Le reportage ESI : IMATS 2014
Article Spectacles du Vendredi 25 Juillet 2014



Par notre envoyé spécial Jean-Philippe Lomas

L'édition londonienne du salon IMATS (International Make-up Artist Trade Show) s'est déroulée cette année du 27 au 29 juin à l'Olympia National Hall [photo 1] dans le quartier de Kensington à l'ouest de Londres. Sans vouloir faire une description exhaustive de l'événement, nous nous concentrerons sur certains de ses temps forts, illustrés par les photos prises sur place.

Comme c'est le cas depuis maintenant quelques années, le salon a ouvert ses portes dès le vendredi après-midi pour la journée réservée aux professionnels.

Première démonstration de Neill Gorton [photos 2 à 7]

Depuis de nombreuses années, le maquilleur britannique Neill Gorton (DOCTOR WHO) occupe une place importante à l'IMATS de Londres. Au fil des ans il nous a habitués à des démonstrations de maquillage prosthétique très poussées et toujours fort didactiques. Cette année c'est à deux démos que nous avons eu droit.

La première a pour but de nous présenter un nouveau produit. Jusqu'à présent Neill Gorton confectionnait toujours ses prothèses en gel de silicone PlatSil Gel-10 (ou Gel-10) de la société Polytek – un produit qui fait la quasi-unanimité aujourd'hui chez les maquilleurs. Sa souplesse peut être ajustée à l'aide d'un aditif nommé Deadener. Le Gel-10 pure a une dureté de 10 shore. Bien qu'il convienne particulièrement au tirage de prothèses, il s'avère un peu trop souple pour d'autres usages, tels que la confection de moules, pour lesquels il faut donc employer d'autres types de produits. Aujourd'hui la gamme a été complétée par un nouveau silicone polyaddition – le PlatSil Gel-25 (ou Gel-25). Il possède à la base une dureté de 25 shore. Tout comme son prédécesseur il peut être assoupli avec le Deadener, cependant il n'est plus nécessaire d'en ajouter autant pour obtenir le même résultat qu'avec le Gel-10. Lorsque Neill Gorton en mélange un échantillon, nous remarquons tout de suite qu'il est aussi beaucoup plus fluide, ce qui facilitera le remplissage des moules. Par ailleurs il existe maintenant un nouvel additif – le Hardener – qui permet de durcir le silicone jusqu'à environ 40 shore. Tout ceci fait du Gel-25 un produit plus polyvalent, ce qui peut représenter une source d'économie.

Neill Gorton nous propose un maquillage multi-prothèses qui lui donne l'occasion de revisiter un personnage qu'il a autrefois créé pour le film NIGHTBREED. L'idée d'origine était de concevoir une créature reptilienne qui aurait pris l'apparence humaine pour cacher sa vraie nature. Ici une partie de la peau recouvrant sa tête s'est déchirée, dévoilant son aspect véritable. A l'époque, la production n'avait pas compris le concept et avait demandée à ce que la couleur verte reptilienne soit remplacée par du rouge, donnant un peu l'impression de voir un cerveau et de la chair à vif, plutôt que des écailles.

Le maquillage comporte une cagoule, ainsi que deux prothèses pour chacune des joues et une dernière pour le front. Elles ont été tirées en Gel-25. Les joues et le front sont encapsulés dans du Super Baldiez – similaire au Glatzan mais qui se dissout à l'alcool plutôt qu'à l'acétone.

Seconde démonstration de Neill Gorton [photos 8 à 14]

Pour ce nouveau maquillage multi-prothèses, le maquilleur a puisé dans deux sources d'inspiration ; d'une part le travail de l'illustrateur Brian Froud, connu pour les designs de DARK CRYSTAL et de LABYRINTH ; d'autre part le personnage de gobelin créé par Rob Bottin pour le film LEGEND, qui l'avait beaucoup impressionné alors qu'il était encore adolescent et expérimentait déjà avec les effets spéciaux de maquillage.

La coiffe et les oreilles sont d'un seul tenant et sont tirées en mousse de polyuréthane souple. Toutes les autres prothèses sont en Gel-25 encapsulé dans du Super Baldiez. Il y en a trois au total ; une couvrant le front et les deux côtés du visage jusqu'aux pommettes ; une comprenant le nez, les joues et la lèvre supérieure ; une dernière pour la lèvre inférieure et le menton. Le maquillage est complété par une paire de grosses lentilles de contacts sclérales (couvrant le blanc de l'œil) et un dentier.

Démo de Thomas Surprenant [photos 15 à 18]

Thomas Surprenant a remporté deux Emmy Awards, l'équivalent des Oscars pour la télévision. Il recrée ici le célèbre maquillage d'Arnold Schwarzenegger dans les films de la saga TERMINATOR [photos 15 à 17]. Durant le weekend, il réalise également sur son stand un certain nombre de maquillages, dont cette impressionnante créature sans yeux à la peau à l'allure végétale [photo 18]. La bouche s'illuminait en rouge, donnant l'illusion d'un brasier intérieur. Contrairement à la tendance actuelle, Thomas Surprenant travaille essentiellement avec des prothèses en mousse de latex, plutôt que du silicone. Il commente que la peau n'est de toute manière pas si translucide que ça. Au cours de sa démo il aborde la question des allergies au latex. De son expérience c'est un faux problème, car les véritables cas d'allergies restent extrêmement rares et que de nombreuses personnes s'imaginent allergiques à tort.

Démo de Mike Spatola [photo 19]

Mike Spatola, connu pour son travail sur TERMINATOR 2 et IRON MAN 3, est par ailleurs l'auteur des ouvrages de référence THE MONSTROUS MAKEUP MANUAL 1 et 2. Il réalise en direct un vieillissement réaliste sans usage de prothèses, donc uniquement avec le procédé classique du "old-age stipple". Il commence par accentuer quelques défauts du visage du modèle à l'aide de fards à l'eau, et crée l'illusion de capillaires apparents ainsi que de discrètes taches de vieillesse. En soi, exactement l'inverse d'un maquillage beauté. Le but n'est pas de réaliser un vieillissement extrême, qui de toutes manières ne fonctionnerait pas avec ce procédé dans le cas d'un visage jeune. Il creuse aussi très légèrement certaines rides avec un effet d'ombre, sans que cela ne devienne pour autant un maquillage théâtral. Ensuite seulement, pour donner par transparence de la profondeur au maquillage, il applique le old-age stipple. Il prend soin de le faire sécher au sèche-cheveux en l'étirant dans le sens naturel de formation des rides. Il utilise une recette d'old-age stipple ne contenant pas latex liquide (contrairement à celle popularisée par Dick Smiths). Elle est principalement à base d'un produit nommé Green Marble, qui est un fixateur, ainsi que d'un épaississant – l'Attagel. Une fois cette étape terminée, il complète le maquillage à l'aide d'un mouchetage avec des fards à alcool. Le modèle était jeune avec une peau très lisse. De ce fait le résultat était tellement subtil qu'il était pratiquement imperceptible.

Personnalités issues de Face Off [photos 20 et 21]

L'émission de télé-réalité FACE OFF de la chaine SyFy en est à sa sixième saison. Tate Steinsiek y a participé en tant que concurrent lors de la première et de la cinquième saison. Chloe Sens, quant à elle, était concurrente de la dernière saison en date. Alors que Tate Steinsiek nous montre la conception d'une créature originale, Chloe Sens rend hommage à Boris Karloff et Jack Pierce.

Discussion PENNY DREADFUL [photo 22]

Avec Nick Dudman, Sarita Allison et Barney Nikolic, qui ont tous précédemment travaillés sur la saga HARRY POTTER – ici en compagnie de Michael Key, organisateur de l'IMATS et rédacteur en chef du Make-up Artist Magazine.

PENNY DREADFUL est une nouvelle série télévisée d'épouvante se déroulant à Londres à l'époque Victorienne. Elle fait une belle place aux effets spéciaux de maquillage. Cette série met en scène certains personnages classiques du genre, tels que Van Helsing et la créature de Frankenstein. Plutôt que de s'appuyer sur l'héritage cinématographique de ces personnages, la volonté était de créer des designs originaux en s'inspirant des descriptions contenues dans la littérature de Mary Shelley et de Bram Stoker.

L'équipe raconte au travers d'anecdotes ses expériences sur le tournage, qui s'est déroulé en Irlande. Pour tirer parti des avantages fiscaux offerts par ce pays, il était nécessaire d'employer un certain quota de main d'œuvre et de sociétés locales, ce qui n'allait pas toujours sans difficultés. Ils évoquent aussi les problèmes à se faire approvisionner en matériaux, se trouvant parfois confrontés à des délais d'acheminement incertains et devant improviser des solutions de repli. Contrairement à ce qui se passe souvent au cinéma, ici l'équipe créative a bénéficiée d'une grande autonomie, les designs n'ayant pas eu besoin d'être validés par une armée de décisionnaires en costume-cravate.

Discussion avec Christopher Tucker [photo 23]

Chris Tucker est considéré comme l'un des pionniers des effets spéciaux de maquillage en Grande Bretagne. Il est connu notamment pour son travail sur LA GUERRE DU FEU et surtout ELEPHANT MAN pour lequel il a remporté un Oscar. Ce vétéran possède à la base une formation de chanteur d'opéra. Les rôles qu'il interprétait l'ont conduit à s'intéresser au maquillage.

Muni d'un des rares livres de référence disponible à l'époque sur le sujet, il a commencé à expérimenter par lui-même. Ayant commencé à produire des prothèses simples, comme des faux nez, il s'est rendu compte qu'il pouvait les vendre aux boutiques de maquillage londoniennes. De fil en aiguille son travail a commencé se faire connaître.

Très tôt il a dû se documenter sur la chimie des produits qu'il employait, car en ce temps il n'en existait pas qui soient dédié au maquillage, comme c'est aujourd'hui le cas. La plupart des matériaux étaient avant tout destinés au secteur industriel, par exemple le système de mousse de latex qu'il employait était produit par Dunlop. Il explique que lors d'un contrat important pour la télévision britannique, pour lequel il devait produire des prothèses en série, la fabrication du kit de mousse de latex qu'il utilisait fut soudainement stoppée par le fabricant. Cela l'avait contraint à trouver d'urgence des alternatives.

Il fut l'un des précurseurs de l'utilisation du silicone pour la fabrication des prothèses. Bien qu'il admette les avantages en termes de temps et de facilité de mise en œuvre, il reste sceptique par rapport à l’un des principaux arguments que l'on entend souvent en faveur de ce matériau : sa translucidité. De son expérience, sur un tournage le maquillage des acteurs doit au final toujours âtre ajusté en fonction des conditions d'éclairage sur le plateau, ce qui pour lui minimise l'intérêt des propriétés optiques propres au silicone.

La suite de ce reportage sera publiée prochainement sur ESI.

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