Entretien exclusif avec Simon Kinberg, scénariste et producteur de X-MEN DAYS OF FUTURE PAST
Article Cinéma du Jeudi 19 Juin 2014

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Pouvez-vous nous parler des débuts de votre collaboration avec Bryan Singer sur X-MEN DAYS OF FUTURE PAST, et nous dire comment vous avez adapté cette histoire issue des comics de Marvel pour lui permettre de convenir aux deux sagas cinématographiques X-MEN, celle du casting original et celle de X-MEN : LE COMMENCEMENT ?

J’ai commencé à collaborer avec Bryan sur X-MEN : LE COMMENCEMENT, car nous étions tous les deux producteurs de ce film. Quand nous avons commencé à parler d’une suite, Matthew Vaughn avait donné son accord pour le réaliser, Bryan et moi allions le produire, et je devais me charger également du script. Dès que j’ai commencé à travailler sur le scénario en échangeant des idées avec Bryan et Matthew, j’ai cherché des idées qui permettraient de réintégrer Ian McKellen et Patrick Stewart dans la saga. Nous avons d’abord envisagé qu’ils apparaissent seulement au début et à la fin de cette aventure, afin d’introduire et de conclure le récit, mais sans qu’ils participent directement à l’action. Mais les réduire à des rôles de simples commentateurs ne me satisfaisait pas complètement. Je me suis souvenu alors de cette BD en plusieurs parties intitulée DAYS OF FUTURE PAST, que j’avais lue et beaucoup aimée quand j’étais adolescent. Je l’ai montrée au studio, à la productrice Lauren Schuler-Donner, à Bryan et à Matthew pendant que nous discutions de la manière de réintégrer Ian, Patrick et d’autres personnages de l’ancienne équipe des X-Men. Tout le monde a lu la BD et a été enthousiasmé par cette histoire et cette idée. J’ai écrit une première version du script quand Bryan n’était que le producteur du film, et la modification la plus importante que j’ai apportée au récit des comics a été de changer la personne qui voyage dans le temps. Dans la BD, c’est Kitty Pride tandis que dans notre film, c’est Wolverine.

Pour quelle raison avez-vous décidé de faire cela ?

Il y a plusieurs motivations : l’idée d’envoyer Ellen Page - qui incarne Kitty Pride dans la saga X-MEN – quarante ans dans le passé pour rencontrer les jeunes Xavier et Magneto ne fonctionnait pas parce qu’Ellen est toute jeune. Comme la personne qui voyage rajeunit, Ellen aurait cessé d’exister, car l’action se déroule vingt ans avant sa naissance ! Il nous fallait donc trouver quelqu’un de plus âgé, et comme le personnage de Hugh Jackman est immortel et ne vieillit pas physiquement, nous avons tous pensé que Wolverine était le mutant idéal pour faire ce voyage. De plus, il est de loin le personnage le plus populaire de la franchise cinématographique X-MEN. J’ai donc développé cette idée avec Matthew, et pendant l’été 2012, j’ai achevé et livré mon script. Ensuite, pour différentes raisons, Matthew a décidé qu’il ne voulait plus réaliser cette suite. Naturellement, la personne qui était le choix le plus naturel et le plus légitime pour le remplacer était Bryan Singer. Nous lui avons envoyé le script, et il lui a tellement plu qu’il a aussitôt accepté de réaliser DAYS OF FUTURE PAST. Nous avons passé tout l’automne et l’hiver 2012 à retravailler le script ensemble à Los Angeles puis à New York où nous avons résidé dans un hôtel pendant quelques semaines pour faire les dernières retouches. Ensuite, à la fin 2012, nous avons fait nos bagages pour nous installer à Montreal, où nous avons passé la plus grande partie de 2013 à tourner le film.

Quels sont les éléments du récit de la BD de X-MEN DAYS OF FUTURE PAST que vous souhaitiez conserver dès le début du projet ?

Je voulais garder un maximum d’éléments du récit original dans le film, et c’est ce qui s’est produit. L’histoire de base débute dans un futur apocalyptique où les mutants sont au bord de l’extinction car ils sont pourchassés et tués par des robots appelés les Sentinelles. Un mutant est alors envoyé dans le passé pour avertir les X-Men et les convaincre d’agir pour faire échouer le lancement du programme de fabrication des Sentinelles. L’idée qu’il y a un assassinat politique qu’ils doivent empêcher figure aussi dans le film. Un autre aspect de DAYS OF FUTURE PAST nous intéressait tous beaucoup : la possibilité de montrer les X-Men dans un contexte de vraie Science-Fiction, ce que nous n’avions pas encore pu faire jusqu’à présent. Le X-jet ressemble davantage à un vaisseau spatial qu’a un avion à réaction, par exemple. Certaines images du film avec les Sentinelles évoquent des classiques du genre comme TERMINATOR. Bryan a réussi à donner du réalisme et de la crédibilité à ces scènes futuristes. Mais il y a nettement plus de vaisseaux volants et de robots dans cet épisode que dans tous les précédents.

Après le président Kennedy et la crise des missiles de Cuba dans X-MEN : LE COMMENCEMENT, vous décrivez Richard Nixon en 1973 dans ce film. Quels évènements historiques réels de cette époque avez-vous utilisés dans le script cette fois-ci ?

C’est intéressant que vous posiez cette question, car nous nous la sommes posés avec Matthew dès que nous avons commencé à réfléchir à la suite de X-MEN : LE COMMENCEMENT. Nous nous sommes demandés si plutôt que d’avancer seulement d’un an ou deux, il ne fallait pas faire un bond plus lointain dans le futur, pour voir comment les personnages avaient vécu pendant une décennie avec les conséquences de ce qu’ils avaient fait dans X-MEN : LE COMMENCEMENT. Nous avons pensé qu’en situant l’action dix ans plus tard, nous pourrions nous amuser à décrire une autre époque aux spectateurs, tout en traitant la période de la fin de la guerre du Vietnam, et le sommet de la paix qui a eu lieu chez vous en France, à Paris, en 1973. C’est cet événement historique important autour duquel nous avons construit la partie centrale du film. Cette année 1973 et la fin de cette guerre terrible a permis aux Etats-Unis de tourner la page et d’entamer un processus de guérison du pays. Le Vietnam a eu des conséquences épouvantables qui ont mis de longues années à s’estomper. Des centaines de milliers de familles ont été séparées, abîmées, ont perdu un parent ou un enfant. Certaines ont été détruites. Des millions de gens sont restés traumatisés à vie. L’intrigue de DAYS OF FUTURE PAST correspondait bien à cette période de l’histoire réelle, et c’est pour cela que nous l’avons choisie.

Comment les « vieux » Xavier et Magneto essaient-ils de convaincre leurs jeunes incarnations d’agir différemment dans le passé, afin d’éviter l’apocalypse des mutants ?

Eh bien Magneto et Xavier envoient Wolverine dans le passé pour qu’ils réussisse à les convaincre de s’unir pour empêcher l’avènement des Sentinelles, à cette époque où ils étaient jeunes. Ils le préviennent que cela ne sera pas facile du tout, car ils étaient bien plus impétueux et têtus à ce moment-là, et surtout, ils étaient devenus des ennemis jurés. Le jeune Charles Xavier incarné par James McAvoy ne ressemble pas du tout au professeur Xavier d’âge mûr que nous connaissons, tel que Patrick Stewart l’a personnifié. C’est un homme brisé, en colère. Il s’est isolé parce qu’il ne veut plus parler à quiconque. Il a des problèmes d’addiction à la drogue. Il n’accepte pas de se retrouver dans un fauteuil roulant, et il a tellement sombré qu’il n’est même plus professeur ni leader d’un groupe… Wolverine sait qu’il va devoir faire pour ce jeune Xavier qui est complètement perdu, ce que le professeur Xavier d’âge mûr avait fait pour lui quand il était dans le même état, juste avant de rejoindre le groupe des X-Men. Wolverine va devoir devenir son mentor, son leader et lui enseigner comment guider une équipe. Le jeune Magneto, Eric Lehnsherr, est une vraie tête brûlée. Il est guidé par son instinct, son mépris des humains et ses impulsions de violence. Ce n’est pas du tout la manière dont nous décrivons le vieux Magneto au début de notre film : à l’époque de l’apocalypse des mutants, il s’est assagi parce qu’il a participé à trop de guerres et vu trop d’amis mourir. Il n’est plus violent. En envoyant Wolverine dans le passé, en 1973, Magneto et Xavier savent que sa mission sera d’autant plus dure que c’était l’une des pires époques qu’ils aient vécu. C’est le moment le plus difficile pour tenter de les approcher en vue de les réconcilier et de les convaincre de s’engager dans une cause commune. En 1973, Magneto se trouve en prison, et Charles a créé une prison invisible autour de lui en s’isolant et en s’apitoyant sur son sort.

La suite de cet entretien paraîtra bientôt sur ESI !

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