Solo : A Star Wars Story – Dans les coulisses d’un western spatial
Article Cinéma du Mercredi 23 Mai 2018

Cinq mois seulement après la sortie de l’Épisode VIII de la saga Skywalker, Lucasfilm nous invite à retrouver la galaxie Star Wars. Ce nouveau film dérivé, dont l’histoire se déroule un demi-siècle avant les événements des Derniers Jedi, est consacré à la jeunesse de Han Solo. Tantôt présenté comme un western spatial doté d’une couche de film noir, parfois introduit comme un «buddy movie» particulièrement drôle, voire un film de braquage à la Ocean’s Eleven, Solo pourrait réserver quelques surprises…

Avertissement : dans cet article, nous mentionnons l’identité des principaux personnages du film, ainsi que les planètes visitées par Han Solo. Ce qui correspond à ce qui a déjà été dévoilé par la campagne promotionnelle du film.

Par Pierre-Eric Salard



Des débuts prometteurs

À l’instar de Rogue One avant lui, Solo : A Star Wars Story représente un certain risque pour Lucasfilm. Même si Han Solo est l’un des personnages les plus appréciés de la saga, le public va-t-il se laisser séduire par les mésaventures qui forgèrent la personnalité du contrebandier ? Qui, en outre, est incarné par un nouvel acteur ? Aux côtés de Han Solo, Chewbacca et Lando Calrissian, nous découvrirons toute une galaxie de nouveaux personnages. Tous issus de la pègre intergalactique, un domaine peu exploré par les précédents films. Suite aux aléas de la production, le réalisateur Ron Howard (Willow, Apollo 13), appelé à la rescousse, a souhaité que les fans «ne cherchent pas à savoir comment ce film a été fait». C’est pourtant ce que nous vous proposons de faire ! Retournons plus de cinq ans dans le passé. Dès le mois d’octobre 2012, lors d’une réunion avec Kathleen Kennedy, la Présidente de Lucasfilm, et George Lucas, le scénariste Lawrence Kasdan s’était vu offrir l’opportunité d’écrire un film dérivé de la saga. Han Solo étant son personnage favori, il imagine d’emblée une histoire autour de la jeunesse du contrebandier. Or à la fin de l’année 2014, Lawrence Kasdan doit réécrire en urgence, en compagnie de J.J. Abrams, le script du Réveil de la Force. Deux autres projets obtiennent donc la priorité de Lucasfilm : Rogue One et un film dédié à Boba Fett. Quelques mois plus tard, le réalisateur du second film dérivé – une série d’œuvres autonomes nommées «A Star Wars Story» —, Josh Trank (Chronicle), est remercié. Solo obtient ainsi la priorité. Une fois le sauvetage de l’Épisode VII terminé, Lawrence Kasdan entame l’écriture du script, en collaboration avec son fils Jon. Le projet est officiellement dévoilé le 7 juillet 2015. Peu après, la mise en scène de Solo est confiée à de jeunes et talentueux cinéastes, Phil Lord et Christopher Miller, qui s’étaient illustrés grâce à une succession de comédies à succès, dont 21 Jump Street et La grande aventure LEGO. Le concept de ce film est, somme toute, particulièrement simple : raconter comment Han Solo a rencontré Chewbacca, avant de récupérer le Faucon Millenium auprès de Lando Calrissian et de se forger sa carapace émotionnelle. «Nous allons revenir sur les raisons pour lesquelles il devient le personnage que nous avons tous connu et adoré », précise Kathleen Kennedy. Le Corellien sera ainsi âgé d’une petite vingtaine d’années. Rappelons que Harrison Ford avait 34 ans lors du tournage d’Un Nouvel espoir, en 1976. «Han est un peu plus immature et un peu moins expérimenté», ajoute la dirigeante de Lucasfilm. «Il doit gagner le respect des gens avec qui il interagit, même s’ils sont au bas de l’échelle». Solo : A Star Wars Story se déroule une dizaine d’années avant la destruction de l’Étoile noire — soit entre les Épisodes III et IV, à une époque où l’Empire galactique contrôle la galaxie d’une main de fer. En mai 2016, la préproduction suit son cours. L’ambiance semble être au beau fixe ; Lawrence Kasdan ne tarit pas d’éloges sur Phil Lord et Christopher Miller, qui sont «géniaux et drôles». Pour autant, alors que l’on connaît déjà l’avenir de Han Solo et Chewie, est-ce que l’existence de ce film était nécessaire ?

Une histoire de porte-bonheur

À l’instar de la prélogie et de Rogue One, Solo est une «préquelle». Les spectateurs savent déjà que trois personnages survivront au long-métrage : Han, Chewbacca et Lando. L’intrigue va se concentrer sur un moment charnière du parcours de Han Solo. L’orphelin, qui a grandi seul dans les rues de la planète Corellia, va faire ses premières armes dans la criminalité. Grâce à la trilogie originale et à l’ancien univers étendu littéraire, les fans connaissent déjà certaines étapes clés de l’histoire du plus vaurien des contrebandiers. A la fin des années 1970, un jeune Han Solo avait déjà bénéficié d’une (piètre) trilogie littéraire, écrite par Brian Daley. Deux décennies plus tard, A.C. Crispin en signe une deuxième, plus appréciée. Y sont contés la rencontre avec Chewbacca, les années de formation à l’Académie impériale, la victoire lors d’un tournoi du jeu de sabacc qui lui permet de soutirer le Faucon des mains de Lando, ou encore le raid de Kessel (une route hyperspatiale que le Faucon parcourt en un temps record). Y sont également introduits un mentor patibulaire, Garik Shrike, ainsi qu’une première relation amoureuse (Bria Tharen). Étonnamment, malgré la liberté offerte aux Kasdan, Solo reprend de nombreux temps forts de cette trilogie littéraire. Le Faucon, lui, a obtenu une cure de jouvence. Une décennie avant Un Nouvel espoir, le cargo est encore rutilant, comme s’il venait de sortir de l’usine. Il ne possède pas encore les deux mandibules érigées vers l’avant. Sa forme rappelle désormais celle d’une pointe. Son antenne est posée à l’horizontale. Une partie de ces modifications sont issues des illustrations réalisées par Ralph McQuarrie, au milieu des années 1970. «Le Faucon est sans aucun doute l’un des personnages de ce film», déclare Ron Howard. «Ce véhicule représente un facteur déterminant du futur de Han». Le Faucon est également lié à une histoire de dés en or. Ce porte-bonheur ne quitte jamais Han Solo. Dans sa jeunesse, il l’a installé dans le cockpit du landspeeder avec lequel il participe à des courses dans les rues de Corellia. Plus tard, il apparaît dans le cockpit du Faucon dans Un Nouvel espoir (avant de disparaître dans les deux épisodes suivants). Une scène coupée du Réveil de la Force montrait Han remettre ses dés dans le Faucon, après avoir récupéré son cher vaisseau. Dans Les Derniers Jedi, Luke utilise la Force pour les reproduire sous forme d’illusion, avant de les confier à sa sœur, dans un geste de compassion pour celle qui vient de perdre son époux. Ces dés ont sans doute permis à Han Solo de vaincre Lando lors de la fameuse partie de Sabacc – mais cela, nous n’en aurons la confirmation qu’au mois de mai. Une chose est certaine : avant de rencontrer Luke et Leia, Han ne faisait confiance en personne. Mais il croyait en sa chance.

De nouvelles planètes

Solo nous invite à découvrir des planètes inédites sur le grand écran, mais pas forcément inconnues pour les fans. Corellia fait partie, à l’instar de Coruscant, des mondes du Noyau galactique (à l’instar de Coruscant). C’est ici que le jeune Han a grandi. La planète marécageuse Mimban a quant à elle été introduite dès 1978, dans un roman (désormais apocryphe) inédit en France, Splinter of the Mind’s Eye. Notons qu’une adaptation, sous forme de comics, fut publiée sur notre territoire en 1998 puis 2011, sous le titre La Pierre de Kaiburr. Splinter of the Mind’s Eye introduisit le concept des cristaux Kyber, qui deviendront la source d’énergie des sabres lasers, mais aussi du superlaser des Étoiles de la mort. C’est ce cristal que l’Empire pille sur la planète Jedha (et que Jyn Erso porte également autour de son cou) dans Rogue One. Pour l’anecdote, ce roman, écrit par Alan Dean Foster, devait originellement servir de matériau de base pour une suite (à bas coûts) au film original. Mais le succès de La Guerre des étoiles modifiera les plans de George Lucas. Près de quarante ans plus tard, Mimban faillit apparaître dans Rogue One, mais la planète Jedha lui fut préférée. Nous ne savons pas encore pour quelles raisons Han Solo s’y rendra, mais l’Empire y opère plusieurs mines. Cette planète n’est pas particulièrement accueillante : soumise à d’incessants orages, Mimban est perpétuellement plongée dans un épais brouillard. Mentionnée par deux fois dans Un Nouvel espoir, Kessel, enfin, est bien connue des aficionados. La pègre y puise dans des mines les épices qu’elle distribue en contrebande à travers la galaxie. Le raid de Kessel, quant à lui, devrait abriter de grands dangers. Comme de gigantesques créatures tout droit sorties du mythe de Cthulhu ? Les premières images du film montrent également une quatrième planète, enneigée. Dans un clair hommage aux westerns, Han Solo et Chewbacca y participent à l’attaque d’un train, le Conveyex. Quel trésor pourrait bien transporter le véloce engin ? Le design du train aérien fut notamment mis au point par le directeur artistique des effets visuels James Cline (Avatar, Le Réveil de la Force) et le maquettiste Alex Hutchings (Le Réveil de la Force, Rogue One). James Cline a lui-même insisté pour que la modélisation des concepts en maquette fasse partie du processus de design des nouveaux films.



Trois vieux amis

Si ce film réintroduit trois protagonistes bien connus (et peut-être d’autres, la présence d’un célèbre chasseur de prime étant suspecté), Han Solo va croiser la route d’une galerie de personnages tous autant originaux qu’inquiétants. Selon son interprète, Alden Ehrenreich, le contrebandier va passer son temps à tenter de deviner en qui il peut avoir confiance. Et les spectateurs aussi. Ce jeune acteur américain, né en 1989 en Californie, fut sélectionné au printemps 2016. Il a auparavant collaboré avec Francis Ford Coppola (Tetro, Twixt), Woody Allen (Blue Jasmine), Park Chan-wook et les frères Coen. Or rien n’aurait pu le préparer à la pression inhérente à ce projet : prendre le relais d’Harrison Ford dans l’un de rôles les plus iconiques ! Alden Ehrenreich dispose d’un atout : le personnage a singulièrement évolué entre sa jeunesse et les événements d’Un Nouvel espoir. «La principale différence est que le Han que l’on rencontre dans ce film est davantage un idéaliste. Il poursuit certains désirs, et on verra comment la confrontation avec de nouvelles réalités affectera ses rêves — des réalités bien plus dures que ce à quoi il s’attendait». Dans un milieu difficile, où le pouvoir est partagé entre l’Empire et les pontes du crime organisé, le jeune homme cherche avant tout à devenir indépendant, et maître de son destin. «Les Kasdan ont fait un merveilleux travail en imaginant, de manière rétroactive, quels types d’expérience l’amèneraient à devenir le personnage que nous connaissons tous». En amont du tournage, Alden Ehrenreich a eu l’opportunité de discuter de l’évolution du personnage avec Harrison Ford. Ce dernier a partagé ses souvenirs du tournage d’Un Nouvel espoir, quatre décennies plus tôt. George Lucas lui avait en effet donné une idée générale de la personnalité de Han. «Alden a mentionné plusieurs fois certaines choses que Harrison lui avait racontées», se souvient Kathleen Kennedy. «Je pense que ça lui a été vraiment utile». Chewbacca, lui, est incarné par le seul acteur «vétéran» du film, puisque Joonas Suotamo, né en 1986, a déjà participé aux Épisodes VII et VIII. Dans Le Réveil de la Force, le finlandais, dont la taille frôle les 2,10 mètres, incarnait le wookie en alternance avec Peter Mayhew – ce dernier ayant une santé défaillante. Dans les Derniers Jedi, l’interprète original de Chewie n’avait plus qu’un rôle de consultant. Désormais, le passage de relais est terminé. «Joonas apporte beaucoup au rôle. Il sait comment se déplacer dans le costume pour transmettre les bonnes choses», s’enthousiasme Alden Ehrenreich. Selon Jon Kasdan, Solo est avant tout une histoire d’amour : celle de Han et Chewie. «Leur relation a toujours été ma partie préférée de la saga, et le fait que seul Han puisse comprendre ce que dit Chewie représente une formidable opportunité pour mettre en place des situations humoristiques». Ce à quoi son père, Lawrence, répond que les wookies possèdent de nombreuses qualités, mais qu’il est difficile de se faire accepter dans leur cercle social. Ce que confirme Alden Ehrenreich : «Je crois que la confiance ne s’installe pas facilement entre deux personnes, aux caractères trempés, qui se rencontrent dans ces milieux difficiles». Né en 1983, Donald Glover ( «Atlanta», Spider-Man Homecoming), aussi connu sous le nom de Childish Gambino au sein de l’industrie musicale, endosse quant à lui les costumes de Lando Calrissian, qui furent autrefois portés par Billy Dee Williams. Élevé par des parents témoins de Jehova, Glover s’est très jeune déniché un espace de liberté grâce à Star Wars. Parmi sa collection de figurines figurait évidemment Lando. Des années plus tard, lorsqu’il entend parler de la production de Solo, il insiste auprès de son agent pour participer au casting. Il se prépare en étudiant les films… et s’illustre brillamment lors du processus de sélection.

Un duo de choc

Donald Glover rencontre ensuite Billy Dee Williams, qui lui conseille simplement d’être charmant, et de s’intéresser à un maximum de choses. «Cette entrevue fut vraiment cool, et je me suis contenté de suivre ses indications», se souvient-il. «Je ne dirais pas que Lando est excentrique, mais il a des goûts éclectiques». Son élégance lui permet de s’extirper des situations les plus dangereuses. Lando a déjà le sentiment de n’avoir rien à prouver, à personne. Ce qui le différencie de Han Solo. «Il apprécie les règles, car il est dans une position qui lui permet d’en bénéficier». Il sait se servir des failles du système. Han, lui, préfère contourner les règles. À l’instar de leur relation dans L’Empire contre-attaque, Han et Lando ne sont ni amis ni adversaires, ou un peu des deux à la fois. «Ils ont des styles très différents», rappelle Alden Ehrenreich. «Mais leurs personnalités ne sont pas forcément dissemblables». Ils s’affronteront dans ce qui deviendra, espérons-le, une légendaire partie de Sabacc. «Nous y avons beaucoup joué ! », s’amuse Donald Glover. Ron Howard, lui, salue la prestation de l’acteur, mais aussi sa passion pour un personnage dont il aurait particulièrement bien cerné le charme, l’humour et l’intelligence. Dans ce film, Han ne rencontre pas uniquement Lando, mais également sa collaboratrice : un droïde nommé L3-37. Incarné par Phoebe Waller-Bridge (la série «Fleabag»), L3-37 marque deux évolutions majeures pour la saga. Il s’agit du premier droïde «féminin», mais également d’un individu à part entière ! Contrairement à tous les droïdes que nous avons précédemment connus, L3-37 n’a aucun maître. «Lando et L3 sont tous deux des autodidactes», explique Donald Glover. Sa personnalité est plus particulière, émotionnelle, voire «humaine», que les autres droïdes. L3-37 s’est physiquement améliorée en récupérant des pièces d’autres robots. Ce qui explique pourquoi son torse rappelle un droïde astromécano, comme R2-D2. Elle évolue par et pour elle-même – ce qui promet des perspectives intéressantes pour les robots de cette saga. «Nous voulions que ce soit un genre de droïde complètement différent de ce que nous avons vu dans les films», déclare Jon Kasdan. «Et nous voulions vraiment que ce soit une femme. Nous pensions qu’il était temps». A l’exception de quelques droïdes assassins (dont IG-88 dans L’Empire contre-attaque), tous les robots appartiennent et obéissent habituellement à des êtres vivants. Seules quelques œuvres ont effleuré le concept d’indépendance, dont un récent comics consacré aux aventures de C-3PO peu avant les événements du Réveil de la Force. Lorsque Han Solo fait leur connaissance, L3-37 et Lando travaillent ensemble depuis déjà plusieurs années. Ce duo représenterait presque une ébauche de ce que deviendront Han et Chewie. Phoebe Waller-Bridge a rejoint la distribution en février 2017. «Être dans un film avec Phoebe est une sorte de bénédiction», poursuit Donald Glover. «Elle est vraiment drôle et honnête». Des compliments partagés par Lawrence Kasdan, qui la trouve hilarante. Si L3 apporte un souffle comique, c’est aussi parce qu’elle dispose d’une intelligence hors-norme. Ce qui promet des dialogues pour le moins savoureux. L3 n’est subordonnée à personne, «ce qui est un genre de droïde très amusant à écrire», déclare Jon Kasdan. Ce robot ne sera toutefois pas l’unique personnage féminin doté d’une forte personnalité.

Une équipe de malfrats

Emilia Clarke, alias Daenerys Targaryen dans «Game of Thrones», incarne une vieille amie de Han Solo, Qi’ra (Kira ayant été le premier nom de Rey dans les scripts du Réveil de la Force). Dans leur enfance, ils s’amusaient ensemble dans les rues de Corellia, avant que leurs chemins ne se séparent. Tous deux se sont battus, chacun à sa manière, pour survivre dans un monde difficile. Lorsqu’ils se retrouvent, Han découvre que son ancienne amie est devenue une femme fatale, qui côtoie des hommes aussi puissants que riches et dangereux. «Quand il y a une femme vraiment glamour dans un environnement particulièrement sordide, on sait que cela cache quelque chose», explique l’actrice. «Elle lutte essentiellement pour survivre». À l’instar de Lando, Qi’ra a tracé son chemin en participant au système, plutôt qu’en tentant de le renverser. Leurs retrouvailles auront un impact sur la personnalité de Han. «L’ombre de Qi'ra est présente sur me personnage que nous connaissons». Qi’ra représente évidemment l’approche «film noir» promise par l’équipe de production. Quel secret garde-t-elle ? Han pourra-t-il compter sur celle avec qui il a grandi ? Comme le veut la tradition, rien n’est moins sûr. Woody Harrelson, lui, interprète Tobias Beckett, un criminel qui propose à Han de participer à une opération clandestine. Il veut se forger une réputation en organisant un casse audacieux. «C’est un électron libre», explique Ron Howard. «Tobias a vraiment plus d’influence que quiconque sur Han, qui pense avoir besoin d’un code moral dans cette époque sans foi ni loi». Et deviendra, peu ou prou, un mentor, une figure paternelle pour le jeune homme. Pour établir cette relation, les Kasdan se sont inspirés du roman de Robert Louis Stevenson, L’île au trésor. Charismatique, Tobias rassemble toute une équipe de malfrats pour réaliser son opération. Dont Val, un mystérieux personnage incarné par Thandie NewtonWestworld»), qui s’avoue d’emblée sceptique quant aux talents de Han Solo. «Leur relation va prendre une direction… intéressante», souffle Jon Kasdan. Val serait-elle Sana Solo, la vraie-fausse épouse de Han, introduite dans les comics Marvel en 2015 ? La question reste posée, bien que Lucasfilm ait précisé que cela ne sera pas le cas. Enfin, Paul Bettany joue un puissant parrain du crime, Dryden Vos (qui n’a aucun lien de parenté avec le populaire Jedi Quinlan Vos, aperçu dans La Menace fantôme). Élégant, ce personnage s’avère aussi cruel que Jabba le Hutt. L’un est simplement plus repoussant que l’autre. Dryden Vos pourrait être le commanditaire du casse organisé par Tobias, ou bien le principal adversaire du film. Et il n’est pas impossible qu’un certain Boba Fett soit à son service, même si cela reste à confirmer. Notons enfin que Jon Favreau, la réalisateur d’Iron Man et producteur de la future série Star Wars, incarne l’alien Rio durant.

Désaccords créatifs

Sous le nom de code «Red Cup», le tournage de Solo débute le 20 février 2017 au sein des studios Pinewood, près de Londres. En mai, il se poursuit dans la montagne italienne du Monte Piana, puis dans les alentours d’une centrale thermique désaffectée de Fawley, en Angleterre. Là furent tournées certaines scènes en landspeeder. Notons d’ailleurs que le design du véhicule du jeune Solo rappelle fortement un modèle de voiture, la Ford… Falcon des années 1960 ! Une automobile qui aurait pu apparaître dans l’American Graffiti de George Lucas. C’est d’ailleurs dans ce film que fut introduite l’idée des dés porte-bonheur : ils étaient installés dans la voiture de Steve Bolander, un personnage incarné par un certain… Ron Howard ! Le chef décorateur d’Un Nouvel espoir, Roger Christian, s’en inspira pour établir la décoration du Faucon (Harrison Ford jouait également dans le second film de Lucas). A la fin mai 2017, les prises de vues reprennent sur l’île de Fuerteventura, dans l’archipel des Canaries. Une petite ville de fiction a précédemment été érigée près du rivage. Mais cela fait déjà plusieurs semaines que les relations se tendent entre Phil Lord et Chris Miller, et la direction de Lucasfilm. Lawrence Kasdan n’apprécie pas que le duo ne respecte pas son script à la lettre, alors que les réalisateurs regrettent qu’on ne leur laisse pas toute la liberté nécessaire pour improviser. A un mois de la conclusion du tournage, après avoir tenté de trouver un terrain d’entente, Kathleen Kennedy prend la décision de les licencier. Avec le recul, Phil Lord et Chris Miller ont abordé cette déception avec un certain apaisement. «L’expérience de ce tournage fut merveilleuse», déclara Phil Lord. «Tout le monde avait de bonnes intentions, mais notre approche était trop différente de la leur. Le fossé était trop large». Ce que confirmera Kathleen Kennedy, selon laquelle «nous souhaitions tous que cette collaboration se déroule à merveille. Quand cela n’a pas fonctionné comme nous le désirions, ce n’était pas à cause d’une absence de talent». Lucasfilm souhaitait que Solo s’inscrive à l’intersection de plusieurs genres cinématographiques : le space opéra, évidemment, mais aussi la comédie, le film noir, le film de braquage et le western. En ce qui concerne ce dernier point, Kathleen Kennedy affirme que ce spin off sera un «film de pistoleros». L’équipe de production s’est inspirée de l’œuvre du peintre Frederic Remington. «Les couleurs primaires qui sont utilisées dans ses peintures définissent l’aspect et l’ambiance du film», ajoute la productrice. Lawrence Kasdan, lui, n’a jamais dissimulé son attrait pour les westerns. Par le passé, il en a d’ailleurs écrit et réalisé deux, Silverado (1985) et Wyatt Earp (1995). Dans les années 1970, George Lucas avait déjà puisé dans la mythologie du western pour mettre au point l’imagerie d’Un Nouvel espoir : une planète qui a tout du far west (Tatooine) et peuplée d’autochtones dangereux (les hommes des sables), un saloon où se déroule une bagarre (la cantina), etc. L’influence de La Prisonnière du désert (1956), de John Ford, fut parfois revendiquée par le cinéaste. L’intrigue de Solo devrait encore s’inspirer du folklore des westerns (plutôt que les thèmes qui les définissent) ; Firefly, la série de «western spatial» imaginée par Joss Whedon, ayant déjà défriché ce terrain. Notons d’ailleurs que Solo comme «Firefly» ont repris une scène bien connue des westerns : l’attaque d’un train. Tout comme Rogue One utilisait certains codes des films de guerre, ce second spin off recyclera des figures imposées du western pour revenir aux sources de la saga. Sans pour autant en fait une nouvelle relecture de la conquête de l’ouest.

Dernière ligne droite

Le 22 juin 2017, Ron Howard accepte de prendre le relais. Ce dernier n’est pas étranger à la saga de George Lucas. Sur le tournage d’American Graffiti, en 1972, Lucas lui confiait déjà son désir de réaliser «son» Flash Gordon. En 1988, il réalise Willow pour Lucasfilm. Plusieurs semaines de tournage additionnel sont annoncées. Elles se transformeront en mois, puisque les prises de vues se terminent finalement le 17 octobre dernier. Lors du premier jour de Ron Howard sur les plateaux, George Lucas lui rend visite. Son vieil ami l’incite à suivre son instinct, non sans lui proposer une idée de mise en scène que Ron Howard s’empresse de mettre en pratique. Harrison Ford, quant à lui, n’hésite pas à lui confier sa vision du personnage : un être déchiré entre sa volonté de se lier aux gens, et celle de faire tout le contraire à cause de son passé d’orphelin. «Han ne maîtrise pas assez les choses. Il veut donc donner une apparence de contrôle». Ron Howard refuse – pour l’instant – de préciser ce qu’il a conservé du travail réalisé par Phil Lord et Chris Miller (qui seront crédités en tant que producteurs exécutifs), tout en certifiant que le film est marqué de leur empreinte. Thandie Newton estime que 90 % de ses scènes ont été tournées par le duo. «Il n’a jamais été question de recommencer à zéro», ajoute-t-elle. Donald Glover, qui dit ne pas avoir participé à une «tonne» de prises de vues additionnelles, ajoute que l’arrivée de Ron Howard n’a pas altéré le travail des acteurs. «Il ne voulait pas que nous changions quoi que ce soit. Il souhaitait que nous soyons à l’aise avec notre vision». Un acteur va malheureusement être fortement impacté par ces rebondissements : Michael K. Williams («The Wire»), qui interprétait originellement Dryden Vos, n’est pas disponible pour les «reshoots». Il est ainsi remplacé, à la dernière minute, par Paul Bettany (Avengers 2), qui avait déjà tourné dans deux longs-métrages de Ron Howard. Si John Powell (La Mémoire dans la peau, Shrek) s’est vu confier l’écriture de la bande originale, John Williams signe un thème musical du film. En janvier dernier, alors que la postproduction entame sa dernière ligne droite, l’équipe est endeuillée par la disparition de l’une des productrices du film, Allison Shearmur (Rogue One). Peu après, alors que la campagne promotionnelle est enfin initiée à l’occasion du Superbowl, une dernière phase de tournage additionnel est organisée. Les premières images de Solo auront tardé à être dévoilées afin de ne pas empiéter sur l’exploitation en salle des Derniers Jedi. Cela reste toutefois rare à Hollywood, une industrie où la promotion des films commence parfois plus d’un avant leur sortie – comme ce fut le cas pour Le Réveil de la Force. Et cela pourrait s’avérer être un avantage pour un film qui était particulièrement attendu au tournant…

Rendez-vous en fin de semaine pour faire le point sur les projets suivants supervisés par Lucasfilm !



Sources : StarWars.com, Variety, The Hollywood Reporter, Entertainment Weekly, Comingsoon.net, SlashFilm, TheForce.net, StarWars-Universe.com, io9, Syfy.com, ABC… Bookmark and Share


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