A l’occasion de la sortie en vidéo de The Amazing Spider-Man 2, le 3 septembre, découvrez de nouvelles interviews avec l’équipe du film !

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

S’il partage l’affiche du film avec Rhino et le Bouffon Vert, Electro est cependant l’adversaire principal de l’homme araignée dans ce deuxième épisode de la saga « rebootée » par Marc Webb. Rappelons que le criminel sous haute tension est l’un des tout premiers méchants apparu dans les aventures du justicier adolescent, puisqu’il y fait des étincelles dès le numéro 9 du magazine Amazing Spider-Man, paru en 1964 ! Il aura fallu attendre cinquante ans pour le voir transposé sur le grand écran, sous les traits de l’excellent Jamie Foxx, oscarisé en 2004 pour son interprétation stupéfiante de Ray Charles dans le biopic RAY. Nous avons rencontré l’acteur à Los Angeles, pour évoquer la manière dont il s’est emparé de ce rôle, et nous avons parlé du destin du personnage de Gwen Stacy avec la talentueuse Emma Stone avant de rejoindre Andrew Garfield pour un second entretien, et enfin Marc Webb pour un visionnage exclusif dans sa salle de montage.

Entretien avec Jamie Foxx (Max Dillon / Electro)

C’est la première fois que vous jouez dans un film fantastique. Quels sont ceux qui vous ont marqués pendant votre jeunesse ?

J’ai grandi dans une ville du Texas qui s’appelle Terell. Il y avait une petite salle de cinéma près de chez moi qui en projetait beaucoup, et j’allais les voir quand j’étais enfant, à la fin des années 70, début des années 80. J’ai vu ORCA, TENTACULES, LE MONSTRE EST VIVANT, LE BISON BLANC, mais comme je n’avais pas encore l’âge légal pour entrer, je me faufilais en douce dans la salle ! (rires) J’ai vu aussi THE WIZ et LE MAGICIEN D’OZ à ce moment-là.

Qu’est-ce qui pousse votre personnage à se laisser envahir par la haine dans la scène où peu après sa transformation, il est confronté pour la première fois à Spider-Man, sur la place de Time Square ? A quel point est-ce que sa transformation en Electro affecte sa capacité de penser et de jauger la situation dans laquelle il se trouve ?

Je crois qu’il y a plusieurs raisons. Max est un électricien de plus de quarante ans qui vit encore avec sa vieille mère, et dont personne ne se souvient jamais du nom. Et quand le jour de son anniversaire arrive, sa mère l’a oublié et ne le lui souhaite même pas. Toute cette tristesse et ces frustrations l’ont profondément miné. Il a accumulé une grande colère en lui, et quand il se retrouve soudain doté de pouvoirs électriques extraordinaires, il est grisé par la possibilité de se laisser enfin aller, de se défouler. Il peut faire jaillir son agressivité en détruisant tout, mais au fond de lui, tout ce qu’il a envie quand il se retrouve à Time Square, c’est que Spider-Man, qui lui a évité de se faire écraser quand il était encore Max Dillon et qui a été gentil avec lui, le reconnaisse. Mais sa métamorphose a tellement modifié son visage que Spidey ne l’identifie pas tout de suite, et cela met Max en colère. Et quand il fait peur par mégarde à la foule et que Spider-Man est acclamé tandis que les gens le huent, Max a le sentiment d’être trahi par celui qu’il considérait comme son seul ami, et c’est là qu’il bascule dans une haine irrationnelle envers son ancien héros. Max en veut aux dieux et à la terre entière parce qu’il n’a pas eu la chance de mener une vie normale avec une femme, des enfants. Il est tellement grisé par ses nouveaux pouvoirs qu’il est prêt à faire griller toute la ville pour se débarrasser de Spider-Man.

C’est vous qui avez mis au point l’apparence de Max et notamment sa grande mèche rabattue sur le haut de son crâne, pour masquer sa calvitie.

Oui, j’ai dit à ma sœur Deidra, qui est coiffeuse, que je voulais être le premier acteur noir à apparaître dans un film avec un « combover » comme celui-là. (rires) Je me suis rasé complètement la tête, elle s’est occupée du postiche, et cela nous a permis de donner cette apparence décalée et un peu ridicule à Max. Je peux vous assurer que quand je me promenais dans les rues de New York, les passants me regardaient avec pitié. J’en ai entendu plusieurs dire à voix haute « Mais qu’est-ce qui est arrivé à Jamie Foxx ?! Pourquoi porte-t-il cette coiffure minable ?» (rires)

Comment avez-vous joué les frustrations et les peines de votre personnage ?

Il y a énormément de manières de travailler un rôle, notamment en puisant des émotions dans les souvenirs et les situations de son vécu, mais je pense que beaucoup d’acteurs vous diront que le vrai déclic vient souvent quand on rencontre la chef costumière et que l’on revêt pour la première fois les habits du personnage lors des essayages. On entre dans sa peau à ce moment-là, en se voyant dans la glace. Et pour le reste, je crois que tout est dit dans la scène où l’on voit Max rentrer chez lui le jour de son anniversaire : quand il vient voir sa mère, elle l’agresse tout de suite, au lieu d’un gentil bonjour, elle lui lance « Quoi ? Qu’est-ce que tu veux ?! ». Il répond doucement « Il y a quarante-deux ans, à l’hôpital du presbytère, dans la chambre 24B, trois kilos trois cent grammes…. » et elle réplique « C’est quoi ça ? Une devinette ?! » Pour un acteur, cela en dit plus qu’un long discours. Je connaissais déjà les émotions et les souffrances du personnage avant de porter le maquillage d’Electro ou de tourner mes premières cascades. C’était formidable pour moi, car il peut arriver que certaines superproductions soient entièrement basées sur les effets visuels au détriment des personnages, et là ce n’est pas le cas. Cela m’a permis de réfléchir à tout le cheminement de Max Dillon, aux raisons pour lesquelles il devient un méchant. J’ai pu construire ainsi une par une toutes les couches qui composent cette personne. L’une des plus grandes motivations de Max, c’est sa soif de reconnaissance, car personne ne lui prête attention dans son environnement professionnel. Il y a une scène dans le film où l’un de ses collègues d’Oscorp lui dit « Eh, il y a une coupure de courant, tu pourrais t’en occuper ? » et Max répond « Je ne suis pas payé pour faire cela : c’est moi qui ai conçu le réseau électrique de la tour ! » Comme il est discret, les gens le sous-estiment. Bref, il se sent trahi par sa propre mère qui le néglige, trahi par ses collègues de travail, et trahi par la société qui le rejette. Je crois que chacun de nous peut se demander comment il réagirait s’il devait subir ces trois épreuves en même temps, chaque jour de sa vie.

Et vous-même, comment entriez-vous dans la peau du personnage pendant le tournage ?

Pour un acteur, il y a deux manières d’interpréter un rôle. Quand on joue au théâtre, on doit vraiment devenir ce personnage pendant deux heures et vivre intensément ses émotions pour les restituer au public. Au cinéma, on travaille différemment, plan par plan, petit bout par petit bout, avec des temps d’attente assez longs entre les prises. Et quand on vous appelle sur le plateau pour jouer, il faut pouvoir retrouver le personnage très vite, en un instant. Ma manière d’aborder cela, c’est de me souvenir d’interprétations qui m’ont marqué dans certains films. Quand je jouais Max, je pensais aux héros rejetés de RAIN MAN et de FORREST GUMP, et à d’autres personnages vulnérables, abîmés par la vie. J’ai travaillé une démarche particulière, une voix qui manque d’assurance…C’était une opportunité formidable de jouer deux aspects très différents d’un même personnage.

Justement, quelles étaient vos sources d’inspiration quand vous jouiez Electro après sa transformation, après que ses pouvoirs lui aient fait gagner de l’assurance ?

Là, les références cinématographiques étaient différentes : je pensais à ces grands acteurs qui murmurent, comme Clint Eastwood et Alec Baldwin (Jamie Foxx fait une imitation parfaite d’Alec Baldwin jouant de sa voix grave en murmurant). J’ai surnommé Alec « le grand murmureur », et cette façon de parler correspond parfaitement au personnage après qu’il soit devenu un hors la loi prêt à tout pour éliminer Spider-Man.

La suite de ce Spider-entretien paraîtra bientôt sur ESI !
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