Exclusif ESI : Suite de notre reportage sur le tournage de GODZILLA. Les coulisses du chaos des Kaijus !
Article Cinéma du Lundi 23 Juin 2014

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Le « roi des monstres » est revenu dans un hommage inspiré, mi-remake, mi-reboot, conçu par le jeune réalisateur anglais Gareth Edwards, l’un des nouveaux talents les plus prometteurs du cinéma Fantastique. ESI était sur le tournage.

Suite et fin de notre journée du 16 juin 2013, passée sur le tournage de GODZILLA à Vancouver au Canada. Après nous être rendus dans les décors de paysage urbain japonais post-apocalyptique créés dans les rues de la petite ville de New Westminster, et avoir arpenté les plateaux des studios Barnaby où ont été construits la maison abandonnée de Joe Brody (Bryan Cranston), le poste de commande d’un porte-avions et une caverne formée autour d’une colossale cage thoracique, nous nous retrouvons en ce début de soirée dans les artères du centre de Vancouver, où l’équipe s’affaire pour préparer le tournage qui aura lieu cette nuit, dans plusieurs rues qui ont été fermées à la circulation et au passage des piétons. Les collaborateurs du décorateur Owen Paterson ont déjà remplacé toute la signalétique routière et les panneaux suspendus indiquant les noms des rues par leurs équivalents américains de la ville de San Francisco. Des carcasses écrasées de voitures civiles et de police sont disposées un peu partout. Les accessoiristes arrivent, tel Obélix et son menhir, en portant d’énormes blocs de polystyrène sculptés et peints pour figurer des blocs de béton armé tombés des immeubles. Ils les placent sur le sol, ou les posent sur les voitures déjà aplaties. Ernie Malick, le représentant de la production, nous explique que la scène que l’on va filmer dans quelques heures est l’atterrissage de Ford Brody (Aaron Taylor Johnson) après qu’il ait sauté en parachute avec un commando de soldats, au-dessus de Godzilla et de son ennemi principal, occupés à s’affronter tout en dévastant San Francisco. Une machinerie suspendue à une grue sera mise en place pour permettre à la doublure cascade de l’acteur d’être suspendue par un harnais à un vingtaine de mètres du sol, puis de descendre pour simuler l’atterrissage en parachute. Aaron Taylor Johnson prendra ensuite le relais pour le reste du plan, où il doit faire mine d’apercevoir le silhouette titanesque de l’adversaire de Godzilla passer entre les deux immeubles du fond de la rue. La scène sera filmée par le réalisateur de seconde équipe, et les actions des acteurs jouant les soldats seront supervisés par le conseiller militaire du film.

L’expert militaire des blockbusters

James D. Dever, Sergent-Major des Marines à la retraite, s’est reconverti dans le cinéma après 25 ans de bons et loyaux services dans l’armée US. Cette idée lui est venue en collaborant avec Clint Eastwood sur le film LE MAITRE DE GUERRE, alors qu’il était encore sous les drapeaux. Revenu à la vie civile, il a fondé la société 1 FORCE pour offrir aux cinéastes son expertise dans la représentation des opérations militaires, et former les comédiens pour leur permettre d’agir de manière crédible dans des rôles de soldats ou de hauts gradés. Dever a été particulièrement actif dans le domaine du cinéma fantastique et des aventures de superhéros, puisqu’il est intervenu sur CLOVERFIELD, TERMINATOR RENAISSANCE, WORLD INVASION : BATTLE LOS ANGELES, X-MEN ORIGINS : WOLVERINE, X-MEN LE COMMENCEMENT , IRON MAN 3 et MAN OF STEEL. Il avait travaillé auparavant sur WINDTALKERS de John Woo, consacré aux combattants américains d’origine indienne de la seconde guerre mondiale qui codaient les messages secrets en utilisant les langues de leurs tribus, au grand dam de services secrets allemands. LE DERNIER SAMOURAÏ et le dyptique de clint eastwood LETTRES D’IWO JIMA et MEMOIRES DE NOS PERES ont aussi contribué à en faire l’un des conseillers militaires les plus recherchés d’Hollywood.

Missions multiples

Ses interventions concrètes sur un plateau de cinéma sont multiples. Dans le cas de GODZILLA, il vérifie qu’il n’y a pas d’erreur dans les uniformes et les accessoires portés par les figurants et les acteurs, indique la manière correcte de manipuler les armes et d’évoluer sur le terrain d’opération, et supervise la gestuelle et les attitudes de combat des comédiens pendant les scènes d’action. Dever collabore avec Gareth Edwards sur la mise en scène du déploiement des forces spéciales, et corrige aussi des erreurs de dialogue concernant les termes précis du vocabulaire militaire, qui varie selon qu’il s’agit de celui de l’armée de terre, de l’armée de l’air, ou de la marine. Dans la plupart des cas, les erreurs que Dever corrige portent sur la manière de tenir et de se servir d’une arme, et sur les attitudes des comédiens. « Quand il se déplace, un soldat doit garder l’index droit, sans l’appuyer sur la gâchette. Cela permet d’éviter un tir accidentel s’il trébuche ou s’il est bousculé par un de ses camarades » explique-t-il « Cette règle de sécurité très importante est souvent négligée au cinéma. » Sur un vrai terrain de bataille, chaque combattant a un rôle à remplir et sait quel doit être sa position, alors que sur un plateau, si des figurants sont mal dirigés, ils vont donner l’impression de ne pas savoir où aller et comment agir. C’est la raison pour laquelle Dever collabore étroitement avec les superviseurs des cascades, pour leur indiquer comment les figurants doivent se comporter pendant le tournage d’une action. Aaron Taylor Johnson a été coaché personnellement par James Dever pour incarner le lieutenant de l’US Navy Ford Brody. C’est au cours d’un stage de quatre jours en camp d’entraînement que l’acteur a appris le maniement des armes, la manière de s’adresser à d’autres militaires de différents rangs, les attitudes de combat, et le comportement en service et parmi les civils. Désormais, il sait revêtir et porter son uniforme correctement, préparer seul tous les éléments de son équipement, et peut porter un sac à dos aussi lourd que ceux que transportent les Marines. Taylor Johnson a appris aussi à tirer avec un pistolet 9mm et un fusil M4, et à démonter, remonter et charger ces armes aussi rapidement qu’un vrai soldat. « Aaron est si efficace et si discipliné qu’il pourrait parfaitement être un jeune officier dans l’armée américaine » ajoute Dever avec un brin de fierté, comme un professeur ravi de la prestation de son élève. « Il serait parfait s’il devait exercer ces responsabilités ! »

Quand l’armée fait sa publicité en combattant Godzilla

Une des autres fonctions de Dever est de servir de liaison entre la production et les services de l’armée américaine qui lui apportent une contribution importante et augmentent l’impact visuel du film. Les équipes de GODZILLA ont pu tourner ainsi sur plusieurs porte-avions, et disposer de prêt d’hélicoptères, de véhicules terrestres et d’autres équipements, ainsi que de la participation gratuite de soldats pour figurer dans des scènes de grande ampleur. Dever s’assure que les manœuvres de l’armée sont représentées correctement, afin que le ministère de la défense soit satisfait de sa contribution au film, et que cette opération de promotion envers le public soit réussie, tout particulièrement envers les jeunes en âge de s’engager.

L’importance de l’exactitude

On peut se demander à juste titre si ce soin apporté à l’exactitude de la représentation des éléments militaires est importante pour les spectateurs qui ne sont pas des spécialistes de cet univers, mais comme nous le rappelle James Dever, une partie non négligeable de la population américaine a des liens avec l’armée : les militaires eux-mêmes, mais aussi leurs familles et leurs amis proches, sans oublier les employés des nombreuses sociétés civiles qui travaillent avec le ministère de la Défense. Ces millions de personnes sont en mesure de détecter d’éventuelles erreurs sur le grand écran. « Il n’y a rien de pire qu’une erreur flagrante dans le comportement d’un soldat pour vous faire décrocher du film » précise Dever « Même si dans le cas de GODZILLA, l’armée combat des monstres géants purement imaginaires, il faut néanmoins que ses actions soient totalement crédibles. Et quand tous ces détails sont bien réglés, même les non-spécialistes s’en rendent compte intuitivement, parce tout fonctionne de manière fluide et précise, comme dans la réalité. » Les compétences de Dever ne se limitent pas à l’armée US contemporaine, puisqu’il intervient souvent sur des films d’époque. Il même entraîné les comédiens jouant les soldats japonais des deux films de Clint Eastwood, en leur apprenant les attitudes et les expressions en vigueur dans l’armée nippone en 1945. Il aurait donc été à son aise s’il lui avait fallu diriger d’autres soldats japonais confronté à un certain Kaiju dix ans plus tard, mais cette scène-là ne figure pas dans le film de Gareth Edwards !

La suite de ce giga-dossier GODZILLA paraîtra bientôt sur ESI !

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