Le Fantôme de l'opéra : Le film aujourd'hui
Article Cinéma du Lundi 05 Novembre 2018

Our present day, PHANTOM is but a ghost of his original, écrit Ray Bradbury. Quand le cinéma parlant prend son essor, dans les années 1930, les films muet sont alors détruits. Les films, à cette époque ne sont pas considérés comme du patrimoine à sauvegarder, mais sont purement des objets de consommation. Les copies sont projetées jusqu'à usure complète, puis détruites et souvent recyclées en d'autres objets, ou encore brûlées pour en extraire l'argent qui est l'un des composés photochimiques. Universal n'a pas fait exception à la règle et une bonne partie de son patrimoine cinématographique muet est détruit. Alors que reste-t-il aujourd'hui, du plus célèbre film de Lon Chaney ?

par Nicolas Jonquères

Les éléments subsistants

En 1950, James Card, fondateur de la collection de film à la George Eastman House, demande à Universal de leur fournir les éléments de la meilleure qualité en leur possession du FANTÔME DE L'OPERA. 1 copie en 35mm de 10 bobines leur fut remis (90 minutes à 20 images secondes, la cadence de projection du cinéma muet). Malheureusement, elle fut sauvegardée à travers un appareil conçu pour du cinéma sonore, amputant de fait l'image de quelques millimètres et lui donnant un ratio de 1,2 : 1 au lieu de 1,33 : 1. Rappelons qu'une copie d'un film sonore en 35 mm réserve quelques millimètres pour la bande sonore optique.

Cette copie, que nous appellerons « copie Eastman » a longtemps passé pour être la version muette de la version sonore de 1929, version qu'Universal aurait distribué dans les salles non équipés pour le cinéma sonore. On sait aujourd'hui qu'il n'en est rien : la copie Eastman ne comporte que des plans tournés pour la sortie de 1925, mais également des prises alternatives, non-retenues dans le montage final. Par contre, le générique de début date en effet de 1929, et une séquence de Carlotta chantant Faust peut se synchroniser avec du matériel sonore conservé par ailleurs (nous y revenons plus loin).
La copie Eastman est également plus courte que la version de 1925, si nous voulons avoir une idée plus précise du film d'origine, il faut chercher une autre source.

Dans les années 1930, Universal commercialise des Show-at-Home, des copies 16mm destinées à la projection à domicile (ancêtre des VHS). John Hampton, qui dirige un cinéma dédié exclusivement aux films muets de 1940 à 1979,récupère plusieurs copies du FANTÔME DE L'OPERA et reconstitue le film en prenant les meilleurs éléments de chacune d'entre-elles. De cette nouvelle copie en furent tirés d'autres qui furent longtemps la seule possibilité de voir le film. La qualité de ces copies est faible : manque de détails, de contrastes et nombreuses griffures. Cette qualité moindre s'explique par la réduction du 35mm au 16mm ainsi qu'un tirage et retirage de copies à partir d'éléments eux-même dégradés. Les éléments d'origines utilisés par Hampton sont aujourd'hui conservés à la UCLA (University of California, Los Angeles) Film and Television Archive. L'UCLA avait annoncé une restauration, mais le projet semble aujourd'hui au point mort !
Cette version dure environ 115 minutes à la cadence 20 images / secondes et est donc plus complète que la copie Eastman ! Seul le générique de début est encore une fois emprunté à la version sonore de 1929.

Sur les copies Eastman et Hampton, se trouve une séquence dont on ignore la raison de sa présence et dans quelle version du film elle fut montée. Après le générique d'ouverture, un homme s'avance avec une lanterne, et parle (!) au public, puis il se cache, quand l'ombre du Fantôme apparaît ! Tout cela sans intertitres ! Dans les copies Hampton, le début est similaire, mais le montage est différent :un gros plan de l'homme est montré.

Il existe également des bandes annonces d'époque du film l'une de 1925 et l'autre de 1929 pour la ressortie sonore. Elles comportent toutes deux des plans de 1925, avec quelques plans inédits, qui ne sont présents ni dans la copie Eastman, ni dans les copies Hampton (mais qui n'ont peut-être jamais fait parti d'un montage final du film). Le générique d'ouverture de la bande annonce de 1925, est encore une fois celui de 1929. La bande annonce de 1929 est muette, si un disque sonore l'accompagnait, il n'a, à ce jour, pas survécu !

Dans les années 1970, un archiviste de Blackhawk Films, David Shepard, découvre une séquence en technicolor bi-chrome, le début du mal masqué à l'opéra. On retrouve la même séquence dans la copie Eastman, et dans les copie Hampton mais filmée en noir et blanc (une prise différente, donc).

Enfin, pour la version sonore de 1929, il reste à ce jour plusieurs disques avec du son. 1 bobine de film a survécu, même s'il manque quelques plans, avec son disque. On y trouve un plan, présent dans la copie Eastman : Carlotta chantant Faust.

Les différentes restaurations

En 1990, Blackhawk Films et David Shepard produisent la première restauration d'envergure pour ce film : la copie Eastman est restaurée (en raison de sa qualité supérieure aux copies Hampton) et la séquence technicolor bi-chrome est insérée à la place de la version noir et blanc. En 1996, Photoplay Productions et Kevin Brownlow se penchent à leur tour sur le film, eux aussi basent leur travail sur la copie Eastman, rajoutent la séquence technicolor du bal masqué, et insèrent également quelques éléments de copies Hampton pour palier à la détérioration de certains éléments de la copie Eastman. La séquence de l'homme à la lanterne est coupée de cette version, car les restaurateurs estiment qu'elle ne fut pas présente dans la version 1925. La fin de la séquence du bal masqué (qui a été tournée en technicolor, mais qui n'a pas été retrouvée) est colorisée sur ordinateur, et également la séquence sur le toit recréant l'effet Hanschliegel : cape rouge du spectre sur le bleu de la nuit ! La restauration Shepard / Blackhawk Films fut mise à jour également avec les séquences colorisées à l'ordinateur.

Les deux restaurations tentent de reproduire les teintes d'origines du film. Chacune d'entre elle opte pour des choix qui lui sont propres, et nous avons donc deux jeux de couleurs différents ! Une autre différence notable la partition musicale : la restauration Shepard / Blackhawk Films est sortie en vidéo avec une partition composée par Gabriel Thibaudeau et la restauration Brownlow / Photoplay avec une musique de Carl Davis.

Les différentes éditions DVD et Blu-ray

LE FANTÔME DE L'OPÉRA est dans le domaine public, donc n'importe quel éditeur peut sortir une édition dvd ou blu-ray. Du temps de la VHS, des éditions bas de gamme virent le jour avec des transferts peu regardables de la copie Eastman, ou d'une copie Hampton. Quelques éditeurs peu scrupuleux font de même aujourd'hui ! Voici un récapitulatif des éditions Vidéo zone 2.

Éditions Zone 2 Année de sortie Copie Eastman Copie Hampton Bonus
KVP (dvd) 2002 Shepard SD Absente
  • Photos de la construction du Studio 28
Arte Editions /
Lobster Films (dvd)
2008 Shepard SD
(recadrée)
Extraits SD
  • Présentation du film par Serge Bromberg
  • extrait de THE PENALTY (1920) de Wallace Worsley, avec Lon Chaney
Park Circus
(2 blu-ray ou 2 dvd)
2011 Shepard
HD & SD
HD & SD
  • Interview de Gabriel Thibaudeau, compositeur de la musique
  • Bande annonce
  • Commentaire audio de l'historien du cinéma et specialiste de Lon Chaney Dr. Jon Mirsalis
BFI
(Combo Blu-ray + dvd)
2013 Brownlow
HD & SD
HD & SD
  • Bandes annonces 1925 et 1929
  • Bobine 5 de la version sonore de 1929 (12 min)
  • Séquence l'homme à la lanterne
  • LON CHANEY: A THOUSAND FACES (2000, Kevin Brownlow, 86 mins, DVD only):
    Documentaire de Kevin Brownlow sur Lon Chaney.

Sources : The Making of THE PHANTOM OF THE OPERA, par Philip J. Riley Magic Images Filmbooks (1999), Lon Chaney : A Thousand Faces par Kevin Brownlow Photoplay Bookmark and Share


.