Sur le tournage des GARDIENS DE LA GALAXIE : Entretien avec Barry Gibbs, l’armurier des superhéros Marvel
Article Cinéma du Jeudi 02 Octobre 2014

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Depuis que les studios Marvel ont pris l’habitude de venir tourner leurs superproductions en Angleterre dans les studios de Shepperton et Leavesden, Barry Gibbs est devenu le « Monsieur armes & gadgets » des justiciers maison. Il nous a accueilli dans ses ateliers et révélé ses secrets de fabrication…

S’il fallait trouver dans le monde réel l’équivalent du célèbre « Q », le fournisseur des gadgets de 007, on pourrait s’arrêter à la lettre « G » de l’alphabet pour trouver l’homme de la situation. Son nom est Gibbs, Barry Gibbs, et il a construit les accessoires les plus mémorables des derniers blockbusters de Marvel : le bouclier étoilé emblématique, le cube cosmique et les armes des soldats de l’HYDRA de CAPTAIN AMERICA LE PREMIER AVENGER, le marteau du dieu du tonnerre, les éléments décoratifs d’Asgard et les équipements des elfes maléfiques de THOR LE MONDE DES TENEBRES, et bien évidemment les armes et les objets étranges que l’on découvrira bientôt dans LES GARDIENS DE LA GALAXIE. Quand nous l’avons rencontré sur le tournage du film, qui allait s’achever une quinzaine de jours plus tard, Gibbs et ses collaborateurs emballaient soigneusement leurs créations pour les expédier en Californie, aux archives des studios Marvel, tout en se préparant à entamer un nouveau chapitre de cette fructueuse collaboration avec AVENGERS, AGE OF ULTRON. Ses équipes occupaient encore un atelier de sculpture, de moulage et de tirage, un atelier de peinture, et un grand hangar qui servait à classer, à entreposer et à effectuer l’entretien et les réparations de tous les éléments préparés pour LES GARDIENS DE LA GALAXIE. Depuis les débuts de sa participation aux productions Marvel, le travail qui a été entrepris sur ce space opéra est celui qui a pris la plus grande ampleur. Cent trente deux personnes ont travaillé à temps plein sur les accessoires du film, dont quatre vingt dix faisaient partie des équipes de fabrication. Seize collaborateurs s’occupaient de la construction des armes et soixante quatorze à quatre vingt se consacraient à la réalisation des éléments de décors spéciaux. « Nous avons produit toutes sortes d’accessoires, qu’il s’agisse de plantes extraterrestres, de lampes de cinq mètres de haut sur deux mètres quarante de large et de tables géantes, comme cette table de jeu de casino qui mesure six mètres quarante de long sur deux mètres de large » explique Gibbs. Chaque planète ayant son esthétique propre, il fallait la refléter dans les designs des éléments à fabriquer. Sur Xandar, tout est beau, épuré, net, verdoyant. Dans le pénitencier de Kyln, décrit comme « Alcatraz dans l’espace » - autrement dit un endroit dont il est impossible de s’évader - tout est usé, sale, rouillé. Les équipements des différents vaisseaux du film ont eux aussi leur propre style : le Milano, de Peter Quill est élégant à la manière d’un voiture de sport des années 60, tandis que le Dark Aster de Ronan l’accusateur semble avoir été construit avec des monolithes sombres. Parmi les autres astronefs, il y a aussi un module spatial, l’engin des Ravagers, les pirates du cosmos, sans oublier la fusée de Rocket Racoon.

Un travail de grande ampleur

Pour Barry Gibbs, l’aventure des GARDIENS DE LA GALAXIE a débuté alors que le tournage de THOR, LE MONDE DES TENEBRES s’achevait. « Kevin Feige, le PDG des studios Marvel, m’a demandé comment j’envisageais la construction des célèbres « blasters », les pistolets laser à double canons de Quill. J’étais bien en peine de lui répondre, car à cette époque, je ne connaissais absolument pas ce personnage, ni les autres héros des Gardiens de la Galaxie. Je lui ai dit et il m’a fait parvenir un premier traitement du script en novembre 2012. Nos dessinateurs ont réalisé une série de dessins préparatoires des accessoires pendant 5 à 6 semaines, nous les avons envoyés à Marvel pour approbation, et nous avons entamé notre travail à partir de janvier/février 2013. » Initialement estimé à 16 semaines, le délai alloué à la fabrication des accessoires a été réduit à 10 semaines, ce qui a contraint Gibbs à engager plus de personnes au sein de son équipe pour produire tous les éléments prévus bien plus rapidement. Les fameux « blasters » de Quill ont fait partie des tout premiers objets fabriqués, afin de pouvoirs envoyer aux USA des prototypes en résine « bruts », à peine sortis de leurs moules en silicone, pour permettre à Chris Pratt de les tester en les manipulant. Car un accessoire réussi, c’est d’abord un élément que le comédien prend plaisir à utiliser, et avec lequel il se sent parfaitement à l’aise. Pour des armes comme celles-ci, il fallait s’assurer que les crosses des blasters correspondaient bien à la taille des mains de Chris Pratt. C’était bien le cas, mais quand l’acteur est arrivé en Angleterre pour ses essais de costumes définitifs, le volume des pistolets laser semblait trop important une fois que ceux-ci étaient placés dans les holsters accrochés à ses hanches. Pour le diminuer, il a fallu réduire la taille des crosses et obtenir ainsi l’aspect qui a été validé définitivement par l’acteur, le réalisateur et la production. « Les blasters sont des accessoires assez complexes » précise Gibbs « car pour donner l’impression que ces armes fonctionnent, nous avons créé un mécanisme animé qui fait reculer le canon supérieur quand il est sensé projeter un rayon laser. Le canon inférieur, lui, a la fonction d’un « taser », il est supposé envoyer une décharge paralysante. Nous avons placé des éclairages interactifs dans les deux canons, afin que l’équipe des effets visuels ait des points de repère visuels précis correspondant au moment où Chris appuie sur la gâchette et tire. Et comme vous pouvez le voir, la surface des armes est recouverte de vrai métal. » Ce rendu a été obtenu par la métallisation électrolytique, qui consiste à plonger un objet recouvert d’un vernis à base de nickel dans un bain où flottent des particules de métal en suspension. On emploie deux électrodes, l'une est reliée à l'objet, l'autre est plongée dans le bain. Lorsque l'on place l'objet dans le bain, le courant passe entre les deux électrodes et l'objet devient magnétique, attirant ainsi à lui les particules de métal. Au bout de plusieurs heures, une couche de véritable métal recouvre uniformément l'objet. Et dans le cas d’une fausse arme en résine, il renforce aussi énormément la solidité de sa surface. On peut utiliser ce procédé pour obtenir un effet de métal chromé, comme dans le cas des blasters de Peter Quill, mais aussi pour plaquer de l'or, du bronze, ou d’autres métaux nobles sur des accessoires. « Si vous regardez attentivement les blasters, vous remarquerez que nous avons bleui un peu l’extrémité des canons, comme si le métal avait souvent été exposé à de hautes températures. » ajoute Gibbs avec le sourire de l’artisan fier de son travail. « Ils ont ainsi la patine d’armes qui ont réellement fonctionné. Et pour donner aux crosses des armes l’aspect de la fibre de carbone, nous avons employé un procédé appelé Hydrographics qui consiste à reproduire une photographie sur un support de colle à base d’alcool polyvinylique qui se dissout dans l’eau. Cela fonctionne exactement comme une décalcomanie. On place la feuille avec la texture sur la surface d’un récipient rempli d’eau, on laisse la colle se dissoudre, puis on pose délicatement dessus l’objet que l’on veut décorer, et la photo adhère à la surface. C’est un produit qui est souvent utilisé dans l’industrie automobile. Dans notre cas la difficulté a été d’obtenir exactement le même positionnement des textures des deux côtés de l’arme.» En dehors des blasters qui fonctionnent et qui sont utilisés par Chris Pratt dans les scènes d’action, de nombreuses copies de ces armes ont été fabriquées pour différents usages. Des versions inertes réalisées dans des matériaux très légers évitent à l’acteur de porter un poids inutile dans les holsters de son costume quand il ne se sert pas de ses armes. D’autres copies ont été produites en matières souple pour éviter aux doublures cascades, de se blesser au niveau des cuisses pendant une chute. En tout, ce sont 36 exemplaires des blasters qui ont été fabriqués pour servir dans toutes les circonstances du tournage. L’équipe de Barry Gibbs est intervenue sur de nombreuses autres armes comme le « plasma bolt » doté d’animations lumineuses produites par une série de leds de haute puissance qui sont pilotées à distance via un Ipad. Drax, lui, utilise deux dagues qui sont cachées dans ses bottes. Les modèles ont été sculptés en tenant compte de la silhouette imposante de Dave Bautista. « Si nous leur avions donné une taille normale, ces dagues auraient semblé trop petites entre les mais d’un tel colosse. Nous les avons donc agrandies d’un tiers, tout en veillant à ce que l’on puisse encore les dissimuler dans les bottes du personnage. » Les modèles ont été sculptés en plastiline, puis confiés à une fonderie qui en a réalisé des moules puis des tirages en aluminium qui ont été poli. C’est en utilisant la gravure à l’acide que l’on a ajouté en surface des motifs qui reprennent ceux des scarifications de Drax. Gamora possède elle aussi une arme blanche, l’épée « Godslayer » (tueuse de dieux), qui a été fabriquée de la même manière. Des modèles légèrement plus petits ont été réalisés pour les moments où Gamora se déplace en accrochant l’épée dans son dos. « Nous avons également construit le bâton de combat de Nebula, qui passe de sa forme contractée à sa forme déployée grâce à l’intervention du département des effets visuels, et les réacteurs des bottes de Peter Quill. Sans oublier l’arme de Rocket Racoon « L’exécuteur », qui est un canon laser aussi grand que lui, et qu’il a assemblé lui-même à partir de pièces détachées récupérées dans des décharges ou même en chipant des éléments du Milano, le vaisseau de Quill. »

L’archéologue de l’espace

Barry Gibbs et son équipe ont également eu à créer les accessoires intégrés au décor d’un temple plusieurs fois millénaire de la planète Morag. C’est dans ce temps resté longtemps englouti que Quill va découvrir l’orbe qui sera l’objet de bien des convoitises. La porte du temple, recouverte de métal et de différentes patines qui lui donnent un aspect corrodé, s’ouvre grâce à une serrure aux mécanismes complexes qui a été fabriquée en quatre semaines. En coulisses, leur animation a été assurée par des servomoteurs radiocommandés, à la demande de James Gunn, qui préférait que cet effet soit réalisé directement devant la caméra plutôt que créé en 3D pendant la postproduction. L’orbe lui-même est une superbe sphère aux textures à la fois organiques et mécaniques. « James voulait que l’orbe soit à la fois beau et mystérieux, car personne ne sait exactement ce qu’il contient. Il voulait aussi qu’il soit capable d’effectuer certaines actions au cours des séquences du fil où l’on en apprend un peu plus à son sujet. Nous l’avons d’abord modélisé en 3D puis matérialisé grâce à une imprimante 3D, puis ce premier tirage à été retravaillé à la main par Daniel Kieth et Lucy Gibson pour ajouter davantage de détails et de textures fines, et lui donner l’aspect d’un bel objet de joaillerie. Quand nous avons obtenu les reliefs souhaités, nous avons moulé le prototype, et les tirages ont été recouverts d’argent par électrolyse. »

La suite de ce dossier galactique paraîtra bientôt sur ESI !

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