La critique sans spoiler d’ESI - BATMAN v SUPERMAN, L’AUBE DE LA JUSTICE : Une réussite qui crée de solides fondations pour construire l’univers cinématographique de DC Comics
Article Cinéma du Mardi 22 Mars 2016

4 étoiles sur 5

Par Pascal Pinteau

Disons-le d’emblée pour ne pas faire durer le suspense : découvrir enfin BATMAN v SUPERMAN sur le grand écran après l’avoir attendu si longtemps est à la fois un grand plaisir, car le film est réussi, et un soulagement, parce que l’univers des autres super-héros de DC Comics qui est présenté brièvement ici est introduit de manière assez convaincante pour que les deux épisodes à venir de JUSTICE LEAGUE bénéficient d’un a priori très positif du public. Les fans de comics peuvent donc pousser un soupir de soulagement ! Intégrer dès le début au cœur du récit la polémique provoquée par la bataille cataclysmique entre Superman et le Général Zod à la fin de MAN OF STEEL – bataille que l’on redécouvre aux côtés de Bruce Wayne dans la première séquence du film – est une manière astucieuse de rebondir narrativement et de remettre en cause le statut de héros de Superman, et sa participation à ces destructions de grande ampleur qui ont fait de nombreuses victimes collatérales, y compris parmi les employés de Wayne Industries. Dans ce contexte chaotique où les médias surexploitent les débats houleux autour des véritables intentions de Superman, le complot de Lex Luthor peut se déployer étape par étape, manipulation par manipulation. Jessie Eisenberg campe là un Luthor 2.0 assez réjouissant, plus jeune que ses représentations habituelles dans les comics, et qui s’inspire visiblement de personnalités comme Mark Zuckerberg, (Mister Facebook, que Eisenberg incarna si bien dans THE SOCIAL NETWORK), Steve Jobs, et d’autres grands innovateurs comme Jeff Bezos (Amazon) ou Elon Musk (Paypal). L’acteur joue habilement le côté double de Luthor , y compris lorsque celui-ci va jusqu’au bout de sa psychose et de ses plans délirants. Comme on pouvait s’y attendre après l’avoir vu jouer dans les remarquables THE TOWN et ARGO qu’il avait aussi réalisés, Ben Affleck s’empare aisément du double rôle de Bruce Wayne et de Batman. Il a tout à la fois la carrure et le charisme qui conviennent pour incarner ce justicier quadragénaire un peu désabusé, et que la fatigue gagne après 20 ans de lutte contre les criminels de Gotham City « qui repoussent comme des mauvaises herbes, aussitôt avoir été arrachés » comme il le dit à son confident Alfred. Persuadé que Superman pourrait être à l’origine d’une nouvelle catastrophe, Wayne se lance dans une quête quasi-suicidaire, celle d’un simple mortel qui va tenter de combattre et de vaincre un dieu. Une grande partie du film est consacrée à Bruce Wayne / Batman et l’on ne s’en plaint pas : la présentation du passé et du présent du personnage est rapide, efficace et justifie bien son désir d’en découdre avec Superman. L’homme d’acier a évolué lui aussi, mais tout en sauvant autant d’humains qu’il le peut lors de catastrophes ou d’accidents, il se sent miné par les polémiques qu’il suscite et par l’hostilité d’une grande partie de la population qui craint ses pouvoirs. Il puise ses forces dans son histoire d’amour avec Lois Lane, et c’est ce qui va lui permettre de supporter les épreuves qui l’attendent au cours de cette aventure. L’autre nouveau visage du film est celui ô combien ravissant de Gal Gadot. Que dire de cette superbe actrice sinon qu’elle est une Wonder Woman parfaite, aussi captivante lorsqu’elle repousse avec humour les avances de Bruce Wayne et mène une mission secrète en robe de soirée que convaincante lorsqu’elle apparaît enfin dans sa tenue de guerrière amazone, et combat d’égal à égal aux côtés de Batman et de Superman contre le monstrueux Doomsday.



Les scènes d’action du film sont à la démesure de ce qui nous avait été promis, et le morceau de bravoure qui reprend le fameux duel imaginé par Frank Miller dans « THE DARK KNIGHT RETURNS » entre un Batman portant une armure /exosquelette et Superman réjouira tout autant les fans de comics que les amateurs de cinéma à très grand spectacle. Heureusement, Zack Snyder sait aussi émouvoir en ayant recours à des moyens bien plus sobres, et sa palette de réalisateur s’est encore étoffée en travaillant sur ce film. On est souvent saisi par la beauté des images très bien composées qui soulignent l’aspect « iconique » d’une scène, comme si elle avait jailli d’une case de BD. Les moments intimes du film sont filmés avec une sensibilité jamais mièvre ni convenue. Et les surprises qui ponctuent le récit démontrent que Snyder et ses scénaristes David Goyer et Chris Terrio n’ont pas eu peur de prendre certains risques pour donner encore plus d’impact aux rebondissements et à la conclusion saisissante de cet épisode. Voilà pour les nombreuses qualités du film. Parmi ses petits défauts, on notera une quasi-absence d’humour – en dehors de quelques passages amusants avec Alfred, et d’une justification bienvenue de la voix grave de Batman – et le fait que Superman, une fois encore, n’a guère l’occasion de sourire et de développer son aspect solaire et bienveillant qui le différencie pourtant du chevalier noir de Gotham. Henry Cavill est un acteur brillant et un Superman totalement convaincant, mais après avoir vu l’homme d’acier subir les épreuves d’un véritable chemin de croix dans MAN OF STEEL, on avait envie de le voir parfois heureux dans ce deuxième épisode de la saga. Tel n’est pas le cas, et c’est en serrant les dents et en affrontant des circonstances biaisées qu’il va devoir affronter Batman et l’enquête que mène sur lui une sénatrice déterminée à faire jaillir la vérité. Mais ne boudons pas notre plaisir : Zack Snyder avait tant d’éléments à réunir et à accommoder de manière digeste à l’histoire de BATMAN v SUPERMAN que l’on ne peut que saluer qu’il ait réussi à créer un socle aussi solide pour la construction future de l’univers cinématographique de DC Comics. Le pari qui consistait à rattraper le retard pris au cinéma par rapport à Marvel est en bonne voie d’être gagné, et après avoir découvert dans cet opus les visions prémonitoires de Batman concernant la prochaine menace qui arrivera des étoiles (un indice, il s’agit d’un personnage tout-puissant créé pour DC par Jack Kirby…), on a déjà hâte de le retrouver en compagnie de Wonder Woman et de Superman dans cette giga-aventure en deux parties que sera JUSTICE LEAGUE !

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