[Exclusif] Avengers l’Ere d’Ultron : Notre visite du tournage – 4ème partie
Article Cinéma du Mardi 22 Septembre 2015

Entretien avec Jeremy Latcham, producteur exécutif
Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Comment avez-vous vu évoluer Joss Whedon entre le premier Avengers et celui-ci ?

Je dirais que ce qui saute aux yeux, c’est que Joss s’amuse beaucoup plus à réaliser ce deuxième volet que le premier. Je le constate presque tous les jours. Pendant le tournage précédent, Joss avait une pression énorme sur les épaules : c’était la première fois qu’il réalisait un film d’une telle ampleur, avec un budget aussi important, et qui représentait l’aboutissement d’un projet narratif très important pour les studios Marvel. Je me souviens que beaucoup de gens persiflaient en disant « Mais Whedon est un type qui vient de la télévision ! Comment un auteur / producteur de télé pourra-t-il réaliser une superproduction aussi énorme ? » Cela ne nous a pas fait changer d’avis, car nous connaissions le talent et les capacités de Joss, et nous étions convaincus que nous pouvions lui faire entièrement confiance, sinon nous n’aurions pas pris la décision de l’engager. C’est toujours ainsi que nous avons procédé en choisissant les réalisateurs de nos films : en les connaissant bien, en jaugeant leur potentiel, et en leur faisant confiance. Joss a accompli un travail remarquable sur le premier épisode, avec le succès que l’on sait, et cela lui a permis d’aborder Age of Ultron en se sentant plus à l’aise. Il n’est pas tombé pour autant dans l’excès inverse qui consisterait à avoir un peu trop confiance en lui. Il sait que c’est un piège dangereux, à éviter à tout prix. Mais il se sent désormais plus décontracté pendant qu’il travaille avec les acteurs et qu’il prend des décisions capitales pour le bon déroulement du tournage, et l’aboutissement de ce film à gros budget. Vous savez, c’est très important de savoir garder son sang froid quand vous arrivez sur un plateau de cinéma et que tous les Avengers sont là devant vous, vous scrutent et attendent vos instructions pour tourner : il ne faut surtout pas perdre ses moyens à ce moment-là ! Même pour moi qui les ai côtoyés de nombreuses fois, cela me fait toujours quelque chose de les voir tous réunis, portant leurs costumes ! C’est vraiment très impressionnant. Mais Joss a franchi ce cap, et il travaille en étant serein parce qu’il sait exactement à quoi il veut aboutir. Il est précis, méticuleux, et le script qu’il a écrit est formidable. Cela ne l’empêche pas d’être prêt à modifier les dialogues ou la scène elle-même s’il trouve un moyen de l’améliorer au moment de tourner. J’aime beaucoup la dynamique qu’un tel scénariste/réalisateur apporte à son film, car il a une compréhension du texte si complète et si approfondie qu’il est capable de faire des ajustements parfaits pendant toute la durée du tournage, notamment en travaillant avec les comédiens. La situation n’est pas la même quand un réalisateur travaille sur la mise en scène d’un script qu’il n’a pas écrit, car certaines intentions dramatiques ou nuances des scènes peuvent lui échapper. Avec un auteur accompli comme Joss, toutes les intentions originales du scénario se retrouvent dans les scènes du film, ce qui est extrêmement satisfaisant à voir au jour le jour pour l’équipe de production.

Comment réagissez-vous en découvrant dans les médias les nombreuses rumeurs qui courent autour de l’intrigue du film ?

Cela dépend. Je grince des dents et je suis parfois très irrité quand certaines révélations sont exactes, car je déteste que l’on prive les spectateurs du plaisir de découvrir les surprises du film en salles. Mais heureusement cela n’arrive que très rarement : l’immense majorité des soi-disant scoops du web est erronée, et je dois dire qu’il m’arrive d’éclater de rire en les lisant, tellement ils sont absurdes ou éloignés de ce que nous faisons !

Vérifions l’une de ces rumeurs avec vous, alors : il semblerait que le système d’intelligence artificielle inventé par Tony Stark, Jarvis, joue un rôle plus important dans cet épisode où le thème de l’intelligence artificielle est central, avec l’avènement d’Ultron…

Eh bien vous avez pu voir dans Iron Man 3 que Jarvis avait été amélioré par Tony et qu’il était désormais en mesure de commander directement des machines. L’un des torts de Tony est d’être persuadé qu’il peut automatiser beaucoup de choses pour qu’elles fonctionnent de manière indépendante, sans être constamment surveillées par lui. Il envisage cela comme un moyen de se faciliter la vie et de se débarrasser de certaines tâches subalternes qu’il trouve ennuyeuses. Il est devenu si riche et si puissant qu’il est entouré par des centaines de gens qui l’aident à diriger son empire, et quelquefois, cela ne marche pas comme il le voudrait.

Il semblerait que vous ayez décidé de changer les origines d’Ultron par rapport à la BD originale, car dans les comics, c’est Hank Pym, le premier Ant-Man, qui crée Ultron, alors que dans ce film, tout indique que c’est Tony Stark qui commet cette erreur lourde de conséquences…

Je ne suis pas sensé l’annoncer officiellement, mais de nombreuses personnes ont déjà deviné que c’était le choix que nous avons fait, alors je ne vais pas « tourner autour du pot » davantage. Il nous a semblé que dans le cadre de l’univers cinématographique de Marvel, c’était une décision logique et naturelle, parfaitement adaptée à ce deuxième épisode d’Avengers. Et cela l’était d’autant plus que nous sommes allés dans une direction très différente en développant le scénario d’Ant-Man. L’histoire d’Ultron n’aurait pas pu être intégrée à ce premier volet d’Ant-Man, alors qu’elle convenait parfaitement à Avengers 2, et aux capacités scientifiques de Tony Stark. Heureusement, les fans nous ont toujours fait confiance jusqu’à présent quand nous avons fait des choix narratifs qui s’écartaient un peu des BDs originales. Comme vous le savez certainement, Jarvis est un homme, un majordome de chair et d’os dans les comics. Mais quand nous avons vu Batman Begins en 2005, au moment où nous préparions le premier Iron Man, nous nous sommes dits que nous ne pourrions jamais présenter aux spectateurs un personnage de majordome qui surpasse la manière dont Michael Caine s’était emparé du rôle d’Alfred ! (rire) C’est la raison pour laquelle nous avons préféré nous différencier et transformer Jarvis en système d’intelligence artificielle dans Iron Man. Les fans l’ont bien accepté, parce qu’ils ont constaté que nous l’avions fait d’une manière respectueuse, qui rendait hommage à la BD originale. Nous espérons donc que les transpositions des récits de la saga d’Ultron que nous avons faites pour constituer l’histoire d’Age of Ultron plairont autant aux fans qu’au grand public qui ne connaît pas ces BDs.

L’univers Marvel au sein duquel vous travaillez est immense et en expansion constante. Il est constitué de milliers de héros, de méchants, de personnages secondaires, de trames narratives, et de versions différentes des origines des super héros, maintes fois retravaillées ou réactualisées. Cela représente d’énormes quantités d’informations à gérer quand on veut traiter correctement l’apparition d’un de ces personnages au cinéma, sans faire d’erreur. Comment faites-vous pour vous y retrouver ?

Oh, en ce qui me concerne, je suis souvent complètement perdu ! (rires) Nous avons dans notre équipe plusieurs spécialistes des comics qui réalisent des chartes de continuité narrative des personnages, afin que nous déterminions ce que nous pouvons faire ou pas dans nos scripts. Car si nous omettions de procéder à ces vérifications, des fans en colère ne se priveraient pas de nous signaler nos erreurs ! Nous devons être tout aussi vigilants à propos de la continuité de nos films. L’autre jour encore, nous nous sommes retrouvés dans une situation où j’ai réagi à une idée en disant « Mais Tony Stark n’a jamais fait ce genre de choses auparavant ! » et l’un de nos experts m’a aussitôt corrigé en me répliquant « Si, dans Iron Man 1, dans la scène n°22 ! » (rires) Après avoir travaillé sur les onze films de l’univers cinématographique Marvel, on finit par oublier ce que l’on a fait sur les premiers…C’est fou ! Mais tout cela reste aussi sensationnel qu’au premier jour, car nous mesurons la chance que nous avons de participer à cette aventure phénoménale. Quand je pense à ces onze longs métrages des Studios Marvel, à ceux dont le tournage va bientôt débuter, et à tous les autres projets qui vont suivre, j’ai quelquefois envie de me pincer pour vérifier que je ne suis pas en train de rêver !

Nous sommes toujours les esclaves d’Ultron : la suite de l’entretien avec Jeremy Latcham sera bientôt publiée sur ESI !

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