DUNE : DEUXIÈME PARTIE : Entretien avec Hans Zimmer, compositeur
Article Cinéma du Vendredi 26 Avril 2024

HANS ZIMMER a collaboré à quelque 200 films totalisant plus de 28 milliards de dollars de recettes mondiales. Il a remporté deux Oscars, trois Golden Globes, trois Grammy, quatre Grammy Awards, un American Music Award et un Tony. Parmi ses compositions, citons DUNE, TOP GUN: MAVERICK, MOURIR PEUT ATTENDRE, GLADIATOR de Ridley Scott, LA LIGNE ROUGE de Terrence Malick, TOUT PEUT ARRIVER, RAIN MAN, la trilogie DARK KNIGHT et INCEPTION de Christopher Nolan, THELMA ET LOUISE et LA CHUTE DU FAUCON NOIR de Ridley Scott, 12 YEARS A SLAVE de Steve McQueen, BLADE RUNNER 2049 de Denis Villeneuve, en collaboration avec Benjamin Wallfisch, LE DERNIER SAMOURAÏ, DUNKERQUE de Christopher Nolan, ou encore la série Planète préhistorique.

Aviez-vous réellement quitté l’univers de DUNE, avant de commencer à travailler sur cette deuxième partie ?

Non, je ne l’ai jamais quitté ! Je crois que Denis s’est dit que j’étais un peu fou parce que j’ai continué à composer de la musique après la fin du tournage du premier film. Mais comme je connaissais l’histoire et que je connaissais le livre, je savais ce qui nous attendait. D’ailleurs, plusieurs thèmes de ce nouvel opus ont été écrits à la fin du premier film, avant même que Denis n’entame le tournage. J’ai eu le sentiment que c’était important de continuer à écrire pendant qu’on était encore dans le même état d’esprit artistique. Je n’avais jamais vécu une expérience pareille car c’est la première fois qu’un livre m’inspire autant pour écrire une partition de cinéma. En plus, Denis est un merveilleux ami et un réalisateur visionnaire. Sans compter qu’il a accompli quelques miracles. Par exemple, pour le monologue intérieur des personnages qui est si difficile à transposer au cinéma, il a réussi à trouver le moyen de l’évoquer par la grâce de sa mise en scène, sans s’appuyer sur une voix off. Il raisonne toujours en cinéaste. Il a fait de DUNE une pure œuvre cinématographique sans se contenter d’une simple illustration du texte. Quand j’ai vu défiler le générique de fin du le premier film, j’ai consulté mon exemplaire du livre et constaté qu’on en était seulement à la page 156 ! On n’était pas encore entré dans le vif du sujet !

Vous avez composé des thèmes pour chacune des civilisations que l’on voit dans ce nouvel opus…

Je voulais mettre au point un paysage sonore différent pour chaque univers. L’univers des Harkonnen est brutal et industriel : chez eux, on dirait qu’on dîne dans une fonderie ! À l’inverse, le monde des Fremen est porté par le vent du désert, des sons naturels et simples. Il y a beaucoup de sonorités de bois et on entend le bruit du sable dans la partition. En outre, il y a les voix féminines des Bene Gesserit qui offrent différentes textures. Quant à l’Empereur, j’ai cherché à donner le sentiment que sous son air élégant, sommeille un serpent prêt à vous tuer dès qu’on lui tourne le dos.

Le thème d’amour de Paul et Chani est très important…

Pour ce film, je ne voulais pas d’un ‘thème d’amour’ classique s’agissant de Chani et Paul. Leur relation est atypique tout en étant la colonne vertébrale du récit. Je voulais suggérer que Chani lui apprend à aimer cette planète aride et, à travers cet amour, mettre en valeur sa propre force à elle.

Comment décririez-vous la continuité entre les deux volets de DUNE ?

Ce n’est pas une suite au sens classique du terme, mais le deuxième volet de l’histoire. Du coup, au moment où j’écrivais la musique du premier opus, j’étais pleinement conscient qu’il fallait que je développe plusieurs thèmes de la partition, sans les écarter pour en écrire de nouveaux. Il fallait créer une continuité entre les deux films, établir des résonances de l’un à l’autre. Le meilleur allié d’un compositeur est le monteur musical. Avec Ryan Rubin, l’un de nos chefs-monteurs musicaux, on passait en revue toute la partition pour repérer les endroits où on était conventionnels, ou trop timorés, où on pouvait s’améliorer et imaginer de meilleures sonorités. Un compositeur, en général, écrit sur une feuille, puis la donne à l’orchestre. Les musiciens jouent le morceau sur leurs instruments et ils rentrent chez eux. Ce n’est pas ce que nous avons fait ! On se demandait de quel son, de quelle tonalité, on avait besoin et on se mettait à fabriquer la machine capable de produire ce son.

Vous avez collaboré avec des français…

Oui, de merveilleux artistes que nous avons fait venir de France accompagnés de cet incroyable instrument qui ne leur a pris que dix ans à mettre au point ! (rires) Il s’agit de l’Osmose. On avait un formidable synthé et chaque membre de l’équipe programmait, créait et enregistrait des sons. Guthrie Govan, le guitariste, venait d’Angleterre. Juan Garcia-Herreros, le bassiste, venait de Tahiti. Aleksandra Suklar, la percussionniste, venait de Vienne. Guillaume Bonneau, Christophe Duquesne et Eddie Eagan, extraordinaires musiciens et inventeurs français, ont largement contribué à la musique créée avec l’Osmose. En général, quand on appuie sur la touche d’un piano, on obtient un son, puis celui-ci s’estompe. Avec l’Osmose, le clavier repère à quel endroit précis le doigt a touché le clavier, si bien que lorsqu’on s’apprête à appuyer sur une touche, le son peut changer radicalement en fonction de la manière dont le doigt se déplace sur la touche. Bien entendu, pour donner un simple exemple, ce que chaque joueur de synthé souhaite faire, c’est ce qu’un violoniste ou un guitariste peut faire, c’est-à-dire obtenir un vibrato ! Avec l’Osmose, on peut ainsi avoir un léger mouvement oscillatoire à gauche et à droite, et transformer un son d’un simple geste.

Vous êtes connu pour innover constamment dans vos compositions…

Nous passons notre temps à découvrir des choses. On lance des idées et on se demande ce qui se passerait si on explorait telle ou telle option. Par exemple, Molly Rogers est l’une de nos violonistes qui est aussi une chanteuse épatante. On a pris un fragment de sa voix et trouvé le moyen de la resynthétiser. Soudain, sa voix possédait des sonorités inhumaines.

Comment Denis Villeneuve s’est-il associé à la création musicale ?

Je crois que je n’avais jamais travaillé avec quelqu’un d’aussi attentionné que Denis. Lorsque, au moment de l’enregistrement, tous les musiciens et les sound designers sont réunis sur la scène, qu’ils lancent tous des idées pour la bande-originale, et que Denis est avec nous, la situation pourrait les inhiber. Mais je sais – et il sait – qu’ils feraient n’importe quoi pour lui dans l’intérêt du film. Et que lui ferait n’importe quoi pour nous. Denis est brillant, intelligent, bienveillant. En revenant dans l’univers de DUNE, j’avais le sentiment de me retrouver en famille.

La suite de notre dossier DUNE : Deuxième Partie paraîtra bientôt sur E.S.I. !

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