La critique ESI garantie sans spoilers : AVENGERS, L’ERE D’ULTRON
Article Cinéma du Samedi 18 Avril 2015

Un divertissement spectaculaire, globalement réussi, mais moins que le premier AVENGERS...

Par Pascal Pinteau

« A l’impossible, nul n’est tenu »se dit-on à l’issue de la découverte de AVENGERS L’ERE D’ULTRON, en pensant non pas aux exploits des justiciers que l’on a vu se battre sur le grand écran pendant 2h30, mais à l’incroyable accumulation de tâches confiées par les Studios Marvel à Joss Whedon pour mener à bien ce deuxième épisode de la saga…Faire plus grand, plus spectaculaire… Filmer l’action dans plusieurs pays – Afrique du Sud, Angleterre, Corée du Sud, Italie – pour donner une ampleur planétaire à cette bataille… Faire évoluer les trajectoires des nombreux personnages déjà vus dans AVENGERS… Présenter encore une dizaine de nouveaux protagonistes et les faire vivre en quelques courtes scènes… Adapter l’histoire de la création d’Ultron la machine vivante – appartenant aux récits d’Ant-Man - pour la greffer intelligemment dans la mythologie des Avengers… Présenter un nouveau méchant aussi fascinant que Loki… Faire surgir de nouveaux conflits au sein du groupe des héros en dépit des amitiés nouées pendant et après la bataille de New York… Mettre en place une nouvelle intrigue romantique… Intégrer l’HYDRA dans la trame narrative… Montrer ce qu’il reste du S.H.I.E.L.D. après les évènements décrits dans l’excellent CAPTAIN AMERICA, LE SOLDAT DE L’HIVER… Imaginer des séquences d’effets visuels encore plus étonnantes… Concevoir une énorme bataille finale dépassant celle du précédent volet… Sans oublier bien sûr de faire tenir tout cela en 2h30 ! Cette liste ne donne qu’une faible idée du travail faramineux accompli par Whedon pour écrire, concevoir visuellement, co-produire, et réaliser cette superproduction dont on sent bien que le but sincère est de présenter un spectacle de qualité, capable de plaire autant au grand public qu’aux fans de comics qui n’ont raté aucune des productions Marvel. Mais tout en rendant hommage à ce que Whedon, ses acteurs et ses équipes ont réussi dans L’ERE D’ULTRON, force est de constater que cet épisode d’AVENGERS, encombré, alourdi, ralenti par cette multitude de buts à atteindre, n’est pas aussi fluide et abouti que le précédent. Pour quelles raisons ? Nous allons les évoquer dans des termes généraux, afin de ne pas vous gâcher le plaisir du visionnage du film.



« Less is more »

Cet autre proverbe incitant à éviter la surenchère aurait gagné à être imprimé en grosses lettres sur la première page du traitement validé par les Studios Marvel. Dès la première scène de combat, on remarque que la caméra bouge trop et trop vite, rendant systématiquement floues et peu lisibles les actions rapides des personnages. On est gêné par un sentiment de gâchis, car on rate une partie de ce qui se déroule. Faire bouger la caméra pour la placer « au cœur de l’action » est louable, mais en matière de narration visuelle, il faut aussi que le spectateur puisse suivre tout ce qui se passe en situant bien les protagonistes et leurs mouvements dans l’espace. Steven Spielberg, James Cameron, et Robert Zemeckis ont réussi maintes séquences d’action rapides et haletantes dans lesquelles on « lisait » parfaitement ce qui se déroulait à l’image. Ce symptôme typique de la surenchère de vitesse actuelle dans les scènes d’action est stoppé quelques secondes pendant ce préambule de L’ERE D’ULTRON, le temps d’un ralenti apaisant, pour admirer le groupe des justiciers fonçant tous sur leurs ennemis. Et là, on regrette que Joss Whedon n’ait pas utilisé au moins de temps en temps des mini-respirations, et des plans larges bougeant peu, pour mieux décrire les différentes phases du combat des héros. Cela illustre d’emblée le problème principal de ce film qui veut montrer trop de choses pour se laisser la possibilité de « respirer » normalement. A force d’aller trop vite, de ne jamais donner le temps au temps, de ne jamais s’arrêter une minute au bord de la route pour admirer le paysage, ce tempo haletant de course permanente finit par essouffler la narration de la première moitié du film, et crée ainsi un sentiment de saturation chez le spectateur.

Meilleur est le méchant….

…meilleur est le film. Et malgré la qualité de l’interprétation vocale et physique de James Spader (via la capture de mouvements) le personnage 3D d’Ultron n’arrive hélas pas à la cheville du flamboyant Loki, précédent nemesis des Avengers. Whedon développe pourtant beaucoup d’idées intéressantes autour de l’évolution de cette intelligence artificielle / nouvelle forme de vie qui ne veut plus être contrôlée par les hommes. Mais là encore, le temps lui manque pour approfondir les contradictions d’Ultron, et le rendre suffisamment complexe pour que le spectateur puisse au moins comprendre son point de vue et sa « logique ». Et même si le design d’Ultron choisi par Marvel et Whedon est inspiré de celui d’une BD récente, il n’est pas aussi impressionnant que le design original, et ne réussit ni à faire frissonner ni à fasciner. Le choix de faire bouger la bouche d’Ultron comme s'il articulait les mots avec des lèvres de métal semble même absurde pour un robot qui hait à ce point les humains et veut rompre tout lien avec eux. Un "masque" moins mobile avec une expression agressive à la Dark Vador aurait été plus crédible et probablement plus efficace. Cela étant dit, le spectacle des nuées de clones d’Ultron fonçant sur les civils et sur les Avengers est assez impressionnant en lui-même pour compenser ce défaut d’aspect dans les grandes scènes d’affrontement.

Des personnages principaux bien traités

A l’exception d’une séquence trop longue dans le deuxième acte du film, qui ralentit le récit et que l’on aurait volontiers troqué contre une dizaine de respirations réparties judicieusement avant, Whedon a très bien construit l’évolution des principaux protagonistes et leurs interactions. Il réussit toujours aussi bien à jongler avec de nombreux héros, et ses dialogues taillés au cordeau sont efficaces, drôles, surprenants ou émouvants. Il a su ménager de bonnes surprises, tisser des liens intelligents entre des dizaines d’intrigues différentes, et jeter les bases des futures aventures en solo des Avengers du groupe original. Pour éviter les spoilers, nous ne décrirons pas en détail les raisons pour lesquelles les personnages de Quicksilver et de la Sorcière Rouge s’intègrent si bien dans cette histoire. Ils font partie des très bonnes surprises du film. Tout comme l’androïde Vision, qui réussit à être bien plus fascinant qu’Ultron.

Un final époustouflant

Comme nous le disions, Joss Whedon devait réussir à nous épater en concevant le final de cette aventure, et ce but est pleinement atteint. Ce qu’il nous montre dépasse effectivement l’ampleur de la bataille de New York, tout en permettant de gérer les enjeux dramatiques autour de plus d’une vingtaine de personnages, ce qui n’est pas un mince exploit. Ce dernier acte, lui, prend le temps de faire monter le suspense, de décrire les actions des super-héros contre les hordes d’Ultron, et la défense des civils confrontés à des évènements hallucinants. Après avoir attendu la petite séquence au milieu du générique de fin qui fera plaisir aux fans de comics, on quitte la salle de cinéma globalement satisfait, mais en étant tout de même persuadé qu’une version longue de 2h50 d’AVENGERS L’ERE D’ULTRON doit exister quelque part, et que c’est celle-là qui aurait permis de découvrir un film bien plus abouti. Si tel est le cas, espérons que les Studios Marvel donneront à Joss Whedon l’occasion de nous la présenter en vidéo et peut-être même lors d’une courte sortie en salles.

[En discuter sur le forum]
Bookmark and Share


.