La Main des Maîtres - Ajout du film !
Article Animation du Vendredi 24 Octobre 2008
Œuvre de trois étudiants de l’école George Méliès, La main des maîtres est un mini-film de quatre minutes qui mélange animations 2D et 3D pour évoquer de multiples influences fantastiques. Rencontre avec trois talents à suivre de près : Vivien « Looky » Chauvet, Clément Delatre et Adrien « CaYuS » Toupet.
Propos recueillis par Pascal Pinteau
Pourriez-vous décrire l'école George Méliès ?
CaYuS : L'école Georges Méliès est le nouveau nom de l'EESA. La formation en trois ans se veut assez polyvalente. On part des fondamentaux (dessin, peinture, sculpture, histoire du cinéma...), passe par la prise de vue + effets spéciaux (on dispose de studios de tournage avec fond d'incrustation), pour arriver à nous faire découvrir les différentes formes d'animation (Stop motion, Pixilation, Papier découpé, Animation 2D et bien sûr l'animation 3D). Seul ou à plusieurs, la troisième année est consacrée au projet de fin d'étude : raconter l'histoire qui nous tient à coeur avec les techniques qui nous plaisent. Et c'est pour moi ce qui est le plus important à l'école; le but n'est pas de formater les étudiants à un univers, à un type de film, à des outils. Mais bien de leur apprendre une manière de travailler, et de les laisser libre de raconter ceux qu'ils souhaitent, comme ils le souhaitent, loin de tout esprit de compétition.
Comment est né ce projet ?
CaYuS : Un soir de novembre 2006, confortablement installés dans les fauteuils de la salle son de l'école...
Looky: ...nous avions échangé des idées scénaristiques et des volontés techniques que nous voulions mettre en place dans notre court-métrage de fin d'étude - une ligne de conduite graphique, pas mal de défis techniques... etc...
Clément : De mon côté, je voulais une ambiance de guerre ! Un film assez rythmé avec des images riches.
Looky: Après un bon passage au mixeur nous avions le premier jet le soir même... puis le temps nous permis d’affiner le scénario.
Des influences multiples
Quelles ont été vos influences en BD, animation et films de prise de vue réelles ?
Clément : Fluide glacial ! (rires)
Looky : Lors de la création du projet, nous tenions à animer le style "affichiste" de 1900. Nous avons été très influencés par le travail de Mucha! Et puis, au vu des soucis rencontrés au fil de la production, nous avons adapté le style. Au départ, les personnages avaient un contour épais. Il a été supprimé pour mieux les intégrer dans le décor. Plus tard, lors de l'animation et du compositing, nous avons élargi nos références aux films d'animation japonais et aux jeux vidéos.
Clément : Pour la petite histoire, le nom du protagoniste qui accompagne l'héroïne – Chari - vient d'un très beau jeu qui s'appelle Ico ou les deux héros - un garçon et une fille - se tiennent toujours la main, comme dans notre film. Sinon, du côté des influence en prises de vues réelles, je peux citer la série Band of brothers, et les films Saving Private Ryan, Ghost In The Shell 1 et 2, Jin-Roh et Steamboy...
CaYuS : Je rajouterai Tokyo Godfather de Satoshi Kon qui a été une bonne référence pour moi en termes d'animation. Sans oublier Lola rennt de Tom Tykwer, un petit film allemand qui est ma bible en matière de courses!
Looky : Le résultat final a quelque chose de plus conventionnel, mais dans le bon sens puisque l'univers à ainsi mûri.
Est-ce que le "rétro-futur" de films comme « Le château dans le ciel » de Miyasaki vous a influencé ?
Clément : Pas particulièrement ...
Looky: Le film repose sur une base graphique commune: le style « Steampunk ».
Clément : De ce fait là, on rentre directement dans le « rétro-futur »
CaYuS : Pour ma part Le château dans le ciel m'a surtout inspiré au niveau de l'animation, par cette complicité permanente entre les deux enfants. Il y avait vraiment des passages très intéressants sur lesquels s'appuyer en terme d'animation.
Une équipe bien organisée
Comment vous êtes-vous réparti les tâches artistiques et techniques ?
Clément : Pour l'organisation du film, nous étions d'accord sur le fait que chacun s’occupait de "son département" par rapport à sa spécialité, car c'était plus facile pour gérer l'organisation du film. En cas de longue discussion, c'est celui qui gère le "département" qui tranche tout de suite.
Looky : Du coup, j'ai commencé avec le design et autres recherches des décors et des personnages. C'est un travail de documentation assez long car il faut trouver les références d'époque (machineries, architectures, armements...) jusqu'au plus petit détail pour crédibiliser cet univers. Je me suis occupé par la suite du light board (mise au point des ambiances du film selon les plans) puis des mattes paintings, et pour finir de la 2D.
Clément : J'ai travaillé sur tout ce qui est "le rendu" : le texturing des décors 3D , les persos 3D, le lighting et le compositing.
CaYuS : De mon côté, j'ai commencé par m'occuper de l'animation 3D. A la fois d'un point de vue technique, en créant le Character Rigging, c’est à dire les squelettes qui permettent de faire bouger les personnages, mais aussi d'un point de vue artistique, en créant l'animation qui "donne vie" aux personnages. C'est agréable d'avoir la chance de s'occuper des deux en même temps : on est ainsi libre de développer les outils qui vont aider à mieux retranscrire le mouvement qu'on a en tête. Par exemple, pour les animations secondaires j'ai passé du temps à travailler les simulations de vêtements (pour gérer l'écharpe, le manteau, les sangles...). Vêtements que je n'ai donc pas eu à animer à la main et qui apportent des petits détails non négligeables dans le mouvement global. Ensuite je me suis attelé aux effets spéciaux, qui étaient une partie vraiment amusante à gérer pour terminer le projet : les explosions, les débris et les giclures de sang. Je voudrais également citer nos amis du son: Sébastien Renault qui a composé la musique du film, et Olivier Michelot qui s'est occupé des bruitages et du mixage final.
Pouvez-vous décrire la manière dont les personnages ont été créés et dont vous utilisez le mélange 2D/3D ?
Looky : Les personnages ont d'abord été créés en 3D afin de faciliter l'animation 2D. En partant des personnages numériques, nous pouvions récupérer l'animation des vêtements (écharpe de l'héroïne ou long imperméable de son compère...), ou la couleur (a modifier selon le final en 2D) et, par continuité, ajouter des effets de taches de sang sur les vêtements en réponse direct à l'action du plan....
CaYuS : Avoir une pré-animation en 3D nous permet aussi, en plus des interactions avec les effets spéciaux 3D, de récupérer des passes de glow, de profondeur de champ, de motion blur...
Comment avez-vous créé les décors ?
Looky : Ce sont des mattes painting. Réalisés avec des crayons, du papier, Photoshop et un grand travail de documentation. Une fois le décor peint achevé, Clément venait l'agrémenter d'une foule d'objets 3D, au rendu similaire à celui du matte, afin d'animer le décor.
Clément : Pour les mouvements de caméras en 3D, il fallait que le matte raccorde parfaitement avec la 3D. Pour ce, je livrais à Looky une modélisation basique du plan final afin qu'il puisse s'en servir de référence pour peindre le décor.
Looky : Le compositing final permet d’ajouter les divers effets atmosphériques, les explosions et autres vapeurs sous pression très nombreuses dans le film.
Projets futurs
Voudriez-vous développer "La main des maîtres" sous un autre format ?
Clément : Pourquoi pas !
Looky : Tant qu'à faire! (rires) Le court métrage se construit un peu comme un pilote de long métrage. Ce n'est pas anodin. Pendant les premières projections, beaucoup nous disaient qu'ils voulaient en savoir plus, connaître la suite! Nous aussi...d'autant qu'on en a déjà les prémices…
CaYuS : Je ne suis pas contre, ça me ferait même très plaisir.
Quels sont vos projets personnels ?
Looky: Nous avons déjà des engagements à honorer, des contrats à finir, mais nous comptons continuer à soutenir ce film pour qu'il devienne « autre chose » par la suite. Etant auteur BD (la série Nocturnes Rouges - éditions Soleil) j'ai des albums qui m'attendent! J'aime l'idée de pouvoir m'épanouir en travaillant sur plusieurs supports. Je fais également partie d’une boite de créa où je développe des nouveaux projets de courts métrage, mais surtout des séries d'animation!
Clément : Mon portefeuille me rappelle qu’il faut que je trouve rapidement du travail et que je continue à avancer dans cette voie. (rires)
CaYuS : Bosser chez ILM ou à WETA, faire un film avec Michael Bay ! (rires) J'ai toujours été un petit enfant avec des grands yeux, et je ne serai pas satisfait tant que je n'aurai pas mis les pieds dans ces studios d'effets spéciaux qui me font rêver depuis des années. Voyager à l'autre bout du monde pour aller travailler sur des films qui nous plaisent, c'est vraiment un métier sympa !