LA BELLE ET LA BETE : Disney recrée en prises de vues réelles la magie de l’un de ses plus grands succès animés - Entretien avec Bill Condon, réalisateur et co-scénariste
Article Cinéma du Jeudi 23 Mars 2017

Un casting prestigieux, de bons scénaristes, un réalisateur inspiré, de beaux décors et des trucages à foison, tels sont les atouts de cette nouvelle transposition en « live action » d’un classique du studio.

Propos recueillis et traduits par Pascal Pinteau

En 1991, le long métrage d’animation LA BELLE ET LA BETE avait séduit les spectateurs du monde entier grâce à un savoureux mélange d’ingrédients. Citons d’abord la remarquable efficacité du scénario signé par Linda Woolverton (LE ROI LION), avec la collaboration de Brenda Chapman (LE PRINCE D’EGYPTE) et du formidable scénariste / gagman de Disney & Pixar Joe Ranft (LE ROI LION, JAMES ET LA PECHE GEANTE, TOY STORY, 1001 PATTES, CARS) qui fut hélas victime d’un accident de voiture en 2005. Le design et l’animation virtuose de la Bête étaient dus au génial Glen Keane, tandis que le compositeur Alan Menken et le parolier Howard Ashman (décédé en 1991) avaient gratifié le film de numéros musicaux inoubliables, brillamment mis en scène par Gary Trousdale & Kirk Wise ( le tandem gagnant du ROI LION et de ATLANTIDE L’EMPIRE PERDU pour Disney). Le budget de 25 millions de dollars confié à cette équipe avait été un bon investissement puisque LA BELLE ET LA BETE généra 425 millions de dollars au boxoffice mondial avant son exploitation en vidéo, également triomphale.

Un pari colossal

Entreprendre la transposition en prises de vues réelles d’un tel succès, toujours présent dans les mémoires de plusieurs générations de cinéphiles, était à la fois un projet majeur pour les patrons de Mickey Mouse et un énorme pari financier, même si les réussites d’autres adaptations comme MALEFIQUE, CENDRILLON ET LE LIVRE DE LA JUNGLE avaient déjà accoutumé le public à cette démarche du studio. Restait à assembler l’équipe créative de cette nouvelle version. Disney a d’abord porté son choix sur les scénaristes Evan Spiliotopoulos et Stephen Chbosky. Spiliotopoulos avait signé les scripts de nombreuse suites des classiques Disney produites pour des sorties en vidéo (tels LE LIVRE DE LA JUNGLE 2 ou TARZAN 2 : L’ENFANCE D’UN HEROS) tandis que Chbosky a cosigné l’adaptation cinématographique de la fameuse comédie musicale Rent, récompensée par le Prix Pulitzer et par un Tony Award. C’est ensuite le réalisateur Bill Condon qui a été engagé, et qui a retravaillé le scénario avec les deux auteurs afin de le conformer à sa vision. Rappelons que Condon avait rendu un émouvant hommage à James Whale - le metteur en scène des chefs d’œuvres de la Universal des années 30 que furent FRANKENSTEIN, L’HOMME INVISIBLE et LA FIANCEE DE FRANKENSTEIN - dans le film NI DIEUX NI DEMONS en 1998, où Ian McKellen incarnait un Whale vieillissant, rejeté par Hollywood en raison de son homosexualité, et se confiant à son jardinier (Brendan Fraser) au crépuscule de sa vie. Mais n’oublions pas non plus que Bill Condon a signé deux belles adaptations de comédies musicales qui ont incité Disney à le choisir : CHICAGO (2002 - en tant que scénariste) et DREAMGIRLS (2006). L’étape suivante, celle du casting, était toute aussi délicate. En confiant le rôle de Belle à Emma Watson, icône des fans de HARRY POTTER depuis ses débuts en 2001 dans le rôle d’Hermione, le studio bénéficiait de son image bien établie d’héroïne de films fantastiques. Dan Stevens, devenu mondialement célèbre grâce à sa prestation dans la série DOWNTON ABBEY tient le double rôle de la Bête et du prince maudit, tandis que Luke Evans, connu pour avoir été Bard, l’archer qui terrasse le Dragon Smaug dans LE HOBBIT, et Josh Gad (vu récemment dans PIXELS) campent le tandem malveillant formé par Gaston le fier à bras et son acolyte « Le Fou ». Les premières images du film que nous avons découvertes avant de réaliser ces entretiens laissaient augurer que ce remake avec des comédiens de chair et d’os allait être digne de son illustre modèle, tout en réservant de jolies surprises au public, parmi lesquelles plusieurs chansons nouvelles composées par l’excellent Alan Menken.

Entretien avec Bill Condon, réalisateur et co-scénariste

Quels ont été les principaux problèmes à résoudre quand vous avez commencé à travailler sur cette version en prises de vues réelles de LA BELLE ET LA BETE ? Et comment avez-vous utilisé l’expérience que vous avez acquise sur CHICAGO et DREAMGIRLS sur ce nouveau projet ?


Le principal défi était de réussir à transposer le long métrage d’animation en film avec des acteurs de chair et d’os. Il fallait trouver un ton global qui permette de mêler à la fois les éléments fantastiques et les numéros de comédie visuelle proches du cartoon aux scènes émouvantes ou tragiques du récit, dans une approche plus réaliste du projet. La difficulté consistait à harmoniser ces éléments afin de former un tout solide et convaincant. Dans le dessin animé, il y a les scènes comiques de « slapstick », de pur humour visuel, avec Gaston et Le Fou, et les moments plus dramatiques qui décrivent la solitude et l’amertume de la Bête, ainsi que le début de l’histoire d’amour avec Belle, et je tenais à ce que tout cela forme un film en prises de vues réelles qui soit cohérent. C’est la pensée qui m’a habité pendant toute la préparation et le tournage. Et concernant votre question sur CHICAGO et DREAMGIRLS, je dois dire que j’ai toujours été passionné par la forme d’expression cinématographique particulière qu’est la comédie musicale. C’est la raison pour laquelle j’ai eu envie de faire ce film. Quand le long métrage d’animation est sorti en 1991, le critique du New York Times a écrit « Je viens de voir la meilleure comédie musicale de Broadway réalisée depuis des années. » C’était une manière amusante de dire que LA BELLE ET LA BETE avait été écrit, conçu visuellement, composé et joué dans la grande tradition des comédies musicales du passé. Je crois que la clé de la réussite de notre projet était de préserver cette approche de l’âge d’or des comédies musicales. J’ai utilisé dans ce film tout ce que j’ai appris sur la manière d’introduire une chanson ou un numéro dansé après une scène de dialogues. Et nous avons respecté aussi une règle très importante, qui est que chaque chanson doit faire avancer la narration du récit. Stopper l’histoire simplement pour insérer une chanson, cela ne fonctionne jamais !

Pouvez-vous nous parler des nouvelles chansons que Alan Menken a composées pour le film ?

Volontiers. Je dois préciser d’emblée que nous avons gardé la musique et toutes les chansons originales car elles sont si réussies qu’il n’y en pas une seule que l’on pourrait couper sans le regretter amèrement. Elles sont donc toutes là ! Mais nous avons donné davantage de place à la musique. Notre approche n’a pas été celle d’une réinvention ni d’une modernisation du sujet, comme cela a pu être le cas dans MALEFIQUE. Notre objectif a consisté à donner encore plus d’ampleur à cette histoire, notamment sur des points qui n’avaient pas été traités, ou qui concernent des moments de la vie des personnages que nous n’avions pas encore découverts. Notre but principal a été de rendre cette histoire d’amour crédible, et de vous persuader que Belle et la Bête ne pouvaient appartenir que l’une à l’autre. La manière dont nous avons travaillé a consisté à raconter comment ces deux personnages en sont arrivés là, chacun de leur côté. Vous verrez dans quelles circonstances Belle est arrivée dans cette petite ville qu’elle déteste, et pourquoi et comment la Bête a été maudite. C’est en complétant ces parties manquantes de leurs histoires personnelles que nous avons constaté la nécessité de créer d’autres chansons. Il y a donc trois nouvelles chansons principales, dont on retrouve des échos musicaux à d’autres moments du film. Il y en a une que Kevin Kline, qui joue le rôle de Maurice, le père de Belle, chante en premier, puis qui est reprise par Belle, et qui évoque le terrible sentiment d’absence qu’ils éprouvent parce que la mère de Belle a disparu. La deuxième chanson, qui s’intitule DAYS IN THE SUN, fait référence à la mère de la Bête, et à l’espoir de tous les habitants du château enchanté de vivre des jours meilleurs lorsque la malédiction sera levée. Et la troisième chanson inédite est un numéro spectaculaire autour de la Bête, un grand ballet typique du style d’Alan Menken, qui se déroule pendant que la Bête chante en pensant avoir perdu Belle à tout jamais.

La suite de notre dossier sur LA BELLE ET LA BETE paraîtra bientôt sur ESI. Bookmark and Share


.