Dans l’ombre de Solo : A Star Wars Story : Le scénariste Lawrence Kasdan
Article Cinéma du Mercredi 16 Mai 2018

En l'absence de George Lucas, Lawrence Kasdan, 69 ans, scénariste des Episodes V et VI de la saga Star Wars, mais aussi des Aventuriers de l’Arche perdue, fait le lien entre deux époques de la saga Star Wars depuis la sortie du Réveil de la Force. Une présence qui a pu rassurer les fans de la première heure.

Par Pierre-Eric Salard

Évidemment, la carrière de Lawrence Kasdan ne peut pas se résumer à sa participation aux sagas Star Wars et Indiana Jones, toutes deux créées par George Lucas. Scénariste, producteur et réalisateur, Lawrence Kasdan a œuvré pendant près d’un quart de siècle dans l’industrie hollywoodienne. Dans les années 1980 et 1990, il fut ainsi nommé deux fois à l’Oscar du meilleur scénario original (pour Les copains d’abord et Grand Canyon), ainsi qu’aux Oscars du meilleur film et du meilleur scénario adapté pour Voyageur malgré lui. Cependant, suite à l’échec de Dreamcatcher, l’attrape-rêves (2003), son nom disparut des génériques… jusqu’en 2012 ! Retour sur une carrière riche en succès… et en échecs.

La révélation

Né le 14 janvier 1949 à Miami, en Floride, Lawrence Kasdan grandit dans une petite ville de la Virginie-Occidentale. À la fin des années 1950, le futur cinéaste, raillé par ses amis à cause de ses origines juives, se sent rejeté. « Toute personne qui se considère artiste, en toute modestie, vous dira qu’elle se sentait comme un étranger durant son enfance », explique-t-il. « Parce que cela crée un sentiment de solitude… Vous vivez dans votre tête. Vous vous dites : je vais faire une chose sur laquelle personne ne pourra avoir un impact. Et je vais la montrer à tous ceux qui ne me comprennent pas ». Son père s’occupait d’un magasin d’électronique, mais avait toujours voulu être écrivain. « Il a eu une vie très frustrante, et il est mort relativement jeune. Cela a eu un impact considérable sur moi. J’ai grandi dans une maison où lire et écrire était non seulement acceptable, mais possible ». Si Les sept mercenaires (1960) et La grande évasion (1963) ont marqué l’adolescent, Lawrence d’Arabie (1962) changea sa vie. « J’ai su que je voulais faire des films. Mon frère m’emmenait au cinéma et m’expliquait que des gens avaient écrit, puis filmé chaque scène… C’est la première fois que j’y pensais ! Par la suite, je ne me suis plus posé de questions… » Lawrence Kasdan poursuit ensuite ses études à l’Université du Michigan, où il reçoit le prix Hopwood, en 1969, pour l’écriture d’une pièce. Il rejoint la célèbre université californienne UCLA, mais ne réussit pas à rentrer dans le programme dédié à la réalisation, qu’il convoitait. Rattrapé par la réalité, il délaisse ses rêves de cinéma et retourne dans le Michigan, où il se mariera. Tout en poursuivant l’écriture pour le théâtre, il suit une formation pour devenir professeur d’anglais. « Quand j’ai eu mon diplôme, il n’y avait aucun emploi. C’était encore plus difficile que de devenir réalisateur ! » Il finit par obtenir un poste dans la publicité ; un domaine dans lequel il officiera pendant cinq ans à Détroit puis Los Angeles. « J’ai apprécié les six premiers mois », se souvient-il. « Par la suite, je ne supportais plus ce travail. Mais j’avais un enfant, et je voulais continuer à écrire des pièces ». Finalement, en 1977, son agent réussit à vendre le scénario de ce qui deviendra, quinze ans plus tard, Bodyguard (1992). « 67 personnes l’ont refusé», se rappelle-t-il. « L’histoire était inspirée de Yojimbo de Kurosawa, et j’imaginais Steve McQueen dans le rôle principal ». John Boorman devait réaliser le film, mais le projet ne tarda pas à être annulé. Mais la persévérance paie. Un autre script, qu’il a écrit pendant que celui de Bodyguard passait de main en main, est remarqué. Continental Divide, qui sera réalisé ultérieurement par Michael Apted (Gorilles dans la brume), est une comédie romantique dans laquelle un journaliste (John Belushi) tombe amoureux d’une ornithologue. Le scénario éveille l’intérêt des studios. Steven Spielberg remporte bientôt les enchères, via Universal Pictures, pour sa société de production Amblin Entertainment. Nous sommes en 1977, et Lawrence Kasdan rencontre le jeune réalisateur des Dents de la mer (1975) au sein des studios Universal. « Steven m’a dit qu’il voulait faire un film avec George Lucas », se souvient Lawrence Kasdan. « Et il voulait que je l’écrive ! » Quelques mois plus tôt, alors que Star Wars : Un nouvel espoir venait de sortir au cinéma, George Lucas avait parlé à son ami de son envie de produire un film d’aventure s’inspirant – à l’instar de la Guerre des étoiles — des serials de son enfance… « Steven m’a prévenu que George allait m’inciter à écrire American Graffiti, la suite », ajoute Lawrence Kasdan. George Lucas s’attelait alors à la production de la suite de son tout premier succès, American Graffiti (1973). « Il m’a dit : ne le fais pas ! Je suis donc allé voir George, qui m’a parlé de son film d’aventure, dont le héros s’appelait comme son chien, Indiana, et maniait un fouet ». Notons qu’Indiana avait partiellement inspiré la création d’un certain Chewbacca… Philip Kaufman (L’étoffe des héros), qui avait développé le concept en compagnie de George Lucas pendant quelques semaines, évoque ensuite l’idée de l’Arche d’alliance, un « macguffin » dont il avait eu l’idée. Mais Lawrence Kasdan n’en savait pas davantage ! « C’était tout. Nous nous sommes serrés la main. Plus tard, George me propose de poursuivre l’écriture de L’Empire contre-attaque ». En l’espace de quelques semaines, Lawrence Kasdan bascule du monde la publicité à celui du cinéma. Et son introduction à Hollywood débute avec une collaboration avec les deux jeunes cinéastes les plus en vue de la fin des années 1970 ! Son rêve est exaucé. « Je détestais mon précédent travail », se souvient-il. « Mon soulagement était indescriptible ! Je me levais le matin pour faire ce dont j’avais envie. C’était un cadeau du ciel ».

Dans les étoiles

À la fin du mois de janvier 1978, Lawrence Kasdan, Steven Spielberg et George Lucas passent leurs journées à échanger des idées. À partir de la transcription de cette série de réunions, le scénariste consacrera six mois à l’écriture d’une première version du script des Aventuriers de l’Arche perdue. Une partie des rebondissements introduits dans ce traitement, trop dense, sera recyclée dans le film suivant, Indiana Jones et le temple maudit (1984). Alors que Steven Spielberg prépare son 1941, George Lucas se concentre sur la préproduction de la suite d’Un nouvel espoir. « Pendant cette période, nous ne nous sommes quasiment jamais vus », précise Lawrence Kasdan. « Excepté pour leur signifier que l’écriture se déroulait sans encombre ». Lorsque le scénariste livre son traitement à George Lucas, ce dernier l’invite à déjeuner. La romancière Leigh Brackett, qui œuvrait sur le scénario de L’Empire contre-attaque, venait de décéder. Lucas lui propose ainsi de prendre la relève. « Je lui ai demandé s’il ne préférait pas lire le script des Aventuriers avant de me faire cette offre », explique Lawrence Kasdan. « Il m’a confié qu’il “sentait” les gens. Et qu’il retirerait sa proposition s’il détestait mon script ». Le lendemain, un George Lucas enthousiaste insiste. Lawrence Kasdan rejoint ainsi l’univers Star Wars. « J’étais très excité ; j’avais adoré le premier film ! » Avant son décès, en mars 1978, Leigh Brackett n’avait eu que le temps d’écrire un premier traitement. Une version qui représente généralement l’embryon du film que découvriront les spectateurs. « Les noms étaient les mêmes, mais l’esprit était différent du premier film », précise Lawrence Kasdan, à qui George Lucas confie une seconde version du scénario. « George l’avait écrite très rapidement, peu après le décès de Leigh ». Les grandes lignes de l’intrigue de L’Empire contre-attaque étaient présentes, mais Lawrence Kasdan avait les coudées franches pour imprimer son style. « Mon travail consistait à faire fonctionner l’histoire imaginée par George, en altérant les dialogues et la structure. Je crois que George déteste écrire », poursuit Lawrence Kasdan. « Pour les Épisodes V et VI, j’avais un peu le rôle d’un pompier. George ne s’intéresse pas aux relations entre les personnages, au-delà des grandes lignes de l’histoire. Ni à l’humour que peuvent engendrer les spécificités des protagonistes. Ce qui le passionne, c’est la structure du récit. Il ne veut pas consacrer une scène de trois minutes à un personnage. Ce qui est à l’opposé de mon style. L’histoire ne m’intéresse pas ; les personnages, oui. Les scènes doivent permettre de découvrir de nouveaux aspects des héros, ou changer leurs relations. J’aime aussi que le récit soit sans temps morts, donc c’était facile, pour moi, de collaborer avec George ». Étonnamment, George Lucas ne lui raconte pas comment il envisage de terminer la saga, dans le film suivant. « Je devais développer le script selon ma perception des personnages d’Un nouvel espoir, et de ce que George souhaitait leur faire faire dans cette suite ». Afin de respecter la vision du créateur de la saga, plusieurs réunions sont organisées entre les deux hommes et le réalisateur Irvin Kershner. Arrivé tardivement sur le projet, à quelques mois du tournage, le scénariste ne dispose pas d’une carte blanche. « La préproduction était déjà bien avancée, ce qui n’arrive habituellement pas avant que le scénario soit terminé. La meilleure chose à faire était d’être un outil au service de George et Irvin. J’ai eu une réelle influence sur le film, mais moins que sur les autres films que j’ai écrits ». Lawrence Kasdan sera déçu par certains changements survenus au cours du tournage et du montage, dont le rôle de C3PO – qui devint un faire-valoir comique. Chewbacca devait également être davantage piqué au vif par la relation naissante entre Han Solo et la Princesse Leia. Une histoire d’amour que le scénariste envisageait différemment. « Si j’étais très fier des scènes que j’avais écrites, le résultat m’a déplu. À l’écran, leur rapprochement me paraissait moins crédible ». Lawrence Kasdan apprécie davantage le traitement de Yoda et de Luke Skywalker. « L’un des aspects les plus intéressants du film est que Luke se fait battre parce qu’il est impatient. Le concept du héros qui enchaine les échecs était très audacieux de la part de George ». En avril 1980, alors que L’Empire contre-attaque s’apprête à sortir au cinéma, Lawrence Kasdan signe la cinquième version du scénario des Aventuriers de l’Arche perdue. Le tournage peut enfin être lancé. Le scénariste, quant à lui, profite de sa nouvelle notoriété pour exaucer son vœu le plus cher : réaliser un film. « Le fait d’avoir écrit L’Empire et Les aventuriers a grandement contribué à séduire les responsables des studios. Ces projets m’ont permis d’avoir plus rapidement accès à la réalisation ». Plusieurs studios lui proposent d’écrire d’autres scénarios. Mais George Lucas lui affirme qu’il n’est jamais trop tôt pour se consacrer à la mise en scène. Ce conseil l’incite à se lancer dans l’écriture et la réalisation d’un thriller érotique, La Fièvre au corps. Alan Ladd Jr. , qui avait donné le feu vert pour la production de Star Wars, vient de créer sa propre société, The Ladd Company (Blade Runner, L’étoffe des héros), et lui offre sa chance. Non sans l’appui de George Lucas, qui propose de couvrir les frais d’un éventuel dépassement de budget…



L’éphémère succès

La Fièvre au corps raconte les mésaventures d’un avocat (William Hunt) manipulé par sa ravissante maitresse (Kathleen Turner). Autant dire que ce premier long-métrage est radicalement différent des deux films écrits pour George Lucas ! La Fièvre au corps répond davantage aux attentes de Lawrence Kasdan, en matière de cinéma. « Il y a de nombreux dialogues. Il faut bien écouter les personnages pour comprendre le drame qui se joue. Pour L’Empire et les Aventuriers, vous pouvez étendre le son. Vous comprendrez pourtant les rebondissements du récit ». Alors que Lawrence Kasdan pensait en avoir terminé avec sa parenthèse dans l’univers de La guerre des étoiles, il signe bientôt pour Le Retour du Jedi (alors intitulé Revenge of the Jedi). « J’ai dit à George que je ne voulais plus écrire pour les autres, mais il m’a demandé une faveur. Je me suis donc occupé du Retour du Jedi parce que je lui devais beaucoup. Je ne l’aurais fait pour personne d’autre. En plus, j’adore travailler avec lui. Enfin, c’était gratifiant de pouvoir conclure la trilogie. Et puis c’est bien sûr financièrement intéressant ». Lawrence Kasdan enchaine ensuite avec l’écriture et la réalisation des Copains d’abord (The Big Chill), une comédie dramatique sur une bande de vieux amis qui se réunissent à l’occasion du décès de l’un d’entre eux. Cet excellent film – certainement l’un des meilleurs sur le thème de l’amitié – évoque les désillusions des trentenaires. Leurs vies d’adultes ne sont pas forcément celles dont ils rêvaient à l’époque de l’université… Le casting rassemble notamment Tom Berenger, Glenn Close, Jeff Goldblum, William Hurt, et Kevin Kline. À sa sortie, en 1983, Les copains d’abord rencontre un grand succès, tant critique que public.



Deux ans plus tard, Lawrence Kasdan écrit (avec son frère, qui l’avait initié au cinéma) et réalise le western Silverado, où l’on retrouve Kevin Kline, Scott Glenn, Danny Glover, Kevin Costner, John Cleese et Jeff Goldblum. En 1988, il signe un drame salué par la critique, Voyageur malgré lui, qui raconte la désintégration d’un couple suite à la mort du fils. « Ce film évoque un thème important pour moi », confie Lawrence Kasdan. « Vous ne pouvez pas contrôler l’univers ». En 1990, il réalise un film qu’il n’a pas écrit, Je t’aime à te tuer (I Love You to Death). L’année suivante, Grand Canyon permet de suivre les mésaventures et les interactions entre six personnages, livrés au hasard de la vie, à Los Angeles. Le fossé créé par les différences raciales et sociales y est examiné. Boudé par les spectateurs, Grand Canyon obtient cependant l’Ours d’or du meilleur film au Festival international du film de Berlin. En 1992, l’un de ses anciens scénarios, Bodyguard, est enfin adapté au cinéma. Lawrence Kasdan devait initialement s’en charger après la sortie de La Fièvre au corps, mais les réécritures successives par d’autres auteurs, suivi du tournage des Copains d’abord, l’en avaient empêché. Avant de devenir un célèbre acteur, Kevin Costner avait lu et adoré le scénario, lors du tournage de Silverado. Il lui aura fallu donc attendre six ans pour réussir à faire tourner ce film, coproduit par le comédien et Lawrence Kasdan. La sortie de Bodyguard marque malheureusement la fin d’une série de succès pour ce dernier. Les deux hommes se retrouvent en 1994 pour le tournage d’un autre western, Wyatt Earp. En 1995, Lawrence Kasdan réalisé un second film dont il n’est pas l’auteur du scénario, la comédie romantique French Kiss, avec Meg Ryan et Kevin Kline. Comme son titre le laisse deviner, le film se déroule en France (à Paris et Cannes). En 1997, quelques semaines seulement avant le tournage de Star Wars : La Menace fantôme, George Lucas lui propose d’écrire une nouvelle version du scénario. Mais Lawrence Kasdan est plongé dans la préparation de son film suivant, Mumford. Sortie en1999, cette fade comédie dramatique, largement boudée par les spectateurs, ne recoupe même pas son budget. Quatre ans plus tard, Lawrence Kasdan s’attaque aux aliens avec Dreamcatcher, l’attrape-rêves, tiré d’un roman que Stephen King avait écrit en convalescence (l’auteur de ça avait failli perdre la vie dans un accident, en 1999). « Dès que j’ai terminé Mumford, je me suis renseigné sur les droits d’adaptation de Dreamcatcher », explique Lawrence Kasdan, qui souhaitait donner un nouveau souffle à sa carrière. William Goldman (Misery) avait déjà livré un premier scénario à la société qui détenait les droits, Castle Rock. Le talentueux scénariste avait réussi à condenser l’essence de l’épais roman ; mais Lawrence Kasdan y ajouta sa touche personnelle dans une ultime version. Stephen King, lui-même, conseilla le cinéaste après avoir lu les différents traitements. Ce qui n’empêcha pas que ce film horrifique, réalisé à grand renfort d’effets visuels, soit rejeté par la critique… et le public. Cet échec aura des conséquences dramatiques sur la carrière de Kasdan. Alors qu’il en avait déjà écrit le scénario, un film avec Tom Hanks est annulé. Puis un autre… Les années passent, et il faut attendre 2012 – soit neuf ans après la sortie de Dreamcatcher – pour que Lawrence Kasdan renoue avec le grand écran. « C’est très décourageant de ne rien réaliser pendant neuf ans, lorsque faire des films est la seule chose que vous voulez faire », regrette-t-il. Freeway et nous (Darling Companion) est un drame dont l’intrigue tourne autour la disparition d’un chien. Ce film indépendant, avec Kevin Kline et Diane Keaton, sera cependant un cuisant échec. Ce qui explique peut-être pourquoi son projet d’adaptation du roman Hotel Vendôme, écrit par Danielle Steel, a disparu des radars…



La revanche du scénariste

Quelques mois plus tard, le 30 octobre 2012, les studios Walt Disney Pictures annoncent le rachat de Lucasfilm, ainsi que la mise en production – sans délai – d’une toute nouvelle trilogie. Michael Arndt (Toy Story 3, Little Miss Sunshine) était alors chargé de l’écriture du scénario de l’inespéré Épisode VII. Après tout, cela faisait plus de quinze ans que George Lucas affirmait qu’il n’y aurait – jamais — aucune troisième trilogie, et que l’histoire des Skywalker se terminait dans Le Retour du Jedi (1983). Une décision que le créateur de la saga répétait à longueur d’interviews, lors de la sortie de La Revanche des Sith, en 2005. Les millions d’aficionados de Star Wars furent donc partagés entre l’enthousiasme et le doute. Sous l’égide de Disney, l’essence de la saga ne risquait-elle pas de se diluer ? Quelques semaines plus tard, en janvier 2013, Lucasfilm dévoile l’équipe de production du film. Outre la présence de J.J. Abrams à la réalisation, un nom résonna plus particulièrement auprès de fans de la première heure. Celui de Lawrence Kasdan ! Son rôle devait alors être celui d’un « simple » consultant. « Tout a commencé à l’automne 2012, lors d’une conversation avec George Lucas et Kathleen Kennedy », explique Lawrence Kasdan. « George m’a recruté, puis il a quitté sa société. J’étais heureux d’apprendre qu’il y aurait de nouveaux films, qu’il y aurait une chance de retrouver une partie de l’esprit de la trilogie sur laquelle j’ai travaillé ». En réalité, si Lawrence Kasdan conseille bel et bien l'équipe de production de l'Episode VII, il a été recruté par Lucas, avant son départ, pour écrire - en toute discrétion - l'un des premiers films dérivés : Solo. «George avait exploré de nombreuses directions, et pas seulement une nouvelle trilogie. Il y avait notamment des films dérivés. Je n’étais pas certain de vouloir faire quoi que ce soit, mais j’ai choisi le spin-off consacré à la jeunesse de Han solo. Qui est mon personnage favori». Son attachement pour le contrebandier précède même sa participation à L’Empire contre-attaque. «Dans le tout premier film, lorsqu’ils s’apprêtent à libérer Leia de sa cellule, Han a cette conversation avec des stormtroopers via un comlink. Ils le questionnent, et n’ayant plus de réponses à donner, Han détruit le comlink avant de déclarer : “Il manque de conversation ce type-là” (NDLR : en anglais : It was a boring conversation anyway). C’est probablement ma scène préférée du film. C’est Han». George Lucas lui explique qu’il ne participera pas à la production des nouveaux films. «J’en ai fini, je prends ma retraite. Kathy va reprendre la société».
Si George Lucas lui a offert l'opportunité de retourner dans la galaxie lointaine, le premier contact de Kasdan avec J.J. Abrams, l'héritier spirituel, s’avère très positif. « J.J. est un scénariste », rappelle Lawrence Kasdan. « Je l’avais rencontré, mais je ne le connaissais pas. Maintenant, je l’apprécie vraiment. Il est vraiment drôle et si enthousiaste ». Si le cinéaste a accepté le poste de consultant, c’est aussi parce que Hollywood ne produit plus vraiment les films qui lui sont chers. « Il est devenu difficile d’y raconter certaines histoires… Participer à un blockbuster qui peut être meilleur que les autres, c’est une opportunité rare». Au début de l’année 2013, de nombreuses rumeurs indiquaient que des films dérivés Star Wars étaient également en préparation. Ce qui sera confirmé quelques semaines plus tard. Or le nom de Lawrence Kasdan – ainsi que celui de l’autre consultant de The Force Awakens, Simon Kinberg – y était souvent accolé. Cette rumeur évoquait plus particulièrement un film dédié au chasseur de primes Boba Fett (un projet qui fut repoussé, voire annulé suite à l'éviction du réalisation Josh Trank). Un personnage auquel Lawrence Kasdan a lui-même participé à la création, lors de l'écriture de L’Empire contre-attaque. C'est pourtant Han Solo qui avait obtenu ses faveurs ; mais cela, le public ne l'apprendra qu'en 2015. Le cinéaste affirmait, alors, qu’il ne cherchait pas à puiser dans l’univers étendu de la saga Star Wars (à raison, puisque Lucasfilm fit table rase d’une grande partie de la mythologie issue des romans et comics, un an plus tard). Il souhaitait simplement renouer avec les sensations de la trilogie originale. Alors que les fans supposaient que son rôle consisterait à offrir des conseils à Michael Arndt, tout en écrivant ce mystérieux film dérivé, Lawrence Kasdan devint soudain officiellement, en octobre 2013, le scénariste principal de The Force Awakens, au côté de J.J. Abrams. « Excepté Larry, il existe très peu de personnes qui comprennent fondamentalement comment fonctionne une histoire dans le monde de star Wars », explique alors la productrice et responsable de Lucasfilm, Kathleen Kennedy. « C’est incroyable qu’il soit encore plus impliqué dans le retour de la saga au cinéma ».



Au pas de course (le tournage étant alors prévu pour début 2014), Lawrence Kasdan et J.J. Abrams retravaillent le script de Michael Arndt afin que ce dernier soit prêt dans les temps. Les deux hommes réalisèrent des modifications jusqu’à la dernière minute, en mai 2014. Et certainement encore pendant le tournage, qui s’étala jusqu’en novembre. Le temps nous dira ce que la blessure survenue à Harrison Ford, en juin, aura altéré… « Collaborer avec Larry a été l’une des choses les plus surréalistes de ma vie », affirme J.J. Abrams. « Nous nous sommes beaucoup amusés. Larry est un impressionnant scénariste ». Contre toute attente, l’épisode préféré de Lawrence Kasdan n’est pas L’Empire contre-attaque (souvent considéré par les fans comme le meilleur opus de la saga). « Je pense que le vrai classique est Un nouvel espoir. Il a changé le cinéma, à jamais ». Une fois le tournage du Réveil de la Force terminé, à l'automne 2014, Lawrence Kasdan put entamer l'écriture de Solo : A Star Wars story. Selon le cinéaste, les retrouvailles avec le contrebandier furent aisées. «C’est amusant, car je devais imaginer Han dix ans plus jeune, soit au début de sa vingtaine». Un certain nombre de questions se sont imposées d’elles-mêmes. «Comment était-il, avant de s’endurcir, avant qu’il ait vécu quelques revers ? Avant de se réfugier dans le cynisme ? Qu’est-ce qui l’a amené là ?» Œuvrer sur un film Star Wars, qui plus est consacré à Han solo, s’accompagne forcément d’une certaine pression. «On sait que le public répondra présent. La pression réside surtout dans la volonté de ne pas décevoir les gens. Nous espérons que ce film sera apprécié par les spectateurs, car tous les opus de la saga n’ont pas obtenu leurs faveurs». Lawrence Kasdan a écrit en compagnie de son fils Jon, pour qui la relation de Han et Chewie a toujours été sa partie préférée de la saga : «le fait que seul Han puisse comprendre ce que dit Chewie représente une formidable opportunité pour mettre en place des situations humoristiques». La boucle est ainsi bouclée : Star Wars est aussi une histoire de transmission entre les générations...




Filmographie

1980 Star Wars Episode V : L’empire contre-attaque (The Empire Strikes Back) — Scénariste
1981 Les Aventuriers de l’Arche perdue (Raiders of the Lost Ark) – Scénariste
1981 La Fièvre au corps (Body Heat) – Scénariste, réalisateur
1981 Continental Divide — Scénariste
1983 Star Wars Episode VI : Le Retour du Jedi (Return of the Jedi) — Scénariste
1983 Les copains d’abord (The Big Chill) – Scénariste, réalisateur, producteur
1985 Silverado – Scénariste, réalisateur, producteur
1988 Voyageur malgré lui (The Accidental Tourist) – Scénariste, réalisateur, producteur
1990 Je t’aime à te tuer (I Love You to Death) — Réalisateur
1991 Grand Canyon – Scénariste, réalisateur, producteur
1992 Bodyguard (The Bodyguard) – Scénariste, producteur
1994 Wyatt Earp – Scénariste, réalisateur, producteur
1995 French Kiss — Réalisateur
1999 Mumford – Scénariste, réalisateur, producteur
2003 Dreamcatcher , l’attrape-rêves – Scénariste, réalisateur, producteur
2012 Freeway et nous (Darling Companion) – Scénariste, réalisateur, producteur
2015 Star Wars Episode VII : Le réveil de la Force — Scénariste
2017 Star Wars Episode VIII : Les Derniers Jedi - Consultant
2018 Solo : Star Wars Story - Scénariste

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