandes scènes comme la rencontre entre Electro et Spidey à Time Square. Nous avions envie d’aborder ce film en y incluant beaucoup de séquences d’action incroyables, beaucoup plus d’humour, et en répondant tout de suite à plusieurs des questions soulevées dans le premier film. Bref, nous avions hâte d’en découdre et de nous défouler en tournant ! (rires)

Est-ce que ce thème central du temps qui passe s’applique autant à Max Dillon, qui va devenir Electro, qu’à Peter Parker ?

Oui, par certains éléments parallèles de leurs trajectoires personnelles. Max est un homme qui a désespérément besoin d’être remarqué, estimé par les autres. Il a le sentiment d’être invisible, et il n’a pas été aimé comme il aurait dû l’être par ses proches, par sa famille. Quand ce genre de choses arrive, les gens en conçoivent une colère intérieure sourde, qui peut de réveiller de manière brutale. Cela se voit dans la scène de Time Square, qui est celle de la naissance d’Electro. Quand Spider-Man arrive sur les lieux alors que les passants sont effrayés par Electro et ses pouvoirs qu’il ne parvient pas à maîtriser, il est le seul à voir l’enfant craintif qui se cache à l’intérieur de cet homme qui projette des éclairs. Il comprend qu’il est terrifié par ce qui lui arrive, et va lui parler plutôt de que l’attaquer sans chercher à comprendre ce qui se passe. C’est l’une des caractéristiques importantes de Spider-Man, cette empathie immédiate qu’il ressent pour les laissés pour compte, les gens rejetés. Je pense qu’il s’agit d’une qualité primordiale que peu de gens possèdent, et d’un pouvoir aussi important pour Spidey que sa toile. Il en tire une grande partie de sa force morale et de sa motivation. Comme on peut le constater en lisant ses aventures dans les comics, c’est souvent grâce à cette capacité qu’il peut voir au travers du vernis extérieur et deviner quelle est la vraie personnalité des méchants qu’il affronte.

Il y a aussi son « sixième sens » arachnéen qui l’avertit que quelque chose de bizarre est en train de se produire, ou qu’une personne lui ment…

Oui. Mais son empathie est naturelle, alors que ses capacités extrasensorielles sont dues à sa mutation. Peter a des relations basées sur l’amour et l’amitié avec beaucoup de personnes, et ces relations se compliquent parce qu’il est Spider-Man. Elles ont affecté ou affectent encore ses relations avec l’oncle Ben, le capitaine Stacy, la tante May, Harry Osbone, Max Dillon et Gwen Stacy… Et la plupart de ces conflits sont basés sur l’affection et l’amour.

La suite de ce Spider-Dossier paraîtra bientôt sur ESI !

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