LE REVEIL DE LA FORCE : Andy Serkis et Lupita Nyong’o, entretien croisé avec les interprètes du Chef Suprême Snoke et de Maz Kanata
Article Cinéma du Mercredi 03 Fevrier 2016

Andy Serkis, acteur pionnier et véritable légende vivante de la capture de performance, a interprété par ce biais Gollum, King Kong, le Capitaine Haddock et le singe César du récent reboot de la saga de LA PLANETE DES SINGES. La toute jeune Lupita Nyong’o, elle, est moins connue en dépit de l’Oscar du meilleur rôle secondaire qu’elle a décroché en 2013 pour son interprétation dans TWELVE YEARS A SLAVE. En travaillant sur LE REVEIL DE LA FORCE, elle a découvert le processus de capture de performance avec l’aide du meilleur des professeurs, Andy Serkis.

Propos formatés et traduits par Pascal Pinteau

Comment avez-vous été impliqués chacun dans LE REVEIL DE LA FORCE ?

Lupita Nyong’o :
J’ai eu l’occasion de rencontrer JJ Abrams au début de 2014 pour parler de ce projet avec lui, et il m’a dit qu’il aimerait travailler avec moi. Il m’a rappelée en mai pour me proposer de jouer une vieille extraterrestre nommée Maz Kanata. « Lis le script et dis-moi si ce personnage t’intéresse » m’a-t-il dit. Je séjournai au Maroc à ce moment-là et il m’a envoyé une personne avec une copie du scénario en main. Elle était chargée de ne pas le perdre des yeux pendant que je le lisais. J’ai aimé ce que j’ai lu et comme j’ai trouvé le personnage de Maz fascinant, j’ai immédiatement dit à JJ que j’étais d’accord pour l’incarner.

Andy Serkis : Pour ma part, c’est une histoire un peu compliquée. J’avais entendu dire qu’un nouveau STAR WARS se préparait, et en tant que fan de la trilogie des années 70-80, j’étais déjà surexcité. A cette époque, en 2014, je travaillais sur LA PLANETE DES SINGES : L’AFFRONTEMENT avec Matt Reeves. Il se trouve que Matt connaît bien JJ, et que ce dernier lui a rendu visite pendant qu’il travaillait sur le montage du film. Cela s’est déroulé avant que les effets visuels aient été placés dans les images : JJ n’a donc vu que les plans avec les acteurs en costumes de Mocap qui interprétaient les singes, et il a trouvé cela captivant. Il a voulu me rencontrer, et nous nous sommes retrouvés dans le bar d’un hôtel pour prendre un verre, discuter et faire connaissance. Ce rendez-vous s’est merveilleusement bien passé, car une complicité s’est établie presque immédiatement entre nous. L’un lançait une idée et l’autre rebondissait dessus. Nous étions tellement en phase qu’il nous a semblé évident que nous allions travailler ensemble tôt ou tard. JJ m’a alors demandé si j’aimerais être impliqué dans STAR WARS, et j’ai aussitôt dit oui.

Lupita, étiez-vous une fan de STAR WARS, comme Andy ? LN :

Oui. J’ai grandi en regardant les épisodes 4, 5 et 6 que la télévision nationale du Kenya diffusait pendant les vacances scolaires. J’ai adoré ces films quand j’étais petite, sans avoir la moindre idée du phénomène culturel qu’ils représentaient. Je les aimais juste pour ce qu’ils étaient. Je trouvais R2-D2 et C3PO particulièrement attachants, et plus tard, j’ai beaucoup aimé les Ewoks. J’ai découvert les premiers films de la saga STAR WARS à cet âge où l’on pense que tout ce que l’on voit sur l’écran est vrai. J’étais persuadée que tous ces personnages et tous les mondes de cet univers, existaient bel et bien ! (rires) Sans que ces films ne deviennent une obsession, ils ont vraiment fait partie de ma vie. Ce n’est qu’à partir du moment où j’ai été impliquée dans LE REVEIL DE LA FORCE que je me suis rendue compte de l’importance que STAR WARS a pris dans la culture populaire américaine. On y fait référence partout : dans les questions des jeux télévisés, les dessins satiriques, les séries d’animation, et on voit des images de Stormtroopers apparaître dans les endroits les plus surprenants. Mais il a fallu que j’entre dans l’univers de STAR WARS pour en prendre pleinement conscience.

Avez-vous immédiatement perçu la vision que JJ Abrams avait du film ?

AS :
En tant que scénariste et réalisateur, JJ comprend parfaitement pourquoi les gens sont fascinés par STAR WARS. C’est une saga qui s’est brillamment emparée des grands archétypes narratifs comme le fameux voyage initiatique du héros décrit par Joseph Campbell . Elle a proposé une nouvelle mythologie moderne à une époque – la fin des années 70 – où il y avait pléthore d’anti-héros désabusés et où les gens avaient particulièrement besoin d’évasion, de fraîcheur et d’optimisme. JJ est revenu à la source de cette histoire, à son humanité et à ses thèmes-clés. Et le public a raison d’être impatient de découvrir tout cela. Ils connaissent le travail de grande qualité que JJ a accompli dans ses films précédents comme MISSION IMPOSSIBLE 3 et STAR TREK, et savent qu’il traite ses personnages avec une grande intelligence et une sensibilité remarquable. Les scènes d’émotions sonnent juste dans tous ses films. Il est le réalisateur et le guide idéal pour un tel projet. Depuis le début, son désir a été de tourner le film sur pellicule 35mm, avec des objectifs anamorphiques, et de recourir aux méthodes traditionnelles de trucages en ayant recours à des effets spéciaux de maquillages, et à des personnages animatroniques ou manipulés par des marionnettistes afin que son film puisse être immédiatement accepté par les fans des épisodes 4, 5 et 6, et vienne s’intégrer aux côtés de ces références dans la conscience collective. Le travail qu’il a accompli est exceptionnel. Le rendu du film est extraordinaire. Tout est conforme à ce que l’on attend d’un STAR WARS : ce que l’on voit paraît réal, tangible, concret. Je crois que les fans vont devenir complètement fous en découvrant le film ! (rires)

LN :Je savais que JJ était fasciné par la capture de performance et souhaitait l’utiliser pour réaliser certains personnages de ce film. Il voulait à la fois être fidèle aux méthodes traditionnelles dont Andy vient de parler, tout en étant ouvert aux techniques les plus avancées. Et c’est donc ce mélange des deux approches que nous avons découvert sur le plateau de tournage. Autour de moi, tout semblait parfaitement réel, les lieux, les murs, les accessoires, les personnages d’extraterrestres et les droides. Autant dire qu’avec mon casque doté de caméras et d’éclairages, ma tenue de Mocap et mon visage recouvert de petits points blancs, je détonnais complètement dans cet environnement ! Mais j’ai trouvé cette expérience très agréable, et je crois que ce que nous avons fait correspondait bien à ce que JJ souhaitait obtenir : les nouvelles méthodes et les anciennes ont cohabité et se sont mêlées les unes aux autres, sans qu’une approche ne discrédite l’autre.

Lupita, que saviez-vous de la capture de performance avant de jouer le rôle de Maz par ce biais ?

LN :
Avant d’enfiler ma tenue de Mocap, je connaissais la carrière d’Andy Serkis et je savais qu’il avait donné vie à des personnages devenus cultes comme Gollum et King Kong grâce à cette technique. Mais c’était à peu près tout. J’avais regardé le making of du SEIGNEUR DES ANNEAUX sur le DVD du film au début des années 2000, mais je ne savais pas vraiment comment j’allais jouer mon personnage, ni comment ma tenue allait être conçue. Je ne m’attendais pas non plus à avoir des petits points blancs collés sur le visage. Je me suis familiarisé avec le procédé tout en jouant, et je dois dire que ce processus m’a fasciné. Le nombre d’artistes et de techniciens qui ont contribué à donner vie au personnage de Maz est hallucinant. Et chacun d’entre eux est un expert dans son domaine. Je me repose sur leurs compétences, car ma tâche consiste simplement à interpréter Maz de la manière la plus sincère et la plus conforme à sa personnalité. Je sais que les techniques de capture de performance que nous avons utilisées sur ce film font parties des plus perfectionnées qui existent. Pour moi, au début, jouer ce rôle avec tout cet équipement ressemblait plus à une répétition technique qu’aux conditions habituelles d’un tournage. Après que mes expressions et mes gestes aient été enregistrés, toute l’équipe d’ILM va se focaliser sur les données et les images recueillies pour exploiter et restituer les moindres nuances de mon interprétation. Mais je dois dire qu’être sur le plateau et avoir l’occasion de jour Maz à côté des autres acteurs a été une formidable opportunité de m’intégrer à ce monde de STAR WARS en leur compagnie, avant de revenir aux aspects plus techniques de la Mocap. Et cela m’a énormément aidée.

AS : Au-dela de l’aspect purement technique, de la tenue de Mocap et du casque avec les caméra dont on est équipés, je crois qu’il est important de rappeler que ce que l’on apporte au rôle, on le fait en jouant avec les autres acteurs, en étant toujours dans un processus d’échange et de travail commun. Au lieu de revêtir un costume et de se faire maquiller, on interprète le personnage sans l’aide d’une tenue et d’un grimage, mais aussi sans subir les inconvénients qui les accompagnent parfois – des vêtements lourds qui limitent votre gestuelle, ou de longues heures à passer dans la loge de maquillage - ce qui est libérateur. Ensuite, votre travail est placé entre les mains d’animateurs et d’artistes de la 3D qui sont extrêmement brillants, et qui transposent fidèlement les moindres nuances de votre performance sur le personnage virtuel.

La suite de cet entretien croisé paraîtra bientôt sur ESI !

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