LES TORTUES NINJA : Reportage exclusif à ILM et entretiens avec l’équipe des effets visuels – 5ème partie
Article Cinéma du Dimanche 16 Novembre 2014

L’animation au service de la capture de performance

Entretien avec Tim Harrington, animateur superviseur


Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Comment les expressions faciales des tortues sont-elles créées, dans le détail ?

Je vais vous l’expliquer en prenant encore l’exemple d’Alan Ritchson et des mimiques de Raphael. Au début de processus, nous avons placé Alan sur un fauteuil et nous avons utilisé notre système de scanning des expressions faciales développé à ILM pour enregistrer ses mimiques. Le système est constitué d’un ensemble de huit caméras reliées à un ordinateur. Nous demandons à Alan de mimer 55 expressions différentes, et notre équipement les scanne et les stocke dans l’ordinateur. Une fois que nous avons récupéré ces données, nous les transposons sur la version digitale du visage d’Alan, et nous les « nettoyons » pour nous assurer que le rendu 3D correspond parfaitement à l’aspect réel de son visage avec cette mimique-là. Tout doit être parfait : l’aspect des masses musculaires du visage, les plis de la peau, les rides, etc. Une fois que cette étape est validée, nous transférons ces expressions sur le visage de Raphael, et nous nous en servons pour créer tout un stock d’expressions variées à partir des 55 mimiques de base. Toutes les mimiques sont décomposées pour pouvoir être modifiées et manipulées à partir des curseurs de notre logiciel d’animation. Ce qui est amusant avec ce procédé, comme vous l’avez constaté en voyant les images d’Alan et de Raphael côte à côte, c’est que même sur une créature au visage et au physique totalement différents de ceux d’Alan, on finit quand même par reconnaître ses expressions et sa personnalité, comme si c’était lui qui se trouvait devant la caméra, transformé physiquement en Tortue Ninja !

De combien de curseurs de contrôle disposez-vous pour animer le visage d’une tortue ?

181, dont la moitié est dédiée à l’animation de la bouche, afin que nos héros puissent articuler leur texte de manière réaliste.

Les modèles réduits des personnages qui avaient été fabriqués par Legacy effects ont-ils été apportés sur le plateau pour servir aussi de références pour la lumière ?

Absolument. Les modèles étaient enfermés dans une caisse pour que l’aspect final des tortues demeure top secret le plus longtemps possible. A la fin du tournage de chaque plan, Pablo venait devant la caméra pour être filmé avec le globe chromé puis le globe gris qui servent à enregistrer les sources de lumières, puis il allait chercher la caisse avec les statuettes, et elles étaient filmées à leur tour.

Les acteurs ont-ils du retirer les casques avec les supports des deux caméras pendant le tournage de certains plans dans les décors ?

Oui, par exemple dans un plan tourné dans l’habitacle de la camionnette que conduit Will Arnett, qui joue Vernon Fenwick, l’assistant de la journaliste April O’Neil incarnée par Megan Fox. Il n’y avait pas assez de place dans l’habitacle pour qu’Alan puisse bouger librement avec les caméras de capture de ses expressions. Il a donc retiré son casque et les seules informations dont nous disposions pour animer ce plan ont été les images de la caméra de référence, que nous avons analysées image par image pour relever toutes ses mimiques et ses mouvements d’yeux. L’animation de Raphael a été créée entièrement en poses-clés par la suite.

Pourquoi les acteurs portaient-ils deux balles de ping pong blanches fixées sur des tiges, au-dessus de leurs casques ?

Parce que les personnages 3D des tortues sont plus grands qu’eux, de 10 à 14 cm selon les tortues. Ces balles de ping pong permettaient de savoir exactement à quelle hauteur étaient sensés se trouver les yeux des personnages 3D, et ce sont donc ces balles que les acteurs comme Megan Fox et Will Arnett devaient regarder en jouant à côté des tortues, sur le plateau.

Quelles sont les différentes étapes entre le traitement des données brutes de la capture de performance, et l’animation finalisée, telle qu’on la voit dans le film ?

La première chose que nous faisons, c’est d’utiliser ces données pour animer automatiquement une version 3D de l’acteur. La triangulation des caméras nous permet de savoir exactement où il se trouvait dans le décor ou dans le volume pendant qu’il jouait. Une fois que nous avons récupéré ces mouvements corporels sur la silhouette de l’acteur, nous les transposons sur le personnage 3D de la tortue. Le processus est répété sur les quatre tortues 3D, et nous obtenons ainsi une première version « brute » de l’animation des corps des personnages, où ne figurent pas encore les mouvements des mains ni des doigts, pas plus que les animations faciales, qui sont récupérées et transposées sur les tortues dans un second temps. Ensuite, nous faisons des retouches en fonction des demandes du réalisateur et du producteur, et nous obtenons l’animation finalisée, à laquelle sont ajoutées les simulations des masses musculaires, de la peau, et les animations secondaires des vêtements, des accessoires et armes des personnages. On passe ensuite à l’éclairage des tortues pour arriver au plan terminé.

Est-ce que les doigts d’un acteur jouant une tortue étaient attachés par groupe de deux, afin que ses mains bougent comme si elles n’avaient que trois gros doigts, comme celles des tortues ?

Oui, il leur est arrivé d’utiliser des sortes de petits filets en forme de tubes pour attacher leurs doigts ainsi, mais la plupart du temps, les acteurs portaient des gros gants bleus à trois doigts en tissu rembourré.

Comment avez-vous animé Splinter, le maître ninja et le mentor des tortues ?

Splinter a été interprété sur le plateau par l’acteur de petite taille Danny Woodburn, et c’est Tony Shaloub, bien connu pour le rôle principal de la série MONK, qui lui prête sa voix. Splinter est la figure paternelle des tortues, car il les a élevées depuis le plus jeune âge, et leur a enseigné aussi les arts martiaux. Etant un rat mutant, Splinter n’est doté d’aucune caractéristique humaine dans la structure de son visage. Heureusement, on nous a laissé la liberté de le modifier pour faciliter l’animation de ses expressions faciales et les mouvements d’articulation des phrases qu’il prononce. Nous avons cependant utilisé des mouvements de vrais rats à titre de référence et les avons incorporés à sa gestuelle. Cela permet de créer des moments assez amusants où après avoir évolué comme un humain, il se met à courir à quatre pattes et grimpe rapidement le long d’un mur, comme n’importe quel rat normal. Et dans certains moments des combats, il se sert de sa queue comme d’une arme.

La suite de notre dossier Tortues Ninja / ILM paraîtra bientôt sur ESI !

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