DUNE : DEUXIÈME PARTIE : Entretien avec les producteurs Mary Parent, Cale Boyter, Patrick McCormick et Tanya Lapointe – 2ème partie
Article Cinéma du Mercredi 13 Mars 2024

Des paysages naturels époustouflants

Patrick McCormick :
Je ne vois pas d’autre mot pour décrire le bonheur de se retrouver dans les paysages de DUNE : DEUXIÈME PARTIE. En Jordanie, j’avais le sentiment que chacune des formations rocheuses était une sorte d’œuvre d’art spontanée, sculptée par la nature, rivalisant avec les cathédrales européennes du Moyen- Âge ou de la Renaissance. On était dans la région du Siq, près de Wadi Araba, qui est un peu à l’écart de notre lieu de tournage – Wadi Rum – mais qui est un autre site fascinant avec des formations rocheuses et des gorges impressionnantes. C’était photogénique et puissant. Ce sont les seuls mots qui me soient venus en tête. Je me suis senti très chanceux d’être là.

Tanya Lapointe: Nous avons passé quelques jours en Italie au début du tournage et on s’est rendus dans un lieu très particulier, le cimetière privé de la famille Brion. C’est une merveille architecturale que l’on doit à Carlo Scarpa. C’est absolument stupéfiant et singulier. C’est ce qui nous avait inspiré l’architecture de Caladan dans le premier film, mais on n’y avait jamais tourné. Pour le deuxième opus, Patrice Vermette a contacté la famille Brion et leur a demandé si c’était possible d’y tourner. Ils avaient toujours refusé – aucun film ne s’était tourné sur place jusque-là – mais la famille Brion avait lu Dune de Frank Herbert et adoré le film de Denis et elle a donc donné son accord pour qu’on tourne sur leur site. Du coup, quand on voit la Révérende Mère Mohiam et la Princesse Irulan arpenter les jardins, il s’agit du Sanctuaire de Brion. On s’est contenté d’y aménager quelques meubles pour créer le bureau de la Princesse. Sinon, c’était tellement beau en l’état qu’on n’avait rien à faire. On voit même les nénuphars dans l’étang des carpes koï, et on les a filmées. C’était une bonne manière d’entamer le tournage, avec Charlotte Rampling, Florence Pugh et Léa Seydoux dans ce cadre intime.

Patrick McCormick : Étant donné que chacun de nos décors était incroyablement photogénique, on a voulu en profiter au maximum et on a donc choisi de tourner une partie des scènes dans un espace spécifique de tel ou tel décor, puis une autre partie dans un autre espace, etc. Je n’avais jamais connu un tournage où la même séquence est filmée dans autant d’espaces différents. En effet, on voulait optimiser notre présence dans ces lieux spectaculaires et, par exemple, tirer avantage de la manière dont le soleil éclaire ces formations rocheuses à tel moment de la journée. C’était un vrai casse-tête à mettre en place pour l’équipe de production et ils s’en sont tirés à merveille.

La scène du vers des sables

Tanya Lapointe :
J’étais productrice exécutive pour le premier opus, et pendant la promotion du film, Mary Parent m’a dit « Tanya, pour le prochain opus, tu seras productrice ». C’était un immense honneur et une écrasante responsabilité et je me suis totalement investie dans cette nouvelle mission. Et puis quand on a entamé la préparation, on m’a proposé d’être aussi réalisatrice de deuxième équipe parce que je connaissais bien cet univers et, plus encore, le style de Denis. C’était une vraie surprise, mais quand on s’est mis au travail, cela m’a semblé parfaitement logique. Pour moi, c’était une expérience merveilleuse et vraiment exaltante de collaborer de cette manière avec Denis. Du coup, pour la scène du vers des sables – bien évidemment, personne n’a jamais chevauché de vers des sables de sa vie ! –, le vrai défi pour Denis consistait à imaginer la technique que les Fremen pourraient utiliser pour dompter ces bêtes gigantesques. Au départ, on a suspendu Paul Atréides à un vers des sables. Puis, on a utilisé un cardan qui nous a permis de faire pivoter la plateforme, de l’incliner, et en jouant avec ce dispositif, on a suscité le sentiment de danger qu’on ressent forcément quand on doit dompter un vers des sables pour la première fois. Et c’est bien entendu le cas de notre héros. Il s’agissait surtout de faire monter l’adrénaline. Et ce qui était génial, c’est qu’on le ressentait nous-mêmes quand la scène fonctionnait. Et comme on ressentait la fébrilité ambiante, on savait que les spectateurs pourraient l’éprouver eux aussi dans la salle de cinéma.

La « formation » de Denis Villeneuve pour la scène du vers des sables

Tanya Lapointe :
Tous les acteurs qui devaient monter un vers des sables ont suivi les « cours » de Denis. En effet, personne n’était mieux placé que lui pour initier nos comédiens : il s’est imprégné des livres depuis son adolescence, avait une représentation de cette séquence en tête et, du coup, montrait aux acteurs comment s’y prendre, comment tenir les crochets qui servent de rênes. Il faut avoir les mains dans une certaine position, sans trop les écarter, mais sans trop les rapprocher non plus. Il connaissait la position exacte et j’ai trouvé que c’était très stimulant.

Denis Villeneuve, le réalisateur idéal pour DUNE

Mary Parent :
Il est difficile d’imaginer quelqu’un d’autre pour réaliser ce film. Le film devait être à la fois un récit intimiste, à hauteur d’homme, et un spectacle d’envergure conçu pour le grand écran. On a tourné entièrement le film en IMAX et je crois qu’il existe très peu de cinéastes capables de passer sans mal de la sphère intime à la dimension spectaculaire. Il sait aussi créer des univers : il est capable d’imaginer un monde très lointain qui nous semble réaliste et dans lequel on parvient à se projeter. Il tourne l’essentiel du film physiquement, ce qui compte beaucoup à ses yeux, et il prête attention au moindre détail – les costumes, les décors, tout – et tous ces infimes détails se mettent en place pour donner lieu à un résultat qui semble naturel, réel. Je crois que Denis a magnifiquement su croiser les genres. En effet, c’est à la fois un film de guerre sans concession, un film d’aventure spectaculaire, un drame shakespearien très fort sur les luttes de pouvoir, et une histoire d’amour. L’intensité émotionnelle et la puissance du film sont impressionnantes et Denis réunit harmonieusement toutes ses facettes.

Tanya Lapointe: À mon avis, personne d’autre n’aurait pu réaliser DUNE car la vision de Denis est d’une précision absolue. Qu’il s’agisse du premier ou du deuxième opus, il savait exactement ce qu’il voulait. Il savait à quel moment il devait rester fidèle au livre et à quel autre il pouvait prendre des libertés, tout en respectant les idées premières de Frank Herbert. On vit dans l’univers de DUNE depuis cinq ans. Il ne s’est pas passé une journée sans qu’on ne parle de DUNE, sans qu’on ne songe à cette œuvre. On s’est totalement immergés dans cet univers, mais je pense que pour Denis, c’est un parcours encore plus long, car il a lu le livre il y a quarante ans. Il porte ces images en lui depuis très longtemps, si bien que c’est vraiment enthousiasmant d’avoir pu concrétiser sa vision du film.

Les brillants chefs de poste de Denis Villeneuve

Patrick McCormick :
C’était fascinant de voir à quel point Greig Fraser a tout planifié, en étudiant la position du soleil et en effectuant une photogrammétrie des lieux. Il a intégré plusieurs lieux de tournage dans son logiciel afin de connaître l’évolution de la lumière du soleil à différents moments de la journée afin de pouvoir tout préparer à l’avance. Je lui demandais, perplexe, comment un tel dispositif allait pouvoir fonctionner et l’équipe s’en est sortie à merveille – c’était sidérant. Bien entendu, ces artistes sont les meilleurs. Ils ont une parfaite maîtrise de leur domaine et une vision très précise du résultat qu’ils veulent obtenir, si bien qu’il y a rarement de débat sur leur méthode parce qu’ils savent où ils vont. Ils se sont tous imposés un incroyable niveau d’exigence et les deux opus de DUNE sont époustouflants sur le plan visuel et sur d’autres plans.

Mary Parent : On n’avait jamais exploré l’univers de DUNE dans toutes ses dimensions comme on le fait ici. Encore une fois, on découvre des régions d’Arrakis qu’on n’avait jamais vues. On plonge dans le monde des Fremen, dans le monde de l’Empereur, on explore des zones de Giedi Prime inédites jusque-là. Denis a orchestré des scènes de combat qu’on n’avait jamais vues. On découvre de nouveaux ornithoptères, de nouvelles armes. On n’avait jamais vu non plus de batailles avec des vers des sables. Et en plus, il y avait de l’entente et du respect entre tous les techniciens, et je crois que c’est ce qui pousse chacun à se surpasser.

Cale Boyter : C’était merveilleux de voir toute cette équipe se mettre au service de la vision de Denis. Denis les a tous poussés à se dépasser. Chacun, au sein des équipes artistiques et parmi les acteurs, l’a compris. Cela se voyait car ils étaient prêts à tout pour permettre à Denis d’obtenir ce qu’il voulait. On n’a pas ménagé les acteurs, mais ils ont été souples et adaptables.

Tanya Lapointe : C’était fondamental que tous ces chefs de poste reviennent pour ce deuxième opus, non seulement parce qu’ils sont devenus amis, mais parce qu’on se comprend tous à demi-mot. C’était d’autant plus essentiel que, en fin de compte, on s’est retrouvé avec une très courte période de prépa. Il ne faut pas oublier que DUNE a décroché dix nominations à l’Oscar et que, du coup, tous les chefs de poste étaient accaparés par la promotion du film jusqu’à la cérémonie en mars – au moment où on commençait à préparer le tournage du deuxième chapitre. Par conséquent, on a eu un peu de temps en moins pour la prépa à cause de cette course folle pour le premier opus !

La suite de notre dossier DUNE : Deuxième Partie paraîtra bientôt sur E.S.I. !

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