Les GARDIENS DE LA GALAXIE en Blu-ray : Entretien avec James Gunn, réalisateur – 3ème partie
Article Cinéma du Lundi 22 Decembre 2014

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Depuis quelques années déjà, Marvel a confié à Joss Whedon la tâche d’être « le gardien de son univers » et de suivre tous les projets pour assurer leur cohérence. Quels ont été vos rapports avec lui pendant la préparation des GARDIENS DE LA GALAXIE ?

Joss est un vieil ami, et il était l’un de mes supporters les plus enthousiastes quand j’ai postulé pour obtenir ce double job de scénariste et de réalisateur des GARDIENS DE LA GALAXIE. Après que ma première version du script ait été soumise à Marvel, il m’a incité à la retravailler en la rendant plus proche de ma propre personnalité. J’ai suivi son conseil et cette version plus personnelle a finalement été validée par la direction du studio.

Destinez-vous le film plus particulièrement aux fans de Marvel et aux amateurs de BDs, ou au grand public ?

A un public très large. C’est une aventure qui pourra plaire à tout le monde, à toutes les tranches d’âge. Et je pense que nous y sommes parvenus sans chercher à imiter d’autres films ni copier des formules connues. Nous avons essayé de créer quelque chose d’original et de nouveau. Alors bien sûr, c’est un risque important à prendre, mais je crois que c’est aussi ce que les gens ont envie de voir quand ils se déplacent pour venir au cinéma : ils veulent être vraiment surpris. J’ai essayé de me souvenir de ce qui me paraissait tout neuf et totalement différent quand j’étais enfant et que j’allais voir des films qui m’enthousiasmaient, comme les superproductions d’aventure des années 80 et les récits épiques qui se déroulaient dans l’espace. J’ai essayé de rester dans l’état d’esprit du gosse que j’étais et qui mourrait d’envie d’aller voir ces films.

Les personnages des GARDIENS DE LA GALAXIE sont surtout connus d’une petite frange des fans de comics, mais pas du grand public. Est-ce que cela vous a donné plus de liberté pour adapter ces bandes dessinées au cinéma ?

Oui, indéniablement. Quand vous vous attaquez à l’adaptation de personnages très connus comme ceux des Avengers, le public a forcément certaines attentes, et parfois des opinions très tranchées sur ce qu’il faudrait faire. En revanche, les spectateurs qui vont venir découvrir LES GARDIENS DE LA GALAXIE ne s’attendront certainement à rien de précis, étant donné que la notoriété de ces comics est relativement faible en dehors du milieu des fans. Cela me permet d’avoir beaucoup plus de liberté dans ma manière d’adapter ces BDs à l’univers cinématographique de Marvel. Cela étant dit, la grande majorité du public a accepté sans problème les changements qui ont été apportés à certains éléments des comics quand ils ont été transposées au cinéma, et la raison pour laquelle cela a marché, c’est parce que les dirigeants des Studios Marvel ont toujours respecté à la lettre l’esprit des BDs. Cela n’a pas toujours été le cas quand d’autres studios ont adapté des personnages de Marvel, et moins l’esprit des histoires originales était présent, moins ces films-là ont eu de succès. Mais pour revenir au manque de notoriété des personnages des GARDIENS DE LA GALAXIE, les studios Marvel ont déjà connu une situation similaire : quand IRON MAN est sorti en 2008, si les seuls spectateurs qui étaient venus voir le film étaient ceux qui connaissaient le personnage, le film aurait été un flop. Même si LES GARDIENS DE LA GALAXIE sont encore moins connus qu’Iron Man ne l’était avant 2008, cela n’a pas d’impact sur les chances de succès du film au boxoffice. Nous l’avons tourné en pensant aux fans, mais surtout au reste du monde, afin de divertir des dizaines de millions de personnes qui n’ont jamais entendu parler de Starlord, de Gamora, de Drax le Destructeur, de Groot ou de Rocket Racoon ! Nous bénéficions aussi de tout le travail accompli auparavant par les Studios Marvel, qui ont prouvé à un large public qu’ils savaient vraiment bien adapter les comics en films, en constituant un univers cohérent aux trames narratives toutes liées les unes aux autres, avec des évènements décrits dans un film qui ont des conséquences dans tous les autres, et des personnages qui passent d’une aventure à la suivante. Et parmi les grandes réussites de Marvel, il faut saluer leur manière de rendre ces histoires accessibles à tous, et leur pari audacieux de mettre en vedette des superhéros qui n’appartenaient pas aux trois superstars du genre que sont Superman, Batman et Spider-Man. Il faut se souvenir qu’auparavant, personne n’aurait osé financer une superproduction sur un personnage aussi peu connu qu’Iron Man ! Marvel a pris de grands risques, mais a agi très intelligemment. Et ils continuent à agir de la même manière en préparant leurs prochaines phases de production.

Et pour aller encore plus loin sur ce sujet, qu’est-ce qui fait selon vous que Marvel est capable de lancer un film avec une guerrière verte, un arbre vivant et un raton laveur qui parle, et de susciter déjà une attente très positive alors que quand DC Comics et Warner préparent des projets sur des personnages fantastiques ou « cosmiques » comme la série WONDER WOMAN et le film GREEN LANTERN, ils sont soit abandonnés avant d’être produits, soit si mal conçus que cela donne des flops ?

Je en sais pas comment vous répondre…sinon qu’en disant que les Studios Marvel sont dirigés depuis le début par Kevin Feige, qui est un vrai visionnaire, et qui assure toute la cohésion de leur brillante stratégie. Il a aussi permis à des réalisateurs de se joindre à leur équipe et d’apporter leur vision créative. Franchement, je ne sais pas exactement ce que les gens qui dirigent les productions de DC Comics font, mais Kevin aime sincèrement les personnages Marvel et il les connaît extrêmement bien. Et tous les autres dirigeants des Studios Marvel sont comme lui : ce sont de vrais geeks !

Et vous, vous considérez-vous aussi comme un geek ?

Ecoutez, j’aime tellement les comics que je serais vraiment d’une mauvaise foi épouvantable si je prétendais le contraire ! (rires)

Comme définiriez-vous votre style personnel et la manière dont vous l’avez utilisé en réalisant ce film ?

J’aime bien réunir des ambiances, des tons et des personnages très différents au sein du même film. L’une des choses que je préfère, c’est mélanger des situations très dramatiques avec des éléments comiques, et je crois que les spectateurs qui viendront voir LES GARDIENS DE LA GALAXIE en pensant qu’il s’agit d’un spectacle toujours léger seront étonnés par certains moments très émouvants de notre histoire. Il y a des circonstances qui sont vraiment tristes, et que nous présentons de manière sincère, au premier degré. On n’a pas encore eu l’occasion de voir cela dans les autres films de studios Marvel et je pense que ce sera l’occasion de découvrir à la fois un nouvel univers de fiction, et une nouvelle approche narrative.

Pouvez-vous nous parler du choix de Benicio Del Toro pour interpréter le personnage du Collectionneur, et de ce qu’il a apporté au rôle ?

Benicio est l’un de mes acteurs favoris. Il s’est complètement immergé dans ce rôle et il le joue d’une manière très particulière, très savoureuse, qui n’appartient qu’à lui. Je crois que personne d’autre n’aurait pu le jouer comme cela, d’une façon aussi extravagante mais qui fonctionne si bien. Je crois que les spectateurs vont être fascinés par ce personnage du Collectionneur et par l’interprétation de Benicio.

Tout récemment, Disney n’a pas réussi à attirer le grand public pour aller voir JOHN CARTER, en dépit des indéniables qualités du film d’Andrew Stanton. Est-ce que cet échec récent dans le domaine de la Science-Fiction vous a un peu inquiété quand vous avez entrepris l’adaptation des GARDIENS DE LA GALAXIE ? Est ce que vous avez ressenti plus de pression en vous attelant à ce projet ?

Non, je ne ressens pas plus de pression parce que LES GARDIENS DE LA GALAXIE appartient au même registre, celui de la SF. On peut se poser la question de savoir pourquoi JOHN CARTER n’a pas eu le succès espéré et tenter d’analyser les raisons pour lesquelles les gens ne se sont pas déplacés pour venir le voir en salles…Je suis sûr qu’il y en a, mais je n’ai pas la réponse. Pour ma part quand j’ai entrepris l’adaptation des GARDIENS DE LA GALAXIE, je me suis focalisé sur les relations entre les personnages et la manière de les décrire dans le film. Alors, oui, c’est vrai qu’il y a un raton laveur qui parle parmi eux, mais ma démarche a été de faire une liste de toutes les questions que l’on peut se poser à son sujet – d’où vient-il ? Comment est-il devenu ce qu’il est ? etc - et de rendre les réponses les plus crédibles possibles. Ensuite, ma seconde tâche a été de considérer que parce que nous allions être projetés dans une autre galaxie, dans des mondes totalement étrangers, il fallait trouver le moyen d’établir une connexion émotionnelle très forte entre nous et ces personnages. Nous devions faire en sorte qu’ils semblent réalistes afin que les spectateurs puisse éprouver de l’empathie pour eux. Il arrive quelquefois que le public soit totalement déconcerté par des univers de Science-Fiction parce qu’ils sont trop éloignés de lui, trop étranges et donc ressentis comme faux. C’était cela, l’un de nos plus grands défis : présenter des environnements incroyables, étonnants, jamais vus, mais tout en ne perdant jamais de vue une certaine crédibilité, un certain réalisme émotionnel qui nous permette de nous sentir proche des personnages principaux. Comme tous nos efforts sont allés en ce sens depuis le début du film, je crois que les spectateurs n’auront pas de mal à se sentir à l’aise dans l’univers des GARDIENS DE LA GALAXIE et que ce voyage devrait leur plaire.

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