Dans les coulisses de LA DEMOISELLE ET LE DRAGON, à voir sur Netflix – 1ère Partie
Article Cinéma du Samedi 09 Mars 2024

Le pitch : Une jeune femme docile accepte d'épouser un beau prince et réalise que la famille royale a choisi de la sacrifier en remboursement d'une dette ancienne. Jetée dans une grotte abritant un dragon cracheur de feu, elle ne pourra compter que sur son intelligence et sur son courage pour survivre.

Fiche technique : Réalisation : Juan Carlos Fresnadillo. Scénario : Dan Mazeau. Production : Chris Castaldi (p.g.a.), Joe Roth (p.g.a.), Jeff Kirschenbaum (p.g.a.). Production exécutive : Dan Mazeau, Mark Bomback, Millie Bobby Brown, Robert Brown, Sue Baden-Powell, Zack Roth. Direction de la photographie : Larry Fong (ASC). Création des décors & conception du Dragon : Patrick Tatopoulos. Montage : John Gilbert (ACE). Création des costumes : Amanda Monk. Musique : David Fleming. Supervision des effets visuels : Nigel Denton-Howes, Nicholas Brooks

Avec : Millie Bobby Brown (Elodie), Ray Winstone (lord Bayford), Nick Robinson (le prince Henry), Brooke Carter (Floria), Milo Twomey (le roi Roderick), Angela Bassett (lady Bayford), Robin Wright (la reine Isabelle)

Entretien avec Juan Carlos Fresnadillo, réalisateur

Qu'est-ce qui vous a donné envie de raconter cette histoire ?


J'ai lu le scénario en 2018, mais c'est comme si j'étais lié à ce projet depuis très longtemps. J'ai l'impression que c'est l'histoire qui m'a trouvé plutôt que l'inverse, car je cherchais quelque chose dans ce genre depuis des années. J'aime le folklore, les fables et les contes de fées depuis que je suis tout petit, surtout les histoires avec un côté sombre : j'ai exploré l'origine de ces contes dans mon film précédent, INTRUDERS, par exemple. Je pense que les thèmes les plus intéressants qu'on retrouve dans toutes ces histoires tournent autour de la perte de l'innocence. On voit que par certains côtés, devenir adulte, c'est perdre son innocence à travers un processus très douloureux. Et cette transformation, ce cheminement qu'il faut accomplir s'apparente à une expérience de survie. Sauf que dans ce genre d'histoire, il y a toujours une figure masculine qui vient sauver la princesse. Dan Mazeau, lui, s'est emparé de cette structure et l'a renversée : tout à coup, il n'y a plus personne pour venir au secours de la princesse. Elle a été trahie et abandonnée par les siens, et elle va devoir se sauver elle-même, sans l'aide de personne. Quand j'ai vu ça, je me suis dit : « Voilà, ça c'est une histoire avec un côté sombre. » Je suis persuadé que pour vraiment grandir, il faut vivre des choses intenses et dramatiques par soi-même. Devenir adulte est une expérience très solitaire. J'ai trouvé que cette histoire offrait une version moderne, contemporaine, sur le véritable passage à la vie d'adulte. Notre princesse apprend que la seule façon de devenir la femme qu'elle est à la fin du film, c'est de s'affranchir du romantisme et d'accepter le fait qu'elle va devoir se battre pour survivre. C'est ce cheminement, ce processus qui m'a attiré dès le départ.

Le scénario détourne la figure de la demoiselle en détresse. Racontez-nous comment il renverse cette notion.

Le retournement de situation, c'est qu'il n'y a pas de sauveur dans cette histoire. La seule personne qui peut vous sauver, c'est vous-même. Et pour y arriver, vous allez devoir vous battre. Tous les contes de fées font la part belle au romantisme : c'est l'amour qui sauve. L'amour de la famille ou l'amour du prince, autrement dit, un amour venu de l'extérieur qui vous sauvera et vous ouvrira un monde bien meilleur. Dans notre histoire, on renverse ce principe : le seul amour qui puisse vous sauver, c'est celui qui vient de vous-même. Pour devenir une héroine, une femme, une personne meilleure, Elodie va devoir commencer par s'aimer et se respecter elle-même.

Par quels autres moyens cette histoire tente-t-elle de renverser la structure traditionnelle des contes de fées ?

LA DEMOISELLE ET LE DRAGON recouvre plusieurs genres : c'est de la fantasy, c'est une aventure, un thriller, une épopée et, pour moi, c'est aussi un drame familial, ce qu'on ne voit pas vraiment dans les contes de fées. La trahison et le devoir familial sont les grands thèmes de l'histoire. C'est dans ce cadre que j'ai pensé les personnages. J'ai construit toutes les relations interpersonnelles pour mettre les liens familiaux au cœur du récit. Pas seulement la famille d'Elodie, mais aussi la famille royale qui vit son propre drame, tout à la fois superbe et sinistre. J'adore le cocktail que forment ces deux mots, et je crois que plusieurs moments dans l'histoire peuvent être définis ainsi. La façon dont les membres de la famille royale remplissent leur devoir, se pliant consciencieusement à l'histoire du royaume pour servir la tradition, est tout à la fois superbe et sinistre. Ils perpétuent quelque chose d'atroce. Mais si on considère leur point de vue, ils le font par devoir. D'une certaine manière, tous les personnages de l'histoire font leur devoir. Parfois c'est une bonne chose, et parfois c'est sombre et horrible. J'ai toujours adoré la fantasy, les histoires de chevaliers, de sorciers et de dragons. J'ai évidemment commencé avec BILBO LE HOBBIT, LE SEIGNEUR DES ANNEAUX et LE LION, LA SORCIERE BLANCHE ET L'ARMOIRE MAGIQUE. J'ai dévoré ces livres quand j'étais petit. Mais j'avais dans l'idée d'inverser les choses depuis l'adolescence, quand je me suis aperçu qu'aucune histoire de fantasy ne racontait comment une princesse pouvait se sauver elle-même d'un dragon, au lieu de faire l'objet d'un sauvetage. Pour moi, c'est le message même du film : on n'est pas obligé de se laisser enfermer dans les attentes des autres, de faire ce que les autres attendent de nous, que ce soit une demande extérieure ou une demande internalisée après un traumatisme. On peut prendre le contrepied et réécrire l'histoire. »

En parlant des différents genres que mêle LA DEMOISELLE ET LE DRAGON, on a l'impression que c'est aussi un film d'horreur et de suspense. Comment avez-vous trouvé l'équilibre entre tous ces éléments ?

C'est drôle, car la première fois que j'ai lu le scénario, j'ai vu tous les niveaux de l'histoire. On aurait dit un énorme melting pot, dans le bon sens du terme. Mais quand on fait un film, il faut choisir une ligne directrice et la suivre. Et à partir de là, on peut ajouter tout ce qu'on veut. Depuis le tout début de ma passion pour le cinéma, je suis un inconditionnel d'Alfred Hitchcock. J'adore la façon dont il explorait le point de vue et comment il en faisait un détective découvrant et vivant des choses en même temps que les spectateurs. Je me suis dit que la seule façon de raconter cette histoire profonde, sans perdre ses saveurs et ses thèmes en chemin, était de ne jamais dévier du point de vue d'Elodie et de ne montrer le monde qu'à travers ses yeux. A l'exception du début du film et d'un ou deux autres moments, j'ai décidé de mettre la caméra aussi près de Millie que possible, pour faire ressentir l'aventure et le suspense à travers ses yeux. Rapprocher la caméra d'elle, c'était aussi l'occasion de voir cette ado devenir adulte. Elle devient la protagoniste du film, et plus encore, le cœur même du film. Il y a aussi un paysage très hitchcockien dans cette histoire, surtout au premier acte, quand on arrive dans le royaume. On remarque d'abord des choses étranges qu'on ne comprend pas, on voit que quelque chose ne tourne pas rond. On a bien sûr été prévenus dès l'entame par le biais d'un prégénérique intense et extrême. En tant que spectateur, on perçoit une ombre qui plane sur l'histoire. Je trouve fantastique d'avoir cette ombre qui s'insinue et poursuit la princesse, tout occupée à filer le parfait amour avec son prince.

Et qui d'autre pour accompagner le public dans ce cheminement que Millie ? Est-elle l'une des premières actrices auxquelles vous ayez pensé pour ce film ?

C'est la première et l'unique actrice à laquelle j'aie pensé. Quand on réfléchit à cette histoire, celle d'une jeune fille qui devient une adulte, Millie s'impose, avec son ême, son identité en tant que personne et en tant qu'actrice : elle a justement vécu cette transformation sous nos yeux au cours des dernières années. Elle a tout ce qu'il faut pour incarner Elodie, parce qu'elle a déjà vécu elle-même cette métamorphose, et c'est très récent. C'était tout simplement l'actrice la plus crédible pour notre histoire. Le plus important pour moi, c'était de trouver quelqu'un qui soit capable de jouer aussi bien des émotions extrêmes que des choses très délicates.

Racontez-nous le tournage des scènes dans les grottes avec elle.

C'est impossible de tricher avec la caméra quand elle est si près de vous et de vos yeux. Vous devez incarner le personnage, vous ne pouvez pas faire semblant. C'était le seul moyen, et Millie l'a fait. Le tournage dans ces décors de grottes a été difficile pour elle, car ce n'est pas évident d'avoir une caméra si près, on se sent à nu émotionnellement : on montre la douleur, l'horreur, l'excitation, la peur, tout ce qu'on éprouve. Il faut être très fidèle au personnage. J'ai une chance inouie avec Millie, c'était un honneur qu'elle soit d'accord sur le principe, et je lui suis reconnaissant de s'être jetée à l'eau lors de cet exercice inconfortable. Techniquement, c'était aussi un énorme défi, car elle était toute seule dans les grottes. C'est plus facile de jouer face à d'autres acteurs, mais dans les grottes, il n'y avait personne. Il y avait la présence d'un dragon, mais au moment du tournage, il n'y avait strictement rien, si ce n'est un câble avec une petite balle. La pousser aussi loin était dur, et ça montre qu'elle a su jouer toutes les dimensions de l'histoire. C'est une actrice très courageuse, et c'est à mon sens l'une des plus belles choses qu'on puisse dire d'un interprète.

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