AVRIL ET LE MONDE TRUQUÉ : Entretien avec Franck Ekinci, co-scénariste et co-réalisateur – 2ème partie
Article Animation du Vendredi 04 Decembre 2015

Propos recueillis par Pascal Pinteau

Comment avez-vous intégré « l’esprit Tardi » dans l’écriture ? Avez-vous retravaillé certains passages du scénario selon ses suggestions ?

Oui, Jacques a fait des suggestions pour améliorer certaines séquences, ce qui nous a amené à en modifier la mise en scène. Mais l’essentiel de son travail a été consacré à l’invention visuelle de cet univers.

Jacques Tardi vous a-t-il proposé des illustrations qui vous ont inspiré des scènes ou des situations nouvelles de l’histoire ?

Nous avions déjà commencé à développer le scénario – nous en étions à la dixième version, je crois – quand nous avons vraiment entamé notre collaboration avec Tardi. Il est parti du script pour ajouter sa patte sur certaines scènes, en faisant un pré-découpage , et en implantant ses idées visuelles. Par exemple, dans la scène du début qui se déroule dans le laboratoire de Gustave, l’arrière grand-père d’Avril, les deux animaux mutants se trouvent dans une cuve alors qu’au début nous les avions décrits dans une cage. Tardi a jugé qu’une cuve avec un hublot, au travers duquel on distinguerait mal les créatures les rendrait beaucoup plus mystérieuses et inquiétantes. Ensuite il a travaillé sur les personnages, puis sur les décors et les objets, non pas en les représentant individuellement, mais en les incluant dans des suites de cases à mi-chemin entre une bande dessinée et un storyboard. C’est de cette manière qu’il a transformé le téléphérique « normal » qui était décrit dans le script en une sorte de paquebot aérien.

Comment avez-vous abordé la mise en scène du film avec Christian Desmares ? Vous répartissiez-vous certaines tâches comme c’est souvent le cas pendant la réalisation d’un film d’animation ? Aviez-vous certaines références cinématographiques en tête ?

Je m’occupais plus particulièrement de la mise en scène, c’est à dire du storyboard, des comédiens, du son et de la confection visuelle, tandis que Christian se chargeait de la réalisation de l’animation, des décors, et de la conception artistique de « Tardification » du script, avec les recherches graphiques sur les couleurs, les véhicules, etc. Pour ma part, mes références viennent du cinéma en prises de vues réelles, comme les films tournés par John Ford dans les années 40, avec des cadres très posés, dans lesquels la caméra se rend invisible pour se mettre entièrement au service du récit et des personnages.

Comment avez-vous travaillé avec les comédiens sur leurs interprétations des personnages ?

Il est important de préciser que l’animation a été créée à partir de leurs voix. D’ailleurs, au moment de l’enregistrement, ils ont été filmés en vidéo pendant qu’ils jouaient, afin que les animateurs puissent s’inspirer de leurs postures et de leurs mimiques. Marc Jousset, le producteur du film et Perrine Capron, la directrice de production, ont réfléchi et constitué le casting vocal. Ils se sont occupés des démarches pour contacter les comédiens et leur proposer le projet. J’ai bien sûr été ravi que nous puissions travailler avec ces acteurs de grand talent : ils étaient impliqués, enthousiastes, concentrés, et suggéraient souvent différentes options afin que nous disposions de plusieurs choix au moment du montage son. Ils ont été enregistrés les uns après les autres, et nous leur donnions la réplique pour les aider. Comme tout cela se passait au début du projet, nous avons fait beaucoup de prises, avec plusieurs vitesses de jeu et différentes intentions parce que rien n’était encore figé. Marion Cotillard nous a fait de nombreuses propositions, pour tenter de nouvelles choses, pour aller plus loin dans son interprétation d’Avril. Jean Rochefort a donné beaucoup d’humanité à Pops. J’ai été ravi que la co-production nous permette de collaborer avec les comédiens belges Olivier Gourmet, Bouli Lanners et Anne Coesens, et avec les acteurs canadiens Marc-André Grondin, Benoit Brière et Macha Grenon, qui ont apporté chacun beaucoup d’idées en jouant leurs personnages. Bouli Laners, qui incarne le policier Pizoni, partait comme une flèche et nous faisait mourir de rire !

Philippe Katerine est particulièrement savoureux dans le rôle du chat…

Oui, il lui donne un côté amical, indolent et bienveillant, tout en étant presque un peu déviant quand il demande à Avril ce qu’elle a ressenti quand Julius l’a embrassée !

Quels sont les atouts d’AVRIL ET LE MONDE TRUQUÉ pour séduire les adultes et les jeunes spectateurs ?

Je pense que les adultes qui connaissent bien l’univers de Tardi entreront avec plaisir dans l’aventure, tandis que les plus jeunes vont être séduits par les rebondissements du film et le style très original de ces dessins.

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