LES TORTUES NINJA : Reportage exclusif à ILM et entretiens avec l’équipe des effets visuels – 6ème partie
Article Cinéma du Lundi 17 Novembre 2014

Quatre carapaces contre une armure de métal
Entretien avec Tim Harrington, animateur superviseur


Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Shredder, le méchant du film qui porte une armure argentée, est encore plus massif et mieux équipé que dans les dessins animés et les films précédents…

Oui. Nous l’avons conçu de la même manière que nous avions réalisé l’armure d’Iron Man. Un acteur nommé Tohoru Masamune lui prête sa voix et l’incarnait quand Shredder ne portait pas l’armure, et plusieurs cascadeurs ont joué le personnage sur le plateau en portant une de nos tenues de mocap. C’était souvent notre chorégraphe des combats, Garrett Warren, qui jouait Shredder dans les séquences de batailles principales, car il est vraiment excellent dans ce domaine. C’est un expert en arts martiaux. Nous avons entièrement créé l’armure de Shredder en 3D. A l’origine, Shredder n’avait que quelques griffes de métal sur chaque main, mais nous avons décidé d’aller beaucoup plus loin en le dotant de 6 lames géantes sur chaque bras, qu’il peut déployer ou rétracter à sa guise. Il peut même les projeter et les transformer en projectiles pour atteindre un ennemi de l’autre côté d’une pièce.

Shredder est très impressionnant ainsi, transformé en une sorte de couteau suisse géant, mais avez-vous essayé de préserver une certaine « crédibilité mécanique » en animant la manière dont ses lames jaillissent ?

Oui et ce dès nos premiers tests. Nous nous sommes demandés comment ces énormes lames pourraient se rétracter et s’insérer dans son armure sans entraver ses gestes, et nous avons conçu une animation mécanique assez crédible pour cela marche visuellement, comme si un vrai ingénieur s’était penché sur la question pour résoudre ce problème.

Revenons au tournage des combats en capture de performance. Comment ont-ils été préparés, enregistrés, puis animés ?

Les combats ont été conçus par Gareth Warren, longuement répétés avec les acteurs et les cascadeurs, puis tournés avec leurs tenues de mocap. Dans certains plans, les acteurs ne pouvaient pas porter leurs casques avec les caméras, car leurs supports auraient entravé leurs gestes, et les caméras auraient pu être endommagées. Nous nous sommes donc souvent servi des caméras de référence pour recopier et transposer les expressions des acteurs sur les visages 3D des tortues. Mais au-delà de ces détails pratiques, les cascades et les combats enregistrés ont surtout été utilisés comme référence de base, car pratiquement tous les sauts, les coups, et les actions des tortues ont été énormément amplifiées pour être plus spectaculaires. Comme vous le savez, pendant une cascade, les coups ne sont pas vraiment portés : la main du cascadeur qui donne un coup de poing passe à une bonne dizaine de centimètres du visage de l’autre cascadeur qui est sensé être frappé. En prises de vues réelles, cet effet ne marche que si la caméra est placée dans le bon angle, et ne peut pas voir cette distance de sécurité entre le poing du premier personnage et la mâchoire du second. Nous avons donc repris cela dans nos animations pour créer de véritables impacts entre les poings des tortues et les visages de leurs ennemis, et procédé de même pour les coups donnés avec le bâton ou les nunchakus. De même, si un acteur faisait un saut de quarante centimètres en l’air au cours d’une action, cela devenait un saut d’au moins un mètre cinquante dans la séquence d’animation finalisée. Nous avons aussi fait des montages d’actions provenant de différentes prises pour ne garder que les meilleures et les plus dynamiques. Cela nous a permis d’augmenter l’impact visuel des combats et de rendre ces séquences beaucoup plus excitantes que si nous avions utilisé une seule prise de A à Z.

Quand on tourne à 24 images par seconde, et que l’on fait des arrêts sur images dans des séquences de combats rapides, les silhouettes des acteurs sont floues à cause de la vitesse des mouvements. Est-ce que cela devient un problème quand on filme des combats en mocap, et savez-vous s’ils ont été tournés à plus de 24 images / seconde afin que les marqueurs soient plus nets et donc plus faciles à détecter par les caméras de référence ?

Je l’ignore, mais ce que je peux vous dire, c’est que les scènes tournées nous ont toujours été livrées en 24 images / seconde. Il est possible que certains combats aient été tournés à 30 images / seconde, mais je ne crois pas qu’ils aient utilisé des vitesses plus élevées que cela.

Combien de plans les équipes d’ILM ont-elles animé dans le film ?

Nous avons six personnages principaux réalisés en 3D, qui apparaissent dans 579 plans où l’on voit dans la plupart des cas au moins deux personnages en même temps. 200 de ces plans sont des plans serrés de dialogues entre les tortues. En additionnant ces scènes animées, on arrive à un total de 47 minutes dans le film. Ce travail a mobilisé 60 animateurs chez nous.

Avez-vous pu animer certains plans du film en utilisant uniquement les données de captures de performance, sans apporter aucun retouche à l’animation ?

Oui, cela nous est arrivé, mais au final, nous avons utilisé des combinaisons de toutes les approches possibles. Il est arrivé que les captures d’expressions faciales et les performances des acteurs soient si bonnes que nous les avons transposées directement sur les personnages, en obtenant d’excellents résultats. Mais dans d’autres cas, une performance pouvait être un peu en deçà des attentes du réalisateur, ou il pouvait arriver qu’il y ait une petite interruption de l’enregistrement de certaines données, parfois pour des raisons toutes simples, comme des postillons sur l’objectif des caméras HD filmant les visages, qui brouillaient un peu la détection de certains marqueurs. Il pouvait arriver aussi qu’en sautant violemment, les acteurs fassent trop bouger les supports des caméras, et brouillent ainsi pendant une seconde la détection de leurs mimiques. Dans ce type de situations, les animateurs doivent examiner les images vidéo de référence des acteurs, voir où les données de détection disparaissent ou deviennent fausses, et faire les corrections appropriées. Et dans certaines scènes d’action très intenses, nous n’avions pas besoin que les acteurs portent leurs casques : il nous suffisait d’animer les visages en poses-clés ultérieurement.

La suite de notre dossier Tortues Ninja / ILM paraîtra bientôt sur ESI !

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