Dans les coulisses du MANOIR DE PARIS : entretien exclusif avec le créateur de ce show de l’effroi – 2ème partie
Article Attractions du Lundi 01 Decembre 2014

Entretien avec Adil Houti

Propos recueillis par Alexandre Pinteau

Comment avez-vous travaillé les ambiances d'ombres et de lumières ? Elles contribuent à susciter la peur du spectateur…

Comme nous changeons régulièrement les décors des salles, nous modifions aussi les éclairages afin que ceux-ci les mettent bien en valeur. Il faut que l'acteur puisse se positionner à des endroits éclairés avec précision pour montrer son maquillage ou son masque. Il y a donc un travail constant de la lumière. D'une semaine à une autre nous nous disons "Tiens, dans cette salle, nous pourrions améliorer la scénographie en créant une lumière froide dans des tons plus bleus, plus violets. Et dans ce décor où nous voulions donner l’illusion d’un éclairage à la bougie, utilisons des lumière plus jaunes / orangées". Nous réfléchissons à tous ces éléments et jouons énormément dessus. Il y a les coins d'ombres d'où va surgir quelque chose, où vous vous sentez à l'étroit. Les jeux d'obscurité et de lumière accentuent l'illusion de la grandeur ou de l'étroitesse d’un décor. C’est une règle essentielle, que l’on utilise au cinéma comme dans les autres arts. La lumière sert à souligner, à montrer, et son absence à cacher ce que l’on veut dissimuler aux visiteurs.

Certains personnages à moitié éclairés font naître un doute chez le visiteur : il se demande s’il s'agit d'un mannequin, d'un élément de décors inerte ou bien d'un acteur qui fera un « jumpscare », c’est à dire qui bondira pour le faire sursauter.

Vous connaissez les termes des maisons hantées, c'est parfait ! (rires) Dans l’aire des moines par exemple, nous changeons les personnages de place tout le temps pour qu’un client qui viendrait la semaine suivante ne puisse pas savoir d'où va surgir le moine !

Et pour le design des créatures, vous êtes-vous inspirés de SILENT HILL ?

Je regarde beaucoup de films et de jeux, mais nous savons aussi créer nos propres monstres. J'imagine des choses étranges que je retranscris en dessins. Je donne ensuite mes croquis à notre maquilleuse spécialiste des effets spéciaux, qui est très douée. Je vais vous révéler un petit scoop : cette année, notre thème d'Halloween portera sur la peste. Notre maquilleuse travaille en ce moment sur les différents types de masques que portaient les médecins du Moyen-âge, l’époque où les épidémies de peste faisaient le plus de victimes. Certains masques ont une sorte de long bec d’oiseau fermé. Les médecins de l'époque remplissaient ces « becs »de différents liquides ou d'encens pour ne pas « respirer la maladie ». Nous nous inspirons de cela et dans les scènes que nous préparons, il y aura à la fois des éléments réels et aussi de la fiction. Nous puisons notre inspiration dans différents genres : les thrillers, les films d’action et même les comédies. Quand nous n'arrivons pas à effrayer un client, nous essayons au moins de le faire rire, de lui montrer un côté SHAWN OF THE DEAD où on a plus envie de s'amuser. Il faut que l’on éprouve toutes sortes d’émotions différentes pendant la visite du Manoir, comme si l’on se trouvait sur une montagne russe où l’on crie de peur autant que l’on rit !

Au sujet des légendes, pendant le parcours on reconnaît Quasimodo…

Bien sûr ! (rire)

…mais vous lui avez donné un look assez sale et repoussant en inversant le cliché du gentil bossu. Est-ce le cas pour toutes les autres légendes du manoir ?

Il est plus original de s’écarter de la version gentille du personnage de Quasimodo. Ce n'est pas la réalité même s'il a été décrit ainsi par la plume du génial Victor Hugo. Il y a toutes sortes de légendes parisiennes réellement effrayantes en fait. Par exemple le barbier qui égorgeait les clients et le pâtissier qui faisait des tourtes à la viande humaine que nous présentons pendant notre parcours ont réellement existé. Il n'y a pas besoin de toucher à ces légendes, elles sont magnifiques telles quelles ! Ces évènements horribles ont eu lieu en France dans les années 1300, et ils sont tellement incroyables que nous n'avons pas au besoin d'ajouter notre "sauce" au récit pour le pimenter ! C'est extrêmement effrayant. Vous avez cité notre version plus horrifique de Quasimodo, mais nous présentons aussi notre vision du Fantôme de l'Opéra, qui n’est pas la version romanesque de Gaston Leroux ou de la célèbre comédie musicale, mais une transposition dans l’épouvante.

Vous préférez les récits originaux, plus réalistes, et pas édulcorés.

Exactement. Nous mettons en valeur le côté sombre des personnages. Il y a la légende de Philibert Aspairt, qui est parti à la recherche de bouteilles de chartreuse (une catégorie de liqueur, NDLR) dans les catacombes et qui s'est perdu. Ce n'est qu’au bout de onze ans que l'on a retrouvé son corps réduit à un tas d'os, que l’on a pu identifier grâce à ses clefs. C'était une histoire tellement inquiétante que nous n'avons pas eu besoin d'ajouter quoi que ce soit. Ce sera d’ailleurs un squelette qui va se déplacer dans le parcours et accompagner les visiteurs dans des décors de catacombes !

Pourquoi les acteurs qui jouent les monstres n'ont-ils pas le droit de toucher les visiteurs ?

Pour deux raisons : on ne peut pas toucher les clients car ils pourraient avoir des réactions extrêmes, imprévisibles. Comme nos acteurs entrent assez intensément dans la bulle de confort des visiteurs, certains oublient souvent que ce n'est qu’un spectacle ! Par conséquent on retire totalement l'élément "toucher". Mais il y a des soirées comme les DARK NIGHTS où nous plongeons le Manoir dans l'obscurité totale. C'est un événement réservé aux habitués. Ils connaissent le principe et veulent aller encore plus loin dans l'aventure en se retrouvant dans les ténèbres. Nous leur distribuons des petits sticks lumineux. On a le droit de les emporter ou de les laisser en partant. Nous voulons aller encore plus loin dans d'autres soirées mais ce sont des projets pour le futur.

Avez-vous rencontré des problèmes ?

Cela nous est arrivé. Par prudence, nous prévenons les visiteurs des mesures de sécurité à respecter avant qu'ils entament le parcours. Nous déconseillons la visite aux épileptiques, aux personnes cardiaques, aux femmes enceintes et aux claustrophobes parce qu'il y a des zones où l’on se retrouve totalement enfermé. Ils sont informés de tout cela à l'avance et nos acteurs sont entraînés pour réagir si jamais un client était victime d’un malaise. Toute l'équipe a été formée au secourisme. Il y a 38 acteurs et huit employés supplémentaires dans le Manoir, et parmi ces employés cinq ont été formés aussi au secourisme. Et bien sûr, il y a les agents de sécurité.

Vos acteurs sont polyvalents : ils préparent eux-mêmes leurs maquillages...

Lors des premières sessions de recrutement, nous faisons faire deux tests aux candidats pour voir quelles sont leurs compétences d’acteurs et leurs capacités à tenir un rôle pendant quatre heures de suite, car c'est un métier qui vous entraîne à faire des efforts physiques intenses. Il faut savoir se déplacer, se cacher, prendre une voix différente. Tout cela nécessite un entraînement intensif. La dernière phase est le maquillage. Notre maquilleuse professionnelle les forme et leur apprend les différentes techniques. Ils doivent les assimiler et se grimer eux-mêmes. Si nous ne fonctionnions pas ainsi, maquiller trente-cinq personnes prendrait entre cinq et six heures avant l'ouverture du Manoir ! C’est pour cette raison que les acteurs se griment et que nous nous chargeons des petites touches finales si nécessaire. Parmi nos comédiens, il y en a qui arrivent à faire des choses incroyables en maquillage, et même en utilisant du latex et d’autres produits.

Quel matériel utilisez-vous pour la confection de vos maquillages ?

Je me charge d’acheter tout le matériel pour notre équipe. Cela représente un budget de fournitures de maquillage d’environ 50 000 euros par an, avec les différents fonds de teints de couleurs de peau, le faux sang, le latex, le coton, les pinceaux, les crayons pour imiter les veines, etc. Et nous avons aussi des petits secrets techniques pour donner l'illusion de peaux rêches, qui s'effritent. Nos acteurs s'amusent à inventer de nouvelles choses et c’est très bien. Nous essayons aussi de recycler nos produits pour éviter qu’ils nuisent à l'environnement.

Est-ce un ingénieur son qui crée vos ambiances sonores ?

Nous employons un musicien qui est aussi un de nos acteurs. Il fait partie d’un groupe de Hard Rock. Il est assez connu et il a tellement aimé le Manoir qu'il m'a proposé de composer des ambiances musicales et bruitées pour nous. Il est devenu ainsi le compositeur officiel du Manoir de Paris. Il crée une atmosphère sonore spécifique pour chaque salle du manoir. Par exemple pour la légende de Philibert Aspairt, en entrant dans le décor des catacombes, on entend des bruits de craquements d'os, des rats qui se déplacent sur des os, un son lourd, lugubre derrière tout cela…Nous utilisons trente ambiances musicales différentes dans le manoir. Vingt pour LE MANOIR DE PARIS et dix pour ASYLUM. Nous créons des moments de stress et de suspense dans ces séquences musicales. Tous les sens du visiteur doivent être pris en considération. Nous utilisons aussi des odeurs, comme vous avez dû le remarquer quand vous avez vu la scène du boulanger sanguinaire. Nous achetons des odeurs de différentes sortes : des odeurs de corps en putréfaction, d'égouts, de moisissures, de cimetière. Elles sont vraiment réalistes, et ces décors sentent mauvais ! Même nous, nous ne parvenons pas à nous y habituer ! (rire)

Parmi les visiteurs, il y a t-il beaucoup de touristes ?

Pas tant que ça. La plupart des touristes viennent de province et nous sommes ravi de les accueillir. Beaucoup ont aimé le manoir et grâce à leur enthousiasme, le bouche à oreille se fait très bien. Le touriste étranger, même s'il adore se rendre dans des maisons hantées dans d’autres pays, ne sait pas forcément qu’on peut vivre cette expérience à Paris aussi. Nous sommes encore trop jeunes et nous devons travailler sur notre notoriété. Le manoir n'a que trois ans d'existence et faire de la publicité en France n'est pas chose facile, surtout quand on est un lieu qui présente des spectacles horrifiques. De plus, acheter des espaces de publicité est une opération assez coûteuse… Cela explique donc que nous ne recevions pas beaucoup de touristes étrangers. Mais quand ils nous rendent visite, ils sont extrêmement satisfaits.

Est-ce que les visiteurs peuvent effectuer le parcours en solitaire ?

Bien sûr. Mais avant, nous vérifions quand même que le visiteur solitaire n'a pas un comportement de psychopathe ! (rire) Cela dit, il est extrêmement rare qu'une personne fasse le parcours toute seule.

Est-ce qu'il y a des enfants parmi les visiteurs ?

Quelquefois. C'est un spectacle déconseillé aux moins de dix ans et nous projetons d’ailleurs de présenter des spectacles aux effets plus intenses , ce qui nous contraindrait à mettre en place une interdiction aux moins de douze ans. Les réactions des enfants sont de deux sortes : soit ils adorent, soit ils détestent et cherchent à s’enfuir vers la sortie dès les premières scènes ! Cela arrive également à certains adultes ! (rire) En revanche si nous décidons ultérieurement de présenter un spectacle pour les enfants, il ne sera pas le même que pour les adultes. Nous allons diminuer l'intensité des scènes et nous ne jouerons pas de la même manière. Nous allons jouer l'histoire racontée plus que l'histoire vécue.

Où vous procurez-vous les costumes des personnages ?

Nous achetons des costumes tout faits dans les conventions de maisons hantées qui existent aux Etats-Unis. Mais sinon tout le reste est fabriqué ici. Nous nous approvisionnons aussi dans des friperies et ensuite, nous faisons des retouches sur les éléments des costumes récupérés ainsi. L’essentiel du travail de la costumière consistera à ravager un beau costume impeccable que l'on vient d'acheter, en lui donnant un aspect usé, sali, et en ajoutant différentes textures. Nous dispersons même du latex teinté en rouge sur le vêtement pour créer des tâches de sang. Nous lavons les costumes chaque semaine et comme la texture s'en va à l'eau, il faut la refaire.

Pouvez-vous nous parler d'ASYLUM ?

ASYLUM existe depuis Octobre 2013. Les légendes que nous présentons font partie des histoires de Paris les plus sombres. Et nous en ajouterons toujours des nouvelles. Je suis très content que nous nous trouvions dans le 10e arrondissement car c'était ici que se situait cet endroit fameux que l'on appelait la cour des miracles, où se trouvaient tous les lépreux et les malades. J'ai appris aussi que l'hôpital Saint Lazare qui se trouvait juste à l’arrière de la cour des miracles était à la fois un couvent et en même temps une prison pour les gens aux moeurs un peu trop légères ! Je me suis dit que le personnage du Comte du Manoir, « propriétaire » de tous ces monstres aurait pu aménager une petite zone pour lui dans son immeuble pour y faire des tests sur certains patients venant de l'hôpital d'à côté. Et c'est pour cela que nous nous sommes mis en tête de créer un asile de fous. Cela nous permet de donner à cette partie du parcours un style différent de celui du manoir. C'est une autre expérience, un autre « désordre arrangé" ! (rire)

Comment avez-vous découvert ces légendes ?

Nous consultons des archives ou bien nous nous rendons dans certaines bibliothèques. On trouve beaucoup de livres consacrés aux mystères de Paris en librairie. Il reste encore énormément d'histoires à présenter à nos futurs visiteurs. Nous en avons raconté une vingtaine mais en réalité il y en a plus d'une centaine inspirées de faits réels. Certaines sont plus faciles à recréer dans le manoir que d’autres. Par exemple pour évoquer le personnage de Jean Sans Tête, on pourrait recréer physiquement un personnage décapité mais la légende en elle-même n'est pas facile à mettre en scène dans notre site. Il faudrait trouver le moyen de l’adapter.

http://lemanoirdeparis.fr/votre-visite/
www.facebook.com/LeManoirDeParis

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