THE MARVELS : Entretien avec Nia DaCosta, co-scénariste et réalisatrice – 2ème partie
Article Cinéma du Vendredi 20 Octobre 2023

Samuel L. Jackson reprend le rôle de Nick Fury dans le film. Comment votre collaboration s’est-elle passée ?

J’ai adoré travailler avec Sam ! Il est formidable et me soutenait beaucoup pendant le tournage. Il s’est totalement investi dans ce film, et apportait sa présence bienveillante sur le plateau. Sam fait partie de ces acteurs qui sont toujours à la recherche de l’excellence, et le voir travailler était une belle source d’inspiration. Je dois avouer qu’au début, j’avais envie de me pincer pour vérifier si je ne rêvais pas, tant travailler avec Sam Jackson était inespéré.

Pouvez-vous présenter Seo-Jun Park à nos lecteurs ?

Avec plaisir. Seo-Jun Park est un acteur coréen que j’avais remarqué dans une série dramatique que j’ai regardée pendant la pandémie. J’ai été impressionnée par son talent de comédien et de chanteur, et ai noté que plusieurs de mes amis était également devenus fans de lui, après l’avoir vu dans le film PARASITE. Quand j’ai su que nous allions décrire une planète musicale dans THE MARVELS, j’ai su qu’il serait parfait pour jouer dans ces scènes.

Comment décririez-vous le style des scènes d’action ?

Je voulais que les séquences de combat paraissent crédibles, et soient assez ancrées dans le réel pour que les spectateurs ressentent les dangers qui menacent nos héroïnes, même dans des contextes délirants de Science-Fiction, quand elles se battent en plein ciel, ou sont occupées à essayer de réparer une déchirure de l’espace-temps ! Il fallait que l’on puisse croire à tout ce qui leur arrive...L’une des autres choses importantes à mes yeux était que l’on voit que chacune de nos justicières possède ses propres méthodes de combat, son style personnel qui se développerait et se perfectionnerait tout au long du film. Mais il fallait tenir compte du fait qu’elles sont très différentes les unes des autres : Captain Marvel / Carol Danvers est une combattante Kree émérite depuis plus de 30 ans et sait donc parfaitement ce qu’elle fait. Mais le revers de cette situation est qu’elle a probablement tendance à prendre les choses pour acquises, à être juste un peu trop confiante et décontractée, ce qui peut l’amener à négliger certains détails. Carol a l’occasion de se rendre compte qu’elle n’est plus aussi concentrée qu’à ses débuts, et vous verrez comment nous avons traité cela dans notre histoire…Pour Ms Marvel, c’est la situation opposée : Kamala Khan vient tout juste d’obtenir ses pouvoirs et manque cruellement d’expérience. Elle a clairement besoin qu’on lui donne un petit coup de pouce. La manière dont elle arrive à solidifier la lumière évolue donc tout au long du récit : elle est assez maladroite et ses gestes peu gracieux au début de cette aventure, mais à la fin, Kamala maîtrise totalement ses pouvoirs. Pour Monica Rambeau, tout reste à faire, car elle n’a pas eu réellement l’occasion d’utiliser ses dons, sauf pour réaliser des tests scientifiques et tenter de comprendre ce qui lui est arrivé. Monica doit apprendre à se battre, à voler, et à utiliser pleinement ses capacités. J’ai cherché des moyens de faire comprendre tout cela grâce au découpage de l’action et à la chorégraphie des scènes de combats. Je pense que les spectateurs auront l’impression de voir des femmes qui se battent chacune avec leurs gestuelles personnelles et leurs techniques, et que ce sera amusant et spectaculaire à découvrir.

Pouvez-vous nous parler de la séquence pendant laquelle les trois héroïnes se battent tout en échangeant constamment leurs places ?

Ma séquence préférée est probablement cette première grande scène de combat avec nos trois super-héroïnes, qui changent de lieu dès qu’elles utilisent leurs pouvoirs, et sont téléportées à la place de l’une ou de l’autre. Bien évidemment, elles ne comprennent pas ce qui leur arrive, mais doivent malgré tout continuer à se battre dans trois endroits différents pour se défendre contre leurs adversaires : on passe ainsi du salon de la famille Khan à l’ascenseur spatial puis au vaisseau spatial de la révolutionnaire Kree Dar-Benn. Nous avons longuement préparé ce combat, puis les actrices l’ont répété pendant des semaines avec les coordinateurs des cascades, afin que notre première grande scène d’action du film soit très réussie. J’avais tout planifié de manière très spécifique, et nous avons réussi à faire aboutir cette séquence exactement comme je l’avais prévu. C’était vraiment amusant de développer puis de concrétiser tout cela pour que l’on découvre comment Ms Marvel, Captain Marvel et Monica Rambeau se battent, et comment les membres de la famille Khan se défendent eux aussi tant bien que mal contre ces extraterrestres ! Imaginer cette scène et la tourner a été très agréable. Il a fallu que je sois extrêmement précise dans ma vision de chaque plan, chaque action, et que je sois parfaitement organisée pour diriger les actrices et les équipes techniques, car dès que nos super-héroïnes commencent à échanger leurs places, les choses deviennent délirantes !

Tout préparer dans les moindres détails et avoir une vision très précise de chaque scène représente une énorme travail. Est-ce compliqué de garder le contrôle de la situation quand on dirige un blockbuster d’une telle ampleur, avec des centaines de personnes qui attendent vos instructions pour avancer ?

(rires) Franchement, oui ! C’est extrêmement difficile. Parfois, quand je tournais une scène sur un plateau, et que l’on était en train de mettre en place des choses bizarres, je me surprenais à penser ‘mais qu’est-ce que tout ça veut dire ?!’ (rires) J’avais aussi cette impression quand je voyais l’une de mes actrices jouer alors qu’elle était sensée observer quelque chose de dément en train de se dérouler dans l’espace. En réalité, elle se tenait devant un fond bleu et avait le regard braqué sur une croix collée là où l’on allait ajouter plus tard des éléments 3D …Quand vous tournez ce genre de plans, certaines journées de travail sont forcément compliquées, et parfois, quand vous regardez le résultat sur le moniteur vidéo, vous vous dites ‘Ça ne marche absolument pas…Il faut trouver un autre moyen de filmer ce plan.’ Heureusement, j’étais bien entourée et conseillée par des gens expérimentés qui avaient déjà travaillé sur les cascades et les effets visuels de plusieurs productions Marvel. Quand il y avait un problème, nous en discutions et trouvions toujours une solution efficace pour le résoudre.

La direction des Studios Marvel vous a-t-elle conseillé de parler avec d’autres réalisatrices et réalisateurs avant de vous lancer dans la préparation de THE MARVELS ?

Oui. Ils m’ont dit que cela pourrait probablement me rassurer et m’aider à aborder plus sereinement le tournage. J’ai donc contacté Chloé Zhao (LES ÉTERNELS), Taika Waititi (THOR RAGNAROK & THOR : LOVE AND THUNDER) et James Gunn (la trilogie GARDIENS DE LA GALAXIE) et je leur ai carrément demandé ‘ Est-ce que Marvel va me laminer et détruire mon âme ? Kevin Feige (le PDG des Studios Marvel) est-il un homme désagréable ?’ (rires). Ils m’ont effectivement rassurée et dit ‘Non, Kevin est un type bien, qui est juste un geek de comics depuis toujours’. Un peu plus tard, j’ai discuté avec Ryan Coogler ( l’auteur-réalisateur de la saga BLACK PANTHER) juste avant d’intégrer le MCU. Ryan m’a dit ‘Quoi qu’il arrive, agis en restant toi-même, et fais tes propositions en étant sincère, sans essayer de plaire au studio. Ensuite, les dirigeants de Marvel pourront valider certaines de tes idées et en rejeter d’autres, mais c’est normal car cela fait partie de ton job.’

Est-ce encore difficile d’être une jeune réalisatrice afro-américaine quand on donne des ordres sur un plateau de cinéma et que l’on doit collaborer avec de nombreuses personnes, y compris des gens plus âgés ?

Je dois dire que pendant le tournage de mon film précédent, CANDYMAN, même si Jordan Peele, qui le produisait, arrondissait les angles pour moi avec le studio, il m’est arrivé d’entendre des réflexions vraiment inappropriées concernant mon identité sexuelle, mes origines et mon âge… Heureusement, l’expérience que j’ai vécue pendant la préparation et le tournage de THE MARVELS a été totalement différente, non seulement en raison de l’état d’esprit du studio, mais aussi parce que j’ai pu engager mes collaborateurs habituels pour les faire travailler sur ce film. J’ai compris depuis un certain temps déjà que ce qui compte pour créer un bon environnement créatif n’a rien à voir avec le pouvoir que j’aurais pu obtenir, ni la qualité de mes films précédents, ni le nombre de récompenses que j’aurais pu gagner : ce sont mes plus proches collaborateurs qui font que cela fonctionne bien. Et je dois dire que ce qui m’étonne le plus, ces derniers temps, c’est d’être traitée avec autant de respect par tous ces types blancs d’une cinquantaine d’années avec lesquels je travaille !

Qu’avez-vous le plus hâte de faire découvrir au public ?

Je crois que THE MARVELS est très différent des productions précédentes du studio, et je suis impatiente que les spectateurs découvrent les idées créatives que nous avons eues. Le principe de l’échange de places nous a permis de créer toutes sortes de situations amusantes. C’était un plaisir d’imaginer une histoire autour de cela. J’espère qu’en sortant de la salle, les gens auront le sentiment d’avoir passé un bon moment et seront satisfaits.

La suite de notre super-dossier THE MARVELS échangera bientôt sa place avec l’une des pages d’ESI. Bookmark and Share


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