LE LIVRE DE LA JUNGLE : la vision du réalisateur – 1ère partie
Article Cinéma du Mercredi 22 Juin 2016

Nous émerveiller et nous faire redécouvrir un grand classique de la littérature en utilisant la technique d’AVATAR, tel est le pari réussi de Jon Favreau dans cette nouvelle version du LIVRE DE LA JUNGLE aux images particulièrement impressionnantes.

Si le procédé Simulcam créé pour Avatar avait été employé par Peter Jackson et Spielberg sur LES AVENTURES DE TINTIN, LE SECRET DE LA LICORNE, aucun autre cinéaste depuis Cameron ne s’en était servi pour intégrer un acteur de chair et d’os – en l’occurrence le jeune Neel Sethi, qui incarne Mowgli – dans un univers entièrement virtuel, peuplé de créatures hyperréalistes. On mesure donc l’ambition et l’ampleur de cette nouvelle version du LIVRE DE LA JUNGLE, que Jon Favreau nous présente comme s’il ouvrait le magnifique album d’un récit d’aventure richement illustré…

Entretien avec Jon Favreau, réalisateur

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

Vous avez expliqué que la version animée du LIVRE DE LA JUNGLE produite par Disney en 1967 avait eu un gros impact sur vous quand vous étiez enfant. En tant qu’adulte, quelles sont les premières images et l’approche visuelle qui vous sont venues à l’esprit quand vous avez commencé à imaginer ce que ce nouveau film pourrait être ? Avez-vous pensé d’emblée à des ambiances plus mystérieuses, plus fantastiques, et à des environnements de plus grande ampleur ?

La première chose dont j’ai du tenir compte pour un projet de cette taille et de ce budget, c’était de le concevoir pour pouvoir séduire ce que l’on appelle « les quatre quadrants » de l’audience, c’est à dire les jeunes et les vieux, les hommes et les femmes. Il fallait que tout le monde puisse être en mesure de l’apprécier. Mais en même temps, et c’est là une leçon que j’ai apprise en tournant IRON MAN qui était inspiré d’une BD bien connue des fans, le public n’a pas forcément envie que vous lui présentiez la même histoire classique dont il a tous les rebondissements en tête. Cependant il y a tout de même certains éléments d’une histoire ou d’un film-culte qui sont des points de repère incontournables qui restent gravés dans la mémoire collective et affective des gens. Je me suis rendu compte que les gens aiment que l’on rende hommage à ces souvenirs d’une histoire célèbre, même si bien souvent, ce dont ils se rappellent est en réalité très différent des scènes exactes du roman ou du film original ! J’ai donc procédé de même en regroupant déjà les éléments essentiels que j’avais gardés en mémoire. Quand j’ai revu le film de 1967, je me suis rendu compte que j’avais oublié beaucoup de choses, mais il me restait quelques images-clés que je tenais absolument à réutiliser : le serpent Kaa qui hypnotise Mowgli, Les singes accrochés aux lianes qui kidnappent le jeune garçon, et Mowgli allongé sur le ventre de Baloo qui flotte sur la rivière. Aucun de ces moments n’était facile à recréer en 3D de manière hyperréaliste : bien au contraire, ils ont posé énormément de problèmes techniques ! S’ils n’avaient pas eu un tel impact sur moi dans ma jeunesse, je les aurais volontiers remplacés par d’autres séquences, car rien que pour la scène de la rivière, nous avons du aller jusqu’à étudier la flottabilité d’un vrai ours dans l’eau, et la manière dont un jeune garçon pourrait se tenir sur son ventre sans les faire « chavirer » ! Recréer cette fameuse scène du dessin animé de 1967 a été un véritable casse-tête technique et artistique (rires).

Vous avez fait appel à la société de Jim Henson pour vous fournir certaines des marionnettes de référence qui ont servi à tourner les scènes en Mocap / capture de performance. Pouvez-vous nous parler de leur contribution au film ?

Volontiers. Ils ont fabriqué pour nous plusieurs marionnettes grandeur nature et nous avons engagé des manipulateurs de leur équipe pour les animer sur le plateau. Il y a une grande tradition d’improvisation chez les marionnettistes, et quand vous avez un très jeune acteur sur le plateau, vous ne voulez surtout pas rater l’occasion de réagir à ce qu’il va faire de manière spontanée. Ni manquer une intention de jeu ou une petite lueur de malice dans ses yeux. De plus, comme tous les personnages d’animaux allaient être animés plus tard, quand nous découvrions une bonne idée de jeu entre Neel et les marionnettes au cours d’une scène, nous pouvions nous en emparer et construire les animations 3D à partir de cela. A l’époque du tournage d’IRON MAN, j’avais déjà appris que dans les films « à effets spéciaux » comme ceux-ci, il était quasi-impossible de modifier le jeu des acteurs dans les grandes séquences destinées à être truffées d’effets visuels par la suite, tandis que c’était tout à fait envisageable dans les autres, de manière à créer des situations comiques, ajouter des gags et des réactions spontanées pour enrichir le script ou remplacer une scène qui semblait un peu plate. Improviser ainsi est bien évidemment beaucoup plus simple quand on tourne en prises de vues réelles avec des acteurs, dans de vrais décors. En revanche, dans LE LIVRE DE LA JUNGLE, TOUT était un effet spécial ! (rires) Il fallait donc que je choisisse avec beaucoup plus de précautions les moments où nous pouvions improviser…

Les marionnettes que vous avez utilisées étaient-elles sophistiquées ? Animées par des mécanismes ?

Non. Les trois points les plus importants de leur présence physique sur le plateau de mocap étaient leurs tailles, leurs mouvements et leurs ombres projetées sur Neel Sethi. Dès que l’on dispose d’une vraie ombre qui apparaît sur un acteur, les choses commencent à se mettre en place : on a déjà un premier élément qui permettra d’intégrer les personnages 3D dans l’image. En revanche, les fausses ombres 2D projetées en 3D sont assez difficiles à réussir, et bien souvent on se rend compte de la supercherie. Nous avions une marionnette grandeur nature de Baloo, également. Les gueules des marionnettes étaient articulées, mais pas de manière réaliste : leur rôle consistait à attirer l’attention de Neel afin qu’il regarde toujours les personnages dans les yeux, dans le bon axe. Les manipulateurs, eux, voyaient ce qu’ils faisaient sur des moniteurs. Ils avaient déjà l’habitude de travailler ainsi pour la télévision.

Comment avez-vous choisi Neel Sethi pour incarner Mowgli ? On imagine que le casting a dû être long, vu l’importance de ce rôle…

Oui, très long. Quand on recherche un acteur de 10 ans et d’origine indienne, on se retrouve face à des jeunes comédiens qui n’ont évidemment que peu d’expérience. Dans la plupart des cas, ils sont apparus dans des publicités et une ou deux séries. Neal est littéralement le 2000ème garçon que nous avons auditionné pour le rôle de Mowgli. Et le sort a voulu qu’il habite non pas à New Dehli, mais à Manhattan ! (rires) La raison pour laquelle je l’ai choisi, c’est qu’il est resté frais et authentique pendant toute sa première audition, et pendant les suivantes. J’aimais le voir jouer, et je voyais bien que son enthousiasme n’était pas feint : il prenait plaisir à devenir ce personnage. Touts ces qualités m’ont convaincu qu’il était le meilleur Mowgli que nous avions vu et que le public le trouverait agréable et ne se lasserait pas de lui au bout de quelques scènes.

La suite de ce dossier paraîtra bientôt sur ESI

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